Chapitre 70 : Conversation clandestine

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« Ma très chère Charlotte,

Déjà six semaines que nous sommes séparés et j'ai l'impression que cela en fait bien plus... depuis que j'ai quitté Londres, il y a de cela un mois, j'ai bien peur d'avoir perdu la notion du temps.

La Sibérie est une région vaste. Tellement vaste que parfois, le sol glacé se mélange au blanc cotonneux du ciel. L'horizon me paraît alors inexistant et les distances bien plus qu'infranchissable. Vous l'aurez sans doute deviné, ici, tout n'est que désert. Un désert glacial où les jours s'écoulent comme s'il s'agissait de semaines et où les heures, interminables, s'égrainent à la lenteur d'un sablier que l'on aurait ensorcelé. J'en viens même à regretter l'Estonie et ses blanches vallées. Et l'Angleterre ? Ce pays pluvieux me paraît être le plus ensoleillé qu'il m'ait été donné de connaître.

Même la nourriture me manque... mais ce qui me manque le plus, vous le savez plus que quiconque, c'est vous.

Je ne cesse de me remémorer nos derniers souvenirs... cette dernière nuit où votre corps est devenu mon jardin d'Eden. J'imagine vos joues rougissantes et votre doux sourire flotter sur votre bouche à la lecture de ma lettre.

Cette image me remémore en détails ceux que nous avons partagés lors de notre première nuit. Je ne peux penser à rien d'autre... j'aimerais pouvoir m'en défaire, vous raconter autre chose mais c'est impossible. Toute votre âme m'obsède. La moindre parcelle de votre corps m'obnubile... je pensais pouvoir freiner mes ardeurs, et que la possession, à la fois de votre corps et votre cœur, m'aurait permis une certaine tranquillité d'esprit, mais j'ai le regret de vous annoncer que j'ai lamentablement échoué. Je donnerais tout pour me retrouver avec vous, une nouvelle fois. Et oublier, ne serait-ce qu'un cour instant, la rudesse de mes missions. Ou pire... oublier l'identité de votre nouveau professeur d'études des runes... cette image aussi m'obsède. Peut-être même plus que votre parfum. Plus que vos yeux. Plus que vos baisers...

En vous écrivant cette lettre, je m'étais promis de me montrer raisonnable, et de ne pas céder à cette jalousie qui me dévore de l'intérieur depuis que j'ai appris cette nouvelle. Mais là encore, mon échec est cuisant !

Savoir cet imbécile proche de vous, et cela en toute « légalité » me ronge. Comment se passent vos cours ? J'espère de tout cœur que Greengrasse se montre respectueux à votre égard... Et j'espère de tout cœur que votre réponse ne sera pas teintée d'oubli... je sais que vous préférerez ignorer ma question, et j'en connais pertinemment le motif. Sachez juste que je serais bien plus rassuré, et bien plus concentré sur mes objectifs en connaissant la stricte vérité qu'en permettant à mon imagination quelques écart de conduite.

Je vous l'ai déjà dis, Charlotte, et je vous le répète à nouveau : vous êtes mon unique priorité. Et cela, même si je suis à des dizaines de milliers de kilomètres de vous.

Malheureusement, je dois vous laisser...

Avec tout mon amour,

Henry. »

Sa signature a été bâclée. Comme s'il avait dû partir précipitamment.

Sur le dessus du parchemin, là où sont écrit mes coordonnées, l'encre a bavé. Et la cire de son sceau a coulé sur une partie de l'enveloppe.

J'espère que tout va bien...

Depuis que j'ai reçu cette lettre, il y a deux jours, cette pensée m'obsède. Je n'ai pas encore pris le temps de répondre à Henry. Les professeurs nous surchargent de devoirs. Le peu de temps que j'arrive à me trouver, c'est pour combler les lacunes que j'accumule en Potions, et cela, malgré le fait que le nouveau professeur, Horace Slughorn, soit un excellent professeur. Moi qui m'attendais à une version masculine de Madam Beurk, j'ai été agréablement surprise de savoir à quel point je m'étais trompé.

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