Chapitre 17

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Une fois dans le car qui est en route pour le lycée, Gabriel s'enfonce dans son siège. Cette histoire de nouveau travail ne lui plaît pas du tout. Surtout si c'est une idée de James. A son avis, il a complètement forcé la main de Salomé. En utilisant le jeune adolescent pour mieux la convaincre.

James est un manipulateur, vicieux, mais intelligent. Il sait se servir des sentiments des gens pour leur retourner l'esprit. Le garçon se remémore une fameuse nuit d'il y a six ans.


Une fois sa besogne terminée, James s'était penché sur le petit Gabriel pour essuyer ses larmes. Il était terrifié, tétanisé, choqué. Des tremblements épouvantables le parcouraient. Son père lui avait alors dit :

- Gabriel, tu ne veux pas que ta mère soit malheureuse, n'est-ce pas ?

Le petit garçon avait secoué négativement la tête, ravalant ses larmes.

- Alors tu ne dois pas lui raconter ce qu'il se passe entre nous, tu comprends Gabriel ? Elle serait si malheureuse qu'elle pourrait en mourir, tu ne veux pas qu'elle meure n'est-ce pas ?

Une fois encore, le petit garçon fit signe que non, horrifié à l'idée que sa mère décède à cause de lui.

- Bon garçon, l'avait congratulé James. C'est notre petit secret à tous les deux.


Le car traverse les quartiers bourgeois. Les lycéens montent les uns après les autres, dissipant le calme ambiant. Le moins qu'on puisse dire, c'est que James a réussi son coup : Gabriel n'a jamais parlé de leurs nuits ni à Salomé, ni à qui que ce soit.

Le jeune adolescent se pose contre la fenêtre, tentant d'ignorer le bruit que font les autres lycéens. Il se sent seul tout à coup, vulnérable.

Pour une fois, il arrive en avance en classe. Il s'installe au fond, à une rangée où il n'y a encore personne d'assis. Les minutes s'écoulent, la classe se remplit. Gabriel se retrouve encadré des filles qui l'ont suivi hier. Elles roucoulent toutes à la fois, le jeune adolescent se sent piégé. Caroline, assise deux rangs plus loin, lui adresse un sourire compatissant.

Le professeur d'histoire fait son entrée dans la classe, stoppant les roucoulements comme lorsqu'on coupe brusquement l'eau de la douche. Le garçon soupire de soulagement en ouvrant son cahier.

- Comme vous le savez tous, commence le prof en attrapant un feutre, la Ville est une communauté indépendante qui a vu le jour après la troisième Guerre Mondiale.

Le professeur marque les dates de cette guerre au tableau et Gabriel les recopie dans son cahier. Sa voisine est tellement avachie sur la table qu'il a du mal à écrire. Rajouté au fait qu'il porte des mitaines.

- « Le retour aux sources » était la devise du fondateur de la Ville, poursuit le prof. Les nouvelles technologies dangereuses y ont été bannies ainsi que tout ce qui peut nuire à l'environnement de la planète. Au fil des décennies, nous assistions comme à une renaissance du monde. Le progrès était derrière nous car il n'apportait, comme chacun le sait, que des guerres, des crises, du chômage, des problèmes d'argent...

« Comme si on n'en avait pas, nous, des problèmes d'argent », pense Gabriel en gribouillant sur son cahier.

- Le monde est séparé en communautés de la sorte, prônant chacune un idéal. La plus proche communauté de la nôtre se situe à environ trois mille kilomètres. Chaque « ville » n'a aucun contact avec les autres et vit de façon totalement indépendante, avec son propre gouvernement, ses propres lois, ses propres devises, son propre centre financier. Comme vous le savez, l'économie de la Ville est menée par les marques de luxe, comme Dilor, Jally, Hinston et j'en passe. Le centre financier est situé juste de l'autre côté du mur dans les quartiers aristocrates.

Gabriel prend des notes, poussant du coude sa voisine envahissante pour lui faire comprendre qu'elle le gêne. Bien sûr, elle ne comprend pas le message et se contente de rire comme une poule avant de lancer un regard entendu à ses copines.

FenyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant