Chapitre 44 : Victoria Road

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La première chose que je ressens lorsque j'ouvre les yeux, c'est la douleur fulgurante qui me traverse le crâne comme une aiguille qu'on enfonce dans un canevas. C'est une sensation si écrasante, si atroce que je referme les yeux presque aussitôt en protégeant mon visage de mes mains. Qui a allumé autant de lumière dans cette pièce ? A peine ai-je eu le temps de formuler cette pensée que je me sens plonger dans l'obscurité avec pour seule entrée lumineuse quelques bougies poser sur ma commande.

- Charlotte, comment vous sentez-vous ?

La voix de Henry, que je reconnaitrais entre toutes, murmure doucement à mon oreille, et les couleurs ivoires de ma chambre commence à apparaitre doucement devant mes yeux que je rouvre avec anxiété.

Le soleil filtre derrière mes épais rideaux, et le regard d'Henry est rivé sur mon visage. Ses traits sont d'une dureté sans égal. Qu'est ce qui vient de se passer ? Je tente de me redresser sur mon lit, mais la douleur saisissante au crâne revient m'écraser de toute son ampleur.

- Qu'est ce que vous faites là ? murmuré-je doucement en sentant ses doigts effleurer mon visage. Vous êtes dans ma chambre, Henry.... vous ne devriez pas être là, lui dis-je en essayant de sortir de l'épais brouillard qui semble m'ensevelir. Si ma tante l'apprend...

Je vois un sourire s'étirer timidement sur sa bouche charnue, et j'attrape ses doigts dans mes mains pour les presser contre ma paume. Ma vision est de plus en plus nette, et je réalise que le soleil est dehors entrain de s'éveiller tranquillement. Un peu comme moi.

- Vous... vous ne vous souvenez de rien ? s'inquiète Henry, assis sur mon lit.

- Comment ? répondis-je confuse.

De quoi est-ce qu'il me parle ? Je suis sur le point de lui demander des explications quand le son d'un saxophone résonne à mes oreilles. Qu'est ce que...

- Le Peeks ! m'écriai-je en me redressant subitement de mon lit, poussant un cri de douleur en raison de la douleur à la tête. Je... j'ai...

- Calmez-vous, Charlotte, me dit doucement Henry en m'aidant à me caler contre mes oreilles.

Le saxophone, la robe moldue -complètement froissée sur mon corps- et les amis de Henry. Le pique-nique sous les étoiles, le Peeks, les baisers torrides échangés, le retour à la maison, ma tante... ma tante et son père. Tout me revient en mémoire, et j'ai l'impression de suffoquer. Je n'arrive pas à respirer correctement, comme si mon souffle, sifflant, est coincé dans ma poitrine. La course dans le hall, les escaliers, ma chute. La gifle.

- Buvez ça, m'ordonne-t-il en me versant un liquide brunâtre dans une cuillère à soupe.

Je ne lui demande même pas ce que c'est, et je m'exécute, n'arrivant plus à réfléchir correctement tant les évènements de la nuit remonte à la surface.

- Charlotte...

La voix usée de ma tante me fait sursauter. Mes yeux croisent les siens, et je constate que Mr Potter est resté au fond de ma chambre, appuyé contre ma commode. Lui aussi parait fatigué. On parait tous fatigué de cette nuit agitée. Ma tante et Mr Potter... j'ai encore du mal à l'imaginer. Et ça me retourne l'estomac. Je ne veux plus les voir.

- Prenez encore une gorgée, ça va vous faire du bien, me dit Henry en me remplissant une nouvelle cuillère que j'écarte de la main doucement avant de me redresser sur mon lit.

- Sortez...

Henry fronce les sourcils, inquiet.

- Sortez de ma chambre, répété-je en me retournant vers ma tante, le regard dur.

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