Chapitre 51

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Après quelques minutes d'attente, Salomé revient. Elle semble préoccupée. L'adolescent l'interroge du regard mais elle reste silencieuse et entraîne son fils vers la sortie de l'hôpital. Ils marchent dans les rues des quartiers ouest jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche.

- Je dois aller travailler, dit Salomé. Prends le bus jusqu'à ton lycée.

- Quoi ?! Je vais quand même au lycée avec ce qui arrive ?

- Oui jeune homme ! Je vais au restaurant, à ce soir chéri.

Elle l'embrasse sur le front et tourne les talons, mais Gabriel la retient.

- Que t'a dit le docteur ?

- Il voulait savoir ce qu'on fabriquait avec le grand Stanislas Dilor et s'il devait prévenir sa famille.

- Que lui as-tu répondu ?

- Que nous sommes en relation d'affaires... et qu'il faut prévenir sa famille car il doit se marier lundi. Mais je lui ai dit de ne pas préciser de quel hôpital il s'agit. Dans la lettre, je lui ai suggéré de rajouter que le mariage soit reporté au premier lundi du mois prochain.

Gabriel approuve. Sa mère file au travail et il reste seul à l'arrêt de bus.

Il est tellement perdu dans ses pensées qu'il ne voit pas le bus arriver. Lorsqu'il lève la tête et qu'il entend le bruit des panneaux solaire de l'appareil qui va redémarrer, Gabriel saute dedans.

Son arrivée au lycée se fait sans encombre, il n'a même pas besoin de justifier son absence : tous les professeurs lui mangent dans la main maintenant. Et pour être honnête, leur attitude commence sérieusement à l'agacer. A chaque fois qu'il entre dans une salle de cours, tous les élèves lui font signe de venir s'asseoir à côté d'eux. Le pire pour lui est de supporter l'hypocrisie de ceux qui s'étaient moqués de lui.

Sa voisine lui parle. Il n'écoute pas. Il n'écoute rien. Toutes ses pensées sont tournées vers son ami à l'hôpital. La cloche du dernier cours de la journée sonne. Il se précipite dehors, ignorant ses camarades lui demandant de rentrer avec eux. Il saute dans son bus et s'affale sur un siège.

Le soleil commence à se coucher lorsqu'il arrive enfin à la gare des bas quartiers. Il court à travers le tunnel. Il court dans les rues jusqu'à arriver à l'immeuble de Mia. Il monte les marches précipitamment et arrive devant la porte de son appartement. Il toque.

- Ah Gabriel, enfin ! s'exclame Mia en ouvrant. Mon sac est prêt, je vous attendais et...

- Fenyx est hospitalisé, la coupe Gabriel d'une voix éteinte.

Mia ouvre et ferme la bouche comme un poisson. Elle semble inquiète.

- Pneumocoque 102.1, ajoute l'adolescent.

Cette fois, une exclamation effrayée s'échappe de la bouche de la jeune fille. La sombre réputation de cette bactérie est connue de tous les habitants de la Ville.

- Oh mon Dieu... Gabriel... s'il te plaît, dis-moi qu'il va s'en sortir...

Le garçon aimerait la rassurer, mais lui-même est tout sauf rassuré. Il reste silencieux. Il regarde ses pieds. Il sent le corps chaud de son amie se coller contre le sien. Ses mains le serrent. Il se laisse aller dans les bras de Mia. Les deux jeunes gens sont complètement anéantis. Soudain, Mia le lâche.

- On ne va pas se laisser abattre Gabriel ! s'exclame-t-elle d'une voix plus aiguë qu'à l'ordinaire. Ça ne veut rien dire du tout ! Fenyx est fort, il est costaud ! Il va s'en sortir, j'en suis persuadée !

- Mia... c'est la bactérie la plus mortelle de la Ville...

- Non ! C'était la 101.9 Gabriel, ça ne veut rien dire !

- La 102 présente une mutation supplémentaire. J'ai vu aux infos qu'elle était bien plus dangereuse.

- Il va s'en sortir...

La foi de Mia a quelque chose de contagieux. Gabriel aussi veut y croire. Il repousse dans un recoin de son esprit l'image de son ami dans un linceul.

- On ira le voir tous les jours ? demande Gabriel.

- Oui, jusqu'à ce qu'il guérisse.

Gabriel ne cherche plus à la contredire. Fenyx va s'en sortir. Le contraire serait insupportable.

- Ma mère s'est arrangée pour faire reporter le mariage au mois prochain, explique Gabriel. Tu referas ton sac plus tard.

La jeune fille hoche la tête. Soudain une voix grave et alcoolisée retentit à l'intérieur de l'appartement :

- Mia ! grogne son père. Rentre immédiatement !

Terrifiée, l'intéressée dit précipitamment au revoir et rentre en fermant la porte. Gabriel serre les poings. Quand tout serait fini, ils ne seraient plus prisonniers de leurs pères.

Il tourne les talons et rentre chez lui.

FenyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant