Grand Manitou Vs Les Clichés

4 ans

Éclairé.e par la seule lumière de mon téléphone, mes yeux se posent sur la date du jour. Premier août.

Dans un léger pincement de lèvre, j'ouvre l'application que je n'avais plus ouvert depuis bien longtemps. Cette nuit, je me suis juré.e de prendre une grande décision.
Cette grande décision à laquelle je réfléchis depuis des mois, peut-être même des années.
Cette fichue décision qui m'a volé des nuits, à la cogiter sans cesse.

L'application s'ouvre et je fais ainsi face à cet écran d'accueil que j'ai parcouru des centaines de fois. Je prend soin d'écumer mes notifications, aussi, mais surtout, mes doigts glisse sur ce livre, caché dans ma bibliothèque.

Je l'ouvre, et encore une fois, sans doute pour la millième fois, je parcours ses pages, ses chapitres.
Je ris en lisant certains chapitres, soupire en tombant sur d'autres.
Ce livre est caché dans ma bibliothèque depuis quatre ans, mais cela fait bien longtemps qu'il n'est plus mis à jour.

La page blanche est un syndrome bien connu chez les auteurs, quand bien même ils sont persuadés écrire la meilleure histoire de tous les temps.

Ce livre, en vérité, ne m'a pas procuré de sensations réellement incroyable, j'ai ricané, mais rien de plus. Ce n'était pas un livre qui se targuait d'être émouvant, de toute façon, le thème de ce dernier ne lui prêtait pas cette possibilité.

L'autreur.rice de ce livre est jeune, iel débutait dans ce domaine lorsqu'iel l'a commencé.
Enfin, "débuter"... Cela faisait quand même cinq à six ans qu'iel écrivait, mais dans ce domaine, je suppose que même après 10 ans d'expérience on débute toujours, tant il y a de chose à explorer.

Cet.te auteur.rice ci n'avait pas la prétention de bouleverser le monde, mais s'enorgueillissait au premier commentaire positif.
Des commentaires positifs, encourageant, iel en a eu. Plus qu'on ne peut les compter. Bien suffisamment pour la.e motiver a continuer.

Parfois, j'ose imaginer ce qu'il se serait passer si ses lecteurs n'avaient pas été là. Je pense que jamais ce livre n'aurait atteint autant de chapitre.

En relisant ce livre, des souvenirs me reviennent.
Du temps où cette application était gratuite et sans pub. Du temps où les histoires sur les Creepypastas faisait partie du top trois des fanfictions les plus populaires, du temps où j'étais jeune et persuadé.e d'être l'auteur.ice du futur best seller.

Ce livre quant à lui, ne se noyait pas dans la masse, sans pour autant être réellement original. L'auteur.ice n'était pas la.e premier.e à écrire sur ce sujet, bien au contraire, mais ce livre avait quelque chose de différent. Il semblait être le premier a aborder ce sujet avec les fanfictions Creepypastas. L'auteur.ice en était fier.e, les lecteurs venaient et commentaient ses chapitres, conseillant et remerciant pour les conseils donnés, la douceur et la bienveillance étaient reines dans la section commentaire, combien de fois l'auteur.ice avait du la parcourir, sourire au lèvre, le coeur gonflé d'amour ?

Les années passaient, mais jamais cet.te auteur.ice n'avait manqué une seule fois la lecture de ces commentaires. C'était, comme dirait certains, son millésime.
Les années passaient, les lecteurs allaient et venaient, certains disparaissaient pour toujours quand d'autres apparaissaient, certains se prenaient d'amour pour ce livre et cet humour avec lequel l'auteur.ice prenait soin d'épicer ses chapitres quand d'autres finissaient par s'en dégoûter, certainement, car c'est ainsi.

Ce livre recueillait quatre ans de vie.
Quatre ans.

Je suis l'auteur.ice de "les Creepypastas et leurs clichés", renommé en "le Grand Manitou vs les Clichés".
Je suis l'auteur.ice qui, depuis des mois, parle pour ne rien dire, n'est plus satisfait.e des chapitres, et par dessus tout, a un besoin de renouveau.
Je suis l'auteur.ice qui se cherche, cherche son style, et qui a encore beaucoup d'idée d'histoire pour la suite.

Cette nuit, et éclairé par la seule lumière de mon téléphone, je ferme ce livre.
Définitivement ? Sûrement pas.
L'ouvrirai-je à nouveau un jour ? Peut-être.

Cette nuit, ma grande décision est prise.