Chapitre 3

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Gabriel se concentre sur ses mains, elles sont abîmées à cause de l'eau froide et ses ongles sont rongés à cause de l'anxiété constante. Il n'a jamais tenu la main de qui que ce soit, mais suppose que celles des adolescents ordinaires sont douces. Peut-être que certains mettent de la crème dessus.

Le car arrive dans le parking du lycée. Tous les passagers descendent dans un joyeux tumulte. Gabriel est le dernier à descendre. Il marche d'un pas nonchalant vers le lycée, les mains enfoncées dans ses poches. Il sent soudain une pression sur son postérieur et fait brusquement volte-face, prit de panique. Ce n'est qu'un chien. Son maître le rappelle en lançant un sourire d'excuse au garçon.

La sonnerie du lycée retentit, c'est l'heure des cours. Gabriel traverse les couloirs remplis d'élèves se dépêchant d'atteindre leur classe. Il fait de même, se rendant en cours de français. Il est un peu en retard, la professeure le dévisage d'un œil sévère avant de lui faire signe d'aller s'asseoir. Il traverse la classe, sous le regard admirateur des filles et va prendre place tout au fond, près de la fenêtre. Sa voisine de table, Caroline, lui sourit et lui chuchote :

- Elles sont tout le temps en train de te dévorer du regard...

A ce moment, le groupe de filles assises dans les rangs du milieu se retournent vers Gabriel en se poussant du coude et en gloussant, tout en lui lançant des sourires aguicheurs. Les garçons de la classe en sont exaspérés.

- Un peu de silence s'il vous plaît ! les réprimande la prof. Aujourd'hui, nous allons travailler sur un texte de Balzac...

Gabriel regarde par la fenêtre d'un air absent, murmurant, plus pour lui que pour Caroline :

- Je me demande bien pourquoi d'ailleurs.

Il prend quelques notes de ce que raconte la prof sur Balzac, puis commence un dessin sur son cahier.

- Tu te demandes pourquoi elles veulent toutes sortir avec toi ? ricane Caroline. Je vais te dire moi. T'es le mec le plus mystérieux de la classe ! Du lycée même ! T'es solitaire, discret, beau...

Elle rougit toute seule, puis se plonge dans ses notes. Le regard distrait, Gabriel poursuit son dessin. Ça représente la Ville.

- Non mais c'est vrai quoi, poursuit Caroline sans le regarder. Personne ne sait où tu habites, si tu as des frères et sœurs... ce genre de chose. En fait, personne ne sait rien sur toi.

L'adolescent porte un soin particulier à dessiner les quartiers malfamés. Il dessine ensuite les jolis quartiers bourgeois, les différents centres commerciaux, puis le mur. Et enfin, il dessine la dernière partie de la Ville. Les quartiers aristocrates. Derrière le mur.

Le mur a été construit par ordre des aristocrates qui se sont plaints d'être envahis par les gosses sales des bas quartiers de la Ville qui leur faisaient les poches. Pour franchir le mur, il faut maintenant présenter un justificatif de domicile et une pièce d'identité aux vigiles qui surveillent la grande porte. Si on habite dans un des quartiers bourgeois, on peut aller de l'autre côté sans problème. Mais si on habite dans les bas quartiers, l'accès est refusé.

Caroline se penche sur le dessin de Gabriel. Elle émet un sifflement admirateur.

- Tu dessines vachement bien ! J'habite ici, ajoute-t-elle en désignant le quartier nord bourgeois, qui est le plus proche du mur. Et toi ?

Le garçon garde le silence, poursuivant son dessin sous l'œil déçu de sa voisine de table.

Ne se décourageant pas pour autant, Caroline poursuit :

- Tu es déjà allé du côté des aristocrates ?

Gabriel fait non de la tête.

- Moi, si, dit Caroline. Avec mes parents. Ils travaillent pour le groupe de luxe Dilor. Tu connais n'est-ce pas ? Tout le monde connaît.

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