Chapitre 20

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Gabriel se retourne.

- Excuse-moi, poursuit le blond. Je suis trop curieux. En plus, c'est moi qui squatte tes rochers alors... reste.

L'adolescent s'avance timidement vers lui.

- Tu as mangé ? continue l'inconnu.

Gabriel secoue négativement la tête. Au même moment, des infâmes gargouillis s'échappent de son ventre, ce qui provoque l'hilarité du jeune homme. Il farfouille dans la nacelle de sa montgolfière et en sort un gros sac. Il s'assoit sur les rochers et prie Gabriel de faire de même. L'adolescent s'assoit maladroitement en face de lui tandis qu'il ouvre son sac.

- Tiens, dit-il en tendant à Gabriel une boîte en verre contenant une salade de riz et de tomates. Les boîtes en verre sont lourdes, mais le plastique est out alors...

Il sort une autre boîte pour lui-même, l'ouvre et commence à manger avec les couverts contenus dedans.

- Je... merci, souffle l'adolescent en l'imitant.

La salade de riz est délicieuse. Le garçon a tellement faim qu'il mange rapidement, avidement. Il en renverse un peu sur lui. Il termine sa boîte, sans se rendre compte que l'inconnu a les yeux rivés sur lui. Lorsqu'il l'aperçoit, il rougit instantanément. Le blond éclate de rire.

- Je vois que tu avais faim ! s'exclame-t-il. Sers-toi dans le sac, il y a de la crème au chocolat ! Dans des pots en verre, bien sûr (il sourit en coin).

Gabriel est très tenté mais murmure :

- Non ça ira merci... je ne veux pas abuser de votre gentillesse.

L'inconnu rit de nouveau.

- Ne t'inquiète pas ! Sers-toi je te dis ! Et puis tu peux me tutoyer on ne doit pas avoir une si grande différence d'âge que ça.

Le garçon se demande s'il n'est pas en train de rêver. Il remercie encore le jeune homme et pioche dans le sac pour en sortir un pot de crème au chocolat. Il n'en a pas mangé depuis Noël dernier. Ses yeux se mettent à pétiller tandis qu'il ouvre le pot. Il en avale une cuillerée avec délice, puis une deuxième, puis il vide le pot, complètement repu. C'est une sensation si agréable d'avoir le ventre plein... Le blond ne l'a pas quitté des yeux. Il demande :

- Alors, tu habites dans le coin ?

Gabriel fait simplement signe que non.

- Je suis encore trop curieux c'est ça ?

Gabriel sourit et l'inconnu se met à rire. Le jeune adolescent demande :

- Et moi est-ce que je... je peux vous... enfin te poser une question ?

- Ah tu te décides enfin à être un peu bavard ! (Il rit). Vas-y je t'écoute !

Gabriel enfonce de nouveau ses mains dans ses poches, gêné.

- Qu'est-ce que tu viens faire sur ces rochers... ? demande-t-il.

L'inconnu sourit. Il passe sa main dans ses cheveux avant de répondre par une autre question :

- Il ne t'est jamais arrivé de te sentir... étouffé ?

Gabriel regarde dans le vide, songeur.

- Si, répond-il. Souvent.

- Il m'arrive d'avoir une folle envie de crier.

Le jeune adolescent esquisse un petit sourire.

- Moi aussi, avoue-t-il timidement.

L'inconnu le dévisage avec un air indéchiffrable, puis tout à coup, il laisse sa salade de côté et se relève.

- On a qu'à le faire, dit-il.

Gabriel lève la tête vers lui, sans comprendre.

- Quoi donc ?

- Crier !

L'adolescent cligne plusieurs fois des yeux, se demandant s'il n'a pas perdu la tête.

- Allez, lève-toi ! insiste l'inconnu.

Gabriel s'exécute. Tous les deux se dirigent vers l'extrémité des rochers, d'où toute la Ville apparaît sous eux.

L'inconnu rejette alors sa tête en arrière. Un long cri bestial et sonore s'échappe de sa gorge. Le jeune adolescent le regarde, surpris et fasciné. Il l'imite alors. Tous deux se mettent à crier le plus fort qu'ils peuvent en direction de la Ville.

Ça fait étonnamment beaucoup de bien.


Dans le bus du retour pour le lycée, Gabriel se sent très étrange. C'était de loin la plus belle pause déjeuner de sa vie. L'inconnu ne l'avait pas jugé, ne lui avait pas posé de questions gênantes, n'avait pas cherché à profiter de lui, n'attendait rien de lui. Il avait simplement partagé son repas avec lui. Lui, Gabriel. Un jeune habitant des bas quartiers de la Ville. Un garçon sans intérêt. Posant sa tête contre son siège, il espère de tout son cœur recroiser ce jeune homme blond.

Mais dans la semaine qui suivra ce fameux jour, l'inconnu restera introuvable. Gabriel se rendra tous les midis sur les rochers, la montgolfière sera toujours là, mais aucune trace de son propriétaire.

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