Chapitre 46 : De l'autre côté du miroir

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Péniblement, je tente d'ouvrir les yeux. J'ai l'impression que mes paupières sont collées avec un sortilège de super glu, tant je n'arrive pas à les faire bouger. Pourtant, au bout de quelques minutes, noyés dans un silence presque pesant, mes yeux s'étirent en deux petites fentes horizontales avant de s'ouvrir lentement.

Devant moi, les murs couleur caramel me semblent complètement flou, et je me redresse difficilement dans le lit, ma tête appuyée nonchalamment contre mes mains. Impossible d'aligner mes pensées tant j'ai la tête qui tourne, prête à retomber dans le sommeil brumeux auquel je viens enfin d'échapper. L'odeur d'aiguilles de sapin et de miel vient chatouiller mon nez alors que je réalise petit à petit que je ne suis pas dans ma chambre, à Flaglet-le-haut. Le canapé ombragé à côté d'une vieille commode, et mon sac de voyage posé dessus, me permettent de rassembler petit à petit les pièces du puzzle. Mon regard s'accroche à ma tasse de thé, prêt d'une petite fiole violette que je fais tournoyer entre mes doigts hésitants avant de la reposer à sa place.

- Qu'est ce qui s'est passé ? murmuré-je, vaguement, en me frottant les yeux de mes poings pour mieux réveiller.

Sur le canapé, ma robe de soirée et mes escarpins y ont été jetés à la va-vite, alors que mon kimono de nuit gît au pied de mon lit, la ceinture pendouillant négligemment sur la jetée. La dernière pièce du puzzle enfin en place, mes joues s'embrasent instinctivement alors que je me mords la lèvre inférieure, consciente de tout ce qui s'est passé cette nuit. Cette fois-ci, je sors bel et bien de ma nuit brumeuse, et je me lève doucement de mon lit, en faisant glisser mes mains sur mon corps, comme pour m'assurer que je porte bien ma nuisette. Un soupir, presque déçu, s'échappe de mes lèvres, ce qui me fait l'effet d'une douche froide. Un Cognard en pleine tête. Charlotte, qu'est ce que tu imagines, exactement ? pensé-je en secouant la tête, attrapant mon kimono pour l'enfiler rapidement. Ma parole tu es folle d'imaginer ça... déçue. Déçue ! N'importe quoi, maugréé-je dans mes pensées alors que le rouge colore toujours mon visage.

Je sors du lit, et la vue de mes sous-vêtements près de ma robe me rappelle la pression des doigts de Henry sur ma cuisse cette nuit. Je sens encore sa main glisser sur ma peau nue, et je me mets à ventiler. Ventiler d'exaltation et d'angoisse. Puis je repense à ma tante ! Ma tante, et sa gifle. Ma tante et son secret. Ma tante et le père d'Henry.

En l'espace de quelques minutes, je passe par toutes les émotions. L'amour, la colère, le désir, la tristesse, la culpabilité. Et je suis sur le point de me mettre à pleurer tant j'angoisse face à cette situation lorsque mes yeux croisent un bout de parchemin, posé près de mon sac de voyage, sur la commode. Mes doigts s'en saisissent avec tremblement puis je le déchiffre en quelques secondes.

« Vous êtes si belle quand vous dormez, je n'ai pas osé vous réveiller à mon départ. Je devais retourner au bureau pour finaliser quelque compte-rendu de mes précédentes missions, mais je serais de retour dans l'après-midi, n'ayez crainte.

Un petit déjeuner vous attend dans le salon. Servez-vous, n'hésitez pas !

J'espère que mon chien ne vous a pas réveillée... il a la fâcheuse manie d'ouvrir les portes pour dormir sur les lits ! J'ai pris la liberté de jeter un sortilège d'insonorisation à votre chambre afin que les bruits extérieurs ne vous réveillent pas. J'espère que ce repos vous a fait le plus grand bien.

Je vous embrasse,

Henry »

Cet homme me fait fondre. Littéralement ! J'ai l'impression d'être un coulis de fruit rouge sur un gâteau moelleux, et le sourire niais que j'arbore ne m'aide en rien. Je presse sa lettre contre mon cœur avant de la mettre dans mon sac.

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