CHAPITRE 27

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J'ouvre doucement les yeux. La première chose que je vois est un plafond qui ne ressemble pas à celui de la Chambre Forte mais je ne tarde pas à le reconnaître. C'est celui de ma chambre. Je referme immédiatement les yeux tandis que les souvenirs me reviennent : la souffrance, ce déchirement, ce supplice, cette torture que j'ai dû subir au point de m'enfoncer dans le désespoir.

Je ne veux plus jamais revivre ça. Plus jamais.

Mais... j'y ai survécu. Je ressens à présent les membres de mon corps. Et je n'ai plus mal. C'est fou comme c'est agréable cette sensation de calme et de sérénité. J'ai l'impression d'avoir rêvé cette douleur inhumaine et pourtant, elle était presque devenue une routine dans ma tête, tant la notion du temps était devenue abstraite à mes yeux. On pourrait me dire que je suis restée dix ans dans cette Chambre Forte que je le croirais sans mal. Je me rappelle cette impression, comme si chaque atome de mon corps s'était détaché de mon enveloppe corporelle, que chaque parcelle de mon anatomie s'était déchirée et avait été brûlée vif. Tout le monde qui passe par là a-t-il ressenti la même chose que moi ?

Malgré cette souffrance, mon réveil montre que j'ai passé le cap de la crise de passage. J'ai enfin pleinement dix-huit ans et je suis enfin en pleine possession de mes pouvoirs. J'ai hâte de savoir quel est mon niveau en tant que Mage. Et en parlant de ce détail, il va falloir que la directrice et moi discutions de certaines choses.

Mais avant ça... je veux profiter de cet instant sans douleur. Ce calme sans hurlement. Cet endroit sans mur en acier.

Je sens soudain une présence à côté de moi que je n'avais pas remarquée avant et rouvre les yeux en basculant la tête sur le côté. J'écarquille les yeux en apercevant Mathéo, assit par terre et l'arrière de la tête contre mon matelas. Il dort paisiblement, sa poitrine se soulevant dans un rythme régulier.

Je ne peux retenir un sourire. C'est la première fois que je le vois dormir. Il a la bouche légèrement entrouverte et bave un peu, ce qui me fait rire. Mais il ne ronfle pas, il respire simplement fortement. Son visage est détendu, ce qui est rare. Ses traits sont plus doux, il n'a pas les sourcils froncés de passivité comme d'habitude, et ses yeux tranchants sont cachés derrière ses paupières. Ses épaules aussi sont relâchés ; pour la première fois, j'ai l'impression qu'il ne porte pas le poids du monde.

Ce qui ne change cependant pas, ce sont ses cheveux ébouriffés. Je ne peux m'empêcher de lever la main pour dégager son front de ses mèches noires qui tombent devant ses yeux. Ce simple geste suffit à le réveiller et ses paupières papillonnent avant qu'elles ne s'ouvrent tandis qu'il lâche un petit grognement plein de sommeil.

Puis, son regard croise le mien et il se redresse subitement.

- Merde, j-je suis désolé, je me suis endormi, bredouille-t-il, écarlate.

Je ris devant sa tête et une vague de chaleur me parcoure. Je suis contente que ce soit Mathéo que je vois en premier après ce moment douloureux.

Ce dernier s'assoit sur mon lit et je me redresse un peu.

- Est-ce que ça va ? me questionne-t-il.

J'acquiesce.

- Ç'a été... douloureux, fais-je.

- Oui, ça l'est pour tout le monde. Mais c'est terminé maintenant. Tu as passé le plus dur.

Je lui souris. C'est vrai.

- Combien de temps ai-je fait ma crise ? demandé-je.

Mathéo grimace.

- Elle a duré plus longtemps que prévue. D'habitude, quelques heures suffisent mais, je ne sais pas pourquoi, la tienne a duré...

Les dix MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant