PROLOGUE

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Je laisse mes pensées vagabonder un court instant alors que le professeur de philosophie nous explique de sa voix lente et enrouée une citation célèbre de Schopenhauer : « La vie oscille, tel un pendule, de l'ennui à la souffrance ». Une bien triste citation pour une si belle journée ensoleillée que je rêverai d'embrasser au lieu d'avoir les fesses collées à cette chaise en bois dur.

Je sens soudain un coude taper avec fermeté dans mon bras et je me tourne vers ma voisine de table, alias ma meilleure amie, Maeva. Cette dernière se penche vers moi et ses longs cheveux blonds frôlent mon épaule.

- Arrête de rêvasser, Emma, me souffle-t-elle. Tu vas encore te faire engueuler par le prof.

Je reporte sans volonté mon attention sur le cours en murmurant en retour avec un sérieux contrôlé :

- Que veux-tu que je fasse d'autre ? Avec ce genre de cours, la vie ne peut qu'osciller vers l'ennui.

Maeva pouffe de rire et j'esquisse un sourire, fière de ma réplique.

- Mademoiselle Dubois, retentit tout à coup la voix du prof, interpellant mon amie.

Nous perdons toutes les deux le sourire et nous levons les yeux vers le prof qui, le stylo à la main, s'est tourné vers nous, ainsi qu'une bonne vingtaine de paires d'yeux.

- Auriez-vous l'aimable obligeance de faire part à vos camarades de ce qui semble vous faire rire, que nous rions avec vous ? demande le prof de philo, un sourcil levé et prêt à nous réprimander.

Je vois Maeva lui sourire innocemment sans répondre. Mais à son regard, je devine que son cerveau est en train de tourner à cent à l'heure pour dénicher une excuse plausible afin de ne pas se faire exclure du cours. Je m'empresse alors de venir à sa rescousse, sachant que je suis la fautive de cette intervention.

- C'est moi, m'sieur, dis-je alors. Je lui ai dit que j'avais une envie très pressante et que ma vie oscillait donc vers la souffrance de devoir me retenir.

Quelques rires s'élèvent dans la classe, heureux de ce petit divertissement inattendu qui leur font perdre quelques minutes de ce cours ennuyant. Le prof, lui, plisse les yeux, essayant de déceler mon mensonge. Je tente de garder un air sérieux pour ne pas éveiller ses soupçons.

- Et bien, la prochaine fois, mademoiselle Cooper, vous vous abstiendrez de faire ce genre de remarque à vos camarades lors de mon cours car, comme vous pouvez le constater, cela dérange un peu. Est-ce bien clair ?

J'acquiesce avant de lever la main. Le prof lève un sourcil surpris.

- Oui ?

- Est-ce que je peux aller aux toilettes du coup ?

De nouveaux rires fusent que le prof s'empresse de faire taire d'une main, agacé. Je réprime un sourire.

- Allez-y. Mais c'est la dernière fois.

- Merci, m'sieur.

Je me lève tandis que ma meilleure amie me lance un regard reconnaissant. Je lui souris discrètement puis quitte la salle de cours, la tête haute. Je sais que je n'avais pas besoin d'aller si loin mais aller véritablement aux toilettes crédibilise mon mensonge et me permet de quitter au moins quelques minutes ce cours infernal.

Je me rends donc aux W.C. qui se situent dans le même couloir, à la diagonal, et disparais à l'intérieur. Une fois seule, je m'approche des éviers et en profite pour m'hydrater un peu avant de refaire ma queue de cheval.

Les dix MagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant