Chapitre 1

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Six ans plus tard...


Le réveil de Gabriel sonne. Le jeune adolescent s'extirpe du lit difficilement. Chacune de ses articulations est douloureuse. Il marche d'un pas mal assuré jusqu'à la salle de bain, où il ouvre le robinet de la douche, laissant couler l'eau abondamment, dans l'espoir qu'elle soit au moins tiède lorsqu'il s'y glissera. Le garçon se déshabille en se regardant dans le miroir. Il est brun, aux yeux noirs, éteints. Vides. Il est maigre et pâle. Il fait descendre son doigt le long de ses côtes visibles, encore douloureuses. Des bleus parsèment sa peau, là où son père a appuyé sauvagement en pleine passion. Un frisson de dégoût parcourt le corps de Gabriel. Il porte sur lui les marques de son enfer. Son corps est encore poisseux, à tout jamais sali. Le garçon ressent soudain l'envie de se laver. Il se glisse sous la douche.

Ses espoirs d'avoir de l'eau tiède s'évaporent lorsque de l'eau glacée entre subitement en contact avec sa peau, provoquant des tremblements incontrôlables.

« Quel logement pourri... », songe Gabriel en se lavant tant bien que mal.

Avec ses parents, il habite dans le quartier le plus pauvre et malfamé de la Ville. Leur appartement est crasseux et ne se chauffe que lorsque le thermomètre tombe en dessous de zéro degré. Au-dessus de cette limite, tout y est froid. Douche comprise. Et en cette journée d'automne, le thermomètre indique dix degrés.

Gabriel attrape en grelottant la bouteille de shampoing. Elle est presque vide. Il ouvre le bouchon et la remplit d'eau pour diluer le peu de shampoing restant. Il verse le tout sur sa tête et s'applique à frotter ses cheveux. Il se rince ensuite, l'eau glacée devenant douloureuse sur son corps. Il respire difficilement. Mais la douleur est quelque chose qu'il apprécie. Lorsque son corps souffre, son esprit le laisse en paix pour se concentrer uniquement sur cette douleur. Cependant, comme tout est éphémère, la douleur cesse et son esprit recommence à le tourmenter. C'est exactement ce qui se passe lorsqu'il coupe enfin l'eau et quitte la douche pour s'envelopper dans une serviette. La serviette sent le moisi, comme à peu près tout dans l'appartement. Le jeune adolescent retourne à pas de loup dans sa chambre, jetant au passage un coup d'œil vers la porte fermée qui est la chambre de ses parents. Il y a du bruit derrière, ils doivent être en train de se réveiller.

Gabriel ferme la porte de sa chambre après lui. Il se sèche avec la serviette, appuyant volontairement sur ses côtes douloureuses et ses différents bleus. Il s'habille lentement, optant pour un jean délavé, un vieux t-shirt « keep calm and hug a pingouin » et un sweat à capuche noir. Il attrape ensuite son sac d'école et quitte la pièce. La porte de la chambre de ses parents est maintenant ouverte. Le garçon se rend dans la minuscule cuisine, y retrouvant sa mère, Salomé, en robe de chambre. Elle est maigre elle aussi, brune comme son fils et semble constamment à bout de force comme après avoir couru un marathon de vingt kilomètres. Et surtout, elle est fragile. Autant physiquement que mentalement. Cette fragilité l'a toujours empêchée de travailler. Elle préfère rester cloîtrée toute la journée dans l'appartement minable. Gabriel a toujours tout fait pour la ménager. Il ne lui a donc jamais parlé de ses activités nocturnes avec son père. Ni à elle, ni à personne d'ailleurs. C'est son malheur à lui. C'est si sale, si honteux, qu'il doit en porter le poids seul. A jamais.

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