Chapitre 6

278 39 1
                                    

Plus personne ne prononce son second prénom. Mais Fenyx, lui, l'adore. C'est pour lui une étincelle de non-conformisme, la preuve de sa rébellion contre ce monde étriqué qu'il déteste. Qu'est-ce qu'il aime voir les réactions horrifiées des membres de sa famille chaque fois qu'il dit s'appeler Fenyx. Il jubile d'entendre sa mère prier pour qu'il n'en fasse pas autant dehors.

Antoinette fait un malaise. Elle est vite secourue par les servantes, qui lui donnent à boire. Grégoire se lève, très en colère. Il tape des poings sur la table.

- Stanislas ! Tu as vingt-deux ans ! Tu viens de finir tes études dans la plus prestigieuse Université des quartiers aristocrates. Il est temps pour toi de te marier et de commencer à travailler dans l'entreprise familiale.

Le jeune homme se lève à son tour.

- Oui, « comme il faut ». Je connais le refrain, dit-il en quittant la salle à manger.


Leur villa est démesurément grande. La mère de Fenyx a pourtant insisté pour faire construire une aile supplémentaire. « Les Hinston ont agrandi leur villa ! a-t-elle dit pour justifier les travaux. Tu te rends compte Grégoire ! Nous devons absolument agrandir la nôtre encore d'avantage ! ». Ils ont à présent la plus grosse villa des quartiers aristocrates. Ce qui est parfaitement ridicule car ils ne sont plus que trois à y vivre (les frères de Fenyx habitant chacun séparément avec leur femme). Grégoire est à la tête du plus important groupe de luxe et Antoinette dirige le parti politique conservateur gouvernant la Ville. Leur slogan étant « comme il faut ». Et ça fait vingt-deux ans que la vie de Fenyx est télécommandée, jusqu'aux pointes parfaites de ses cheveux et ses ongles parfaitement limés. Vingt-deux ans que ses parents ne lui ont jamais dit « je t'aime ». Vingt-deux ans que son père ne l'a jamais touché. Pas une accolade, pas d'embrassades, rien. Et enfin, vingt-deux ans qu'il ne se sent pas à sa place dans cette société « comme il faut ». Il a été heureux un jour, grâce à l'Unique, mais voilà maintenant longtemps que le destin les a séparés. Et le destin s'appelle Antoinette Dilor.

L'aile supplémentaire ne contient pour l'instant que des pièces en chantier. Fenyx se dirige vers l'une d'elles. C'est la pièce que ses parents lui ont donnée, ne sachant pas quoi en faire. Le jeune homme pénètre à l'intérieur et referme la porte derrière lui. Il en a fait son atelier. De nombreux tableaux qu'il a peints figurent là, reposant contre les murs neufs et immaculés. Fenyx saisit un de ses tableaux, encore inachevé. C'est une peinture de la Ville. Le jeune homme s'installe avec son matériel et poursuit son œuvre. Il peint les quartiers des aristocrates : leur villa qui domine toutes les autres, la grande Fontaine, la grande Tour, les différentes Universités. Il aime ce sentiment qui s'empare de lui lorsqu'il peint : celui qu'il peut représenter le monde à sa manière. Il peint alors un oiseau, rouge et or, par-dessus les quartiers aristocrates. Un beau phœnix prenant son envol, laissant une traînée de flamme derrière lui.

FenyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant