CHAPITRE 42

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J'ai l'impression de flotter.

Je ne sens plus mon corps mais je sens que je flotte. Où ? Dans quoi ? Je n'en sais rien. Mais je flotte ; cette absence de gravité est la seule sensation qui me reste. Plus de vision, d'odorat, de goût, d'ouïe, de toucher. Juste... le vide. Il ne fait ni chaud, ni froid. Il ne fait ni noir, ni lumineux. Il n'y a ni air, ni son. Plus rien à par le néant.

Alors, c'est fini ? Je suis bien morte ?

Si c'est le cas, je ne sais pas ce que je dois en penser. Suis-je contente ? Triste ? Je ne sais pas... je ne ressens rien. Comme si on m'avait vidée de tout ce qui faisait que j'étais « moi ». De mes émotions, mes pensées, mes souvenirs, ma personnalité...

Qui suis-je ? Où suis-je ? Depuis combien de temps est-ce que je flotte ?

Une éternité.

* * *

Tiens. Je sens quelque chose. Ça tire, ça se noue. Ça brûle. C'est étrange, ça. J'ai l'impression... d'avoir mal.

Je ne flotte plus. Je me sens lourde tout d'un coup, le retour de la gravité me compressant tout entière. Mais je ne sens toujours rien autour de moi, comme si on me retenait en l'air par des fils qui menacent de se casser sous mon poids. Un poids si lourd... comme une pierre, un rocher, un arbre, une montagne...

Et j'ai mal. Si mal. Ça brûle dans tout mon corps.

Un corps ? Ah oui... je sens mes membres, le sang qui coule dans mes veines, mon ventre qui se tord. Mais mes poumons sont figés et mon cœur ne bat toujours pas.

Je ne sais toujours pas qui je suis. Ni où je suis. Ni depuis combien de temps je flotte alors que je pèse autant qu'une planète.

Probablement depuis une éternité.

* * *

Le choc me fait cambrer violemment. L'air s'engouffre brutalement dans ma bouche, puis ma gorge et enfin, remplit mes poumons qui se remettent à se gonfler et se dégonfler. Mon cœur bat rapidement, parti au galop, et résonne dans tout mon corps comme un concert de tambours.

J'ouvre brusquement les yeux en me raidissant vivement, tous les sens en alerte. Ma respiration saccadée est si brutale et je me sens si paniquée et perdue qu'il me faut un moment pour retrouver mes esprits et mes souvenirs.

La première chose que je vois, c'est le visage de mon père penché au-dessus de moi. Il me sourit tendrement, semblant heureux de me voir. Mais son sourire est tordu par la fatigue.

Bizarrement, mon père est entouré d'un halo doré qui contraste avec la nuit noire autour de lui, semblant menaçante et peu accueillante. Je suis dans ses bras, sa chaleur envahissant mon être.

Du coin de l'œil, je remarque Mathéo accroupi de l'autre côté. Il me dévisage avec inquiétude mais soulagement. Sa main serre la mienne avec une telle force, comme s'il avait peur de me voir partir de nouveau, de lui échapper en une seconde. Ses yeux sont rouges et gonflés... on dirait qu'il a pleuré. Ce serait surprenant... je crois ne l'avoir jamais vu pleurer.

Mais c'est autre chose qui me frappe : la douleur. Elle n'est plus là. Je n'ai plus mal, je ne tousse plus, je ne meurs plus. Comme si je n'avais jamais respiré ce poison atroce.

Alors... je ne suis pas morte ? Damien m'a soignée ?

Une vague de soulagement m'envahit. J'ai vraiment cru que tout était terminé pour moi... alors que ma vie ne fait que commencer. Depuis que je suis entrée dans ce monde surnaturel, je n'ai jamais été aussi heureuse. Certes, les batailles et les mauvaises nouvelles s'enchaînent, douleur et peine sur douleur et peine. Mais cela fait à peine quelques heures que je suis de nouveau réunie avec ma famille, j'ai trouvé ma place dans cette académie, je me suis fait des amis avec qui je n'ai pas à cacher mon don et j'y ai même trouvé l'amour.

Les dix MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant