Alma
— Ton repas. Me dit un homme.
Son bras traverse les barreaux pour me lancer un morceau de pain et une bouteille d'eau à moitie pleine.
Je le regarde un instant car lui est resté devant la cellule à me fixer.
Je ne sais pas lire sur le visage des gens mais j'aurai parié qu'il était presque désolé.
Ses yeux noisette et ses cheveux bouclés tirés en arrière, une cicatrice sur la joue et la lèvre, c'est bien un des hommes d'Abel.
J'ai frissonné de dégoût.Je rejette sa nourriture car même si je meurs de faim, je ne mangerai pas ce qu'il me donne.
Et je me suis reculé pour me coller contre le mur face à lui.
Toujours en le regardant.— Tu devrais manger parce que si ce n'est pas la faim qui te tue, ça sera une balle entre les deux yeux.
Je n'ai pas bougé et j'ai continué de le regarder.
Et j'ai rejeté un peu plus sa nourriture.
Parce qu'en plus de ça, il croit qu'un morceau de pain va me nourrir.
Cela fait cinq jours que je n'ai pas mangé.Je me suis noyée de cette eau dégueulasse qui ronge le sol pour calmer ma soif.
Je me dégoûte moi-même de l'avoir fait mais mon corps en avait trop besoin.J'ai l'impression qu'il se force à jouer le rôle du méchant.
Enfin, je n'en sais rien, ici les visages défilent, plus froid les uns que les autres.
Alors celui-ci, même s'il parait un peu plus docile, je ne lui parlerai pas pour autant.
Je n'ai pas décroché un mot de plus depuis la dernière fois.
Et j'avoue que ce n'est pas plus mal.
Tout mon être dégage une haine tellement puissante, tellement incontrôlable.J'en ai mal, ça me fait réellement souffrir d'avoir autant de hargne en moi.
Parce que je ne suis pas comme ça.
Même si je n'ai jamais été forcément très facile à vivre, je n'ai jamais vécu de rage et de haine.
Je me détruis au fur et à mesure des jours.
Je maigris à vu d'œil.
Mon corps n'est qu'un énorme bleu vivant.
Mon cœur bat pour survivre alors que mon esprit est sûrement déjà mort.
J'ai mal de me voir comme ça. Mal de devoir continuer à vivre ainsi.
Je veux rentrer chez moi, retrouver ma vie d'avant.
Mais tout ceci n'est que rêve et désillusion. Car plus le temps passe et plus j'ai l'impression que je pourrirais ici.
Et ça, mon cœur ne me le pardonne pas.
Parce que s'il bat pour rester en vie, la raison elle, m'a quitté depuis bien trop longtemps.
Je suis fatigué, même plus que ça, épuisée.
Je vois noir et tous les jours un peu plus.
Comme si je n'atteindrai jamais le bout du rouleau.
Et je n'arrive plus à ressentir la moindre émotion si ce n'est cette rage.
J'ai plus l'impression que c'est elle qui me tiens en vie plutôt que ce cœur qui bat de plus en plus lentement.
Parce que même lui n'arrive plus à sortir la tête de cette marée noire.
On dit qu'il ne faut jamais perdre espoir, mais même ça, je l'ai perdu depuis bien trop longtemps.La solitude me rend mauvaise, les coups me rendent hargneuse et la trahison me rend tellement faible.
Alors, même si mon cœur veut se battre ma tête elle, c'est un autre combat.
Parce que tout tourne, ça parle, ça hurle.
C'est quelque chose que je ne contrôle plus. Ces pensées et ces envies toujours plus noir.— Abel t'ordonne de manger, Alma, alors mange parce que si tu ne le fais pas, tu risques encore de te faire battre.
J'ai pouffé d'un rire.
Alors quoi, qu'il vienne me frapper, pour maintenant je ne suis plus à ça près.
J'ai beau avoir mal, j'aurai beau toujours avoir mal, je ne me sentirais plus jamais vivante.
Et la douleur elle, me rappelle que je suis toujours en vie.
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Plus rapide qu'un impact
RomanceDe toutes les histoires de mauvais goût, j'aurais imaginée que celle-ci se terminerait autrement. De toutes les peines qu'on pourrait m'infliger, la trahison est celle qui m'a fait sombrer dans les portes de mon propre enfer. Pour de la poudre qu'...