Chapitre 62

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Le lendemain, Antoinette donne un véritable conseil de guerre au manoir. Elle n'a aucune confiance dans les professionnels de préparation de mariage et préfère donc s'en charger elle-même. Ils n'ont plus beaucoup de temps pour les préparatifs. Tous les serviteurs de la maison sont réunis dans le salon et écoutent les instructions de Madame Dilor. Gabriel et Mia sont également là et reçoivent des tâches à effectuer, telles que l'envoi des cartes d'invitation. Fenyx est posé sur le fauteuil et s'ennuie profondément.

- Maria, dit Antoinette, le traiteur nous a-t-il bien tout livré ?

- Oui madame, tout est dans la cave.

- La salle de réception est-elle prête ?

- Oui madame, nous l'avons aménagée selon vos souhaits.

Le jeune Dilor cesse de s'intéresser à leur conseil et va rejoindre ses amis qui sont installés à la table du salon et qui recopient l'adresse des invités sur chaque carte.

- Y en a des millions ! se lamente Mia.

- Je vais vous aider, dit Fenyx.

Ils ne terminent leur tâche qu'en milieu d'après-midi. Antoinette appelle le service des livraisons rapides et un facteur arrive dans la demi-heure pour emporter toutes les cartes et les faire livrer au plus vite.

Les trois amis s'octroient une pause avant qu'Antoinette ne les interpelle.

- Vous deux ! dit-elle en pointant du doigt Mia et Gabriel. Avez-vous ramené une tenue pour le jour J ? Je refuse que les témoins de mon fils ne portent pas un costume haute-couture à la pointe de la mode !

Sans qu'ils n'aient leur mot à dire, les deux adolescents se retrouvent jetés à l'arrière d'une voiture conduite par un des chauffeurs de la famille. Il démarre instantanément et file à toute allure vers une prestigieuse enseigne de la mode spécialisée dans les mariages. Ils sont escortés par la servante-styliste du manoir.

- Quant à toi, dit Madame Dilor en fixant son fils, ton costume est déjà prêt. Des stylistes viendront t'habiller le jour J.


Le dimanche passe tout aussi vite que le samedi. Le manoir entier est en effervescence pour les derniers préparatifs de ce que tout le monde appelle « le mariage du siècle ». Si Gabriel et Mia semblent s'amuser, ce n'est pas le cas de Fenyx. Le jeune héritier est pressé d'en finir avec tout ça.

Après le dîner, quand tout est enfin prêt pour la cérémonie, le jeune Dilor dit bonsoir et monte dans sa chambre. Il est las. Il se déshabille et file dans la salle de bain. Après un regard à son corps amaigri dans le miroir, il se glisse dans la baignoire et ouvre tous les robinets d'eau chaude. Il reste là plus d'une heure, la peau rougie par la chaleur, à fixer le plafond aux reflets dorés.

Quand sa chair prend la consistance d'un raisin sec, il vide la baignoire puis sort en s'enveloppant dans une serviette. Il retourne dans sa chambre et enfile son pyjama. Il ressent l'envie de se recentrer sur ses objectifs, afin de ne pas faiblir demain. Il ouvre sa commode et cherche des yeux un vieux morceau de papier.

Il prend la lettre entre ses mains, délicatement, comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse au monde. Il l'a lue tant de fois. Il pourrait en citer le moindre mot, la moindre virgule. Il parcourt des yeux le titre de la lettre et comme toutes les autres fois, son cœur se serre et un flot d'émotions brûlantes se déverse dans chacun de ses membres.

"Pour Fenyx, l'amour de ma vie, le seul et l'unique,

L'exil approche, il me prend à la gorge et tel un étau ensorcelé, se referme sur moi de plus en plus vite. Inexorablement. La seule pensée de ne plus te voir m'est insupportable, elle m'opprime, fait de moi une carcasse vide et incapable de ressentir quoi que ce soit d'autre que la peine atroce qui me perce le cœur. Le souvenir frissonnant de tes mains chaudes sur mes joues glaciales me hantera jusqu'à la fin de la vie. Je m'accrocherai de toutes mes forces à notre amour, je tâcherai de n'oublier aucun instant passé à tes côtés. Ton sourire, la chaleur de ton corps, ta gentillesse, la façon que tu avais de me taquiner, les moments passés à parler de nos rêves, resteront à jamais gravés dans mon cœur à présent mutilé.

Je sais que tu es en ce moment enfermé, tes parents te faisant passer pour fou, le temps que notre exil soit accompli. Je sais que tu as tout fait pour que cela n'arrive pas et je t'interdis de te sentir coupable de quoi que ce soit. Quand ma famille et moi serons partis, je veux que tu m'oublies, que tu ailles de l'avant et surtout, que tu sois heureux.

J'attends le moment fatidique dans ma cellule auprès de mes proches. Le bateau qui doit nous emmener en terre inconnue est presque prêt. J'écris ces quelques lignes sur un vieux morceau de papier, que notre bourreau a bien voulu me fournir, sans savoir si ça te parviendra un jour. Je t'imagine lisant cette lettre, tes yeux bleus plissés sous la concentration, ton souffle chaud effleurant le papier. Ou alors je l'imagine volant dans le vent d'automne sans jamais être lue par quiconque, comme un secret à jamais gardé...

Le soleil se couche, je l'aperçois à travers les barreaux. Toi et moi aimions observer le ciel rosé de fin de journée, main dans la main, sur la plus haute tour de la Ville. Encore un souvenir que j'emporterais précieusement avec moi. J'aurais aimé passer le reste de ma vie avec toi, le destin en a décidé autrement.

Te rencontrer a été la plus merveilleuse aventure de ma vie.

Je t'ai aimé, je t'aime et t'aimerai pour toujours et à jamais.

L."


FenyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant