Les dix Mages

CHAPITRE 46

- Salut, Emma.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine en reconnaissant la voix à moitié enrouée malgré le brouhaha de la foule autour de moi. Je fais volte-face et tombe nez à nez avec Mathéo qui tousse un bon coup pour redresser sa voix fatiguée.

- Hé, salut ! lancé-je d'une voix un peu maladroite, ne m'attendant pas à le voir si tôt. Euh, je... tu as été incroyable sur scène ! Enfin, vous avez été incroyables !

Mathéo rit. Il a ôté sa veste en cuir durant leur prestation, dévoilant sa chemise blanche qui lui colle au torse. Quelques gouttes de transpiration perlent sur son front et ses cheveux sont encore plus en bataille que d'habitude. Chanter sur scène semble fatiguant et pas seulement pour la voix.

- Merci, fait-il. Je suis vraiment content d'avoir pu remonter sur scène et chanter à nouveau. Ça m'avait manqué.

Je souris, comprenant ce qu'il ressent, surtout en sachant ce qu'il a traversé. Même si ce n'est que pour un soir probablement, le retour de ce groupe doit beaucoup signifier pour lui, surtout le combat qu'il a mené pour passer au-dessus des machinations de mon oncle et redevenir lui-même. Quand je le vois comme ça, heureux, cela me rend fière de lui avoir accordé une deuxième chance.

Les yeux de Mathéo descendent sur ma robe et après une seconde d'hésitation, il commente dans un souffle admiratif :

- Tu es splendide.

Je rougis vivement à son compliment, flattée. Je remercie intérieurement Alyssa de m'avoir prêté sa robe ; ces simples mots de la part de Mathéo et son regard me dévorant suffisent à rendre cette soirée parfaite.

- Merci, toi aussi, dis-je en retour. C'est la première fois que je te vois avec une chemise.

- Et toi avec une robe, réplique Mathéo avec un sourire.

Je le lui rends. C'est vrai que les robes, ce n'est pas trop mon truc. Mais si c'est pour avoir des compliments de Mathéo, je veux bien en mettre tous les jours !

- Hum, on va faire au moins une petite demi-heure de pause. Alors euh... ça te dit qu'on aille en haut ? me propose Mathéo en passant une main dans ses cheveux noirs.

J'accepte immédiatement, enchantée par cette idée. Cela fait des semaines que nous n'avons pas eu un moment seul à seul et j'avoue que... ça me manque terriblement.

Nous nous faufilons donc à travers la foule avant de rentrer à l'intérieur de l'académie, plongée dans le noir et le silence. Nous montons au dernier étage, nos pas résonnant dans les couloirs et les escaliers déserts, puis nous nous rendons au grenier avant de nous installer sur la fameuse plate-forme qui semble être devenue notre petit coin secret à tous les deux.

D'ici, nous avons une belle vue sur la forêt obscure. Au-dessus d'elle s'étend le ciel noir et parsemé d'étoiles, ainsi qu'une pleine Lune éblouissante. Vers notre gauche, des lumières éclairent les arbres, provenant de la fête. En arrière-plan, on entend de la musique mise par un DJ en attendant que les vrais musiciens se reposent. Mais de là où nous sommes, elle est presque inaudible. L'air est froid et le vent assaillant ; Mathéo doit regretter d'avoir enlevé sa veste car il se frotte les bras, seulement recouvert des manches de sa chemise blanche. Moi-même, avec mon gilet, je frissonne. Il n'est pas assez chaud, malheureusement, pour une nuit d'automne, surtout loin de la chaleur d'une foule.

- Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas retrouvés tous les deux, énonce soudainement Mathéo, brisant le silence.

Je tourne le regard vers lui. Ses yeux gris brillent malgré la pénombre.