Fenyx émerge lentement du sommeil. Son réveil indique onze heures du matin.
« Je fais des progrès ! », se dit-il en se levant et en s'étirant. Il se trouve dans une maisonnette en plein cœur des quartiers bourgeois. Il l'a achetée il y a maintenant une semaine et y vit paisiblement. Sa chambre ne fait pas le quart de son ancienne chambre dans la villa Dilor mais il s'y sent bien. Ici, personne ne lui dicte quoi que ce soit.
Tout en se dirigeant vers la salle de bain, le jeune homme repense à sa rencontre avec le garçon des rochers. Il a quelque chose de si particulier... Le voile de tristesse dans ses yeux noirs et son air d'animal sauvage apeuré ont profondément marqué le jeune Dilor. Avec son attitude, son manque de confiance, sa manière d'être affamé, Fenyx a tout de suite compris qu'il vient des bas quartiers de la Ville.
Le jeune homme se lave rapidement, se sèche et s'habille. Il a du pain sur la planche aujourd'hui.
Il y a quatre quartiers bourgeois. Un au nord, un au sud, un à l'est et un à l'ouest. Fenyx a acheté sa maison dans le quartier Ouest. Et ça fait une semaine qu'il se renseigne auprès des autres habitants. Aucun d'eux n'a envie de changer. Aucun d'eux n'est révolté. Son plan s'avère plus difficile qu'il ne l'a estimé. Et le temps joue contre lui, il ne dispose plus que de trois semaines avant d'être obligé de rentrer pour le mariage.
Aujourd'hui, il a prévu de se rendre dans le quartier nord bourgeois. Enfilant sa perruque brune, Fenyx quitte sa maison.
Voilà maintenant une heure qu'il arpente les rues du quartier nord. Les gens ici sont chics, leurs enfants ont les joues roses et semblent heureux. Le jeune homme s'arrête à un arrêt de bus. Il y a là un couple avec leurs enfants qui attendent.
- Bonjour, leur lance Fenyx.
Ils lui répondent poliment.
Le jeune Dilor leur désigne le panneau publicitaire leur faisant face. Il s'agit d'une grande affiche de lui et de sa famille, bijoux exposés et tout sourire. Leur slogan « comme il faut » est écrit en grosses lettres à leurs pieds. Fenyx se souvient bien du jour où cette photo a été prise. Sa mère avait insisté pour qu'ils portent des tenues assorties et dévoilent une grande partie de leur immense fortune. Le jeune homme s'était pointé chez le photographe en jogging et Antoinette avait failli avoir une attaque. Les frères de Fenyx l'avaient insulté de perturbateur stupide et son père avait menacé de lui couper les vivres s'il n'enfilait pas immédiatement un costume. Ils avaient donc dû envoyer un servant lui en acheter un en toute hâte et il n'était, de ce fait, pas assorti avec les autres. L'intrus de la prestigieuse famille.
- Les Dilor, c'est quelque chose, n'est-ce pas ? dit-il en tâchant de ne pas laisser percer l'ironie dans sa voix.
La mère de famille soupire en observant le panneau publicitaire.
- Ça, c'est bien vrai, répond-elle.
Son mari acquiesce et enchérit :
- Qu'est-ce qu'on ne donnerait pas pour vivre comme eux !
- Où simplement travailler pour eux, rectifie sa femme.
Elle donne une petite tape sur l'épaule de son mari.
- D'ailleurs, poursuit-elle, tu ne devais pas postuler il y a trois semaines ?
L'homme esquisse un sourire gêné.
- Tu sais chérie... je n'ai pas vraiment eu le temps...
La femme plisse les yeux, mécontente. Leurs enfants observent la scène d'un air amusé. Fenyx les observe à tour de rôle et déclare :
- Et si je vous disais que la vie là-bas n'est que conformisme et superficialité ? Que les aristocrates se contre-fichent de ce qui peut arriver dans les autres quartiers de la Ville ? Que le mur a été construit uniquement pour montrer qu'ils sont supérieurs et qu'ils vous méprisent ?
Le couple prend un air indigné.
- Alors, je répondrais que vous êtes fou ! réplique le père en entraînant sa femme et ses enfants loin de Fenyx.
Après leur départ, ce dernier s'affale sur le banc de l'arrêt de bus. Il se frotte la tempe d'un air las. Toutes les personnes qu'il a interrogées dans ce quartier ont répondu la même chose. Aucun d'eux ne voit l'injustice dans leur système.
« Pourquoi donc... », se demande-t-il.
Il connaît toutefois la réponse. Ces gens n'ont rien d'un sous peuple. Ils sont bien logés, bien habillés, ils ne manquent de rien et mangent à leur faim. Ils mènent une vie heureuse et n'ont aucune raison de maudire le conformisme de leur gouvernement.
« Ça ne sert à rien que j'aille dans les quartiers est et sud bourgeois, j'obtiendrai les mêmes résultats », se dit Fenyx en soupirant.
En repensant au déjeuner sur les rochers, la réponse à son problème arrive d'elle-même. Les seules personnes susceptibles de se révolter sont celles qui manquent de tout. A présent, Fenyx sait exactement où il doit se rendre.
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Fenyx
Science FictionLe 22ème siècle, époque étrange et suffocante... Fenyx, fils de la présidente et jeune héritier Aristocrate contraint à un mariage forcé, doit s'opposer à toute sa famille pour renverser le gouvernement en place et restaurer un semblant de justice d...