Chapitre 30

206 32 0
                                    

Le bus les dépose dans les quartiers ouest. Gabriel trottine derrière Fenyx, se demandant bien ce qu'ils font ici. Ils arrivent devant une élégante maison en briques.

- J'habite ici, explique le jeune homme.

Ils entrent. Gabriel regarde partout, admiratif. Ils sont dans un grand salon accueillant et lumineux, avec des fauteuils en cuir synthétique.

- Tu peux t'asseoir, dit Fenyx, je vais chercher notre matériel.

Dubitatif quant au « matériel » en question, l'adolescent prend place sur un fauteuil moelleux et patiente. Son ami est rapidement de retour avec un gros sac en toile et deux sacs à dos vides. Il sort du gros sac deux combinaisons noires ainsi que des cagoules, noires également.

- Mais... qu'est-ce qu'on va faire ? demande Gabriel.

- Un délit !

Il lui tend une combinaison et s'habille rapidement de la sienne. L'adolescent revêt la tenue par-dessus ses vêtements, de plus en plus inquiet.

- Et voilà ! s'enthousiasme Fenyx, on a l'air de deux acteurs de films d'action du vingt-et-unième siècle !

Gabriel hausse les épaules, il n'a jamais vu de tels films, il les croyait out.


**


Assis sur un muret à quelques centaines de mètres de la maison de Fenyx, les deux garçons patientent, les sacs à la main. Fenyx a les yeux rivés sur la façade de la boutique en face d'eux. L'enseigne indique « king's or ». C'est le nom d'une prestigieuse bijouterie des quartiers aristocrates, plagiée par ce commerçant bourgeois.

Gabriel tremblote légèrement, il s'apprête à enfreindre une bonne dizaine de lois (le port de cagoules, le vol, le port de combinaisons, courir trop vite...). Pourtant, il se sent prêt et déterminé. C'est surtout la confiance qu'il porte à Fenyx qui le pousse et le sentiment d'injustice qu'il ressent en permanence. En ce moment, il songe à sa dernière journée au lycée, à l'humiliation qu'il a subie. Il serre les poings. Il a hâte.

- Tu es prêt ? demande Fenyx.

L'adolescent fait signe que oui. Tous deux descendent du muret, vêtissent leur cagoule, mettent leur sac sur leur dos et s'élancent. Ils traversent la rue en courant et pénètrent dans la bijouterie. Tous les clients tournent la tête vers eux. Les membres du personnel les dévisagent avec un mélange d'horreur et d'incrédulité. Le temps dans la boutique semble s'être arrêté.

Que faire maintenant ? Gabriel est tétanisé. Il n'a pas d'arme ni rien du tout sur lui. Il a oublié ce détail ! Il se tourne, paniqué, vers son compère. Celui-ci a l'air de jubiler. L'adolescent voit même ses yeux bleus pétiller à travers la cagoule.

Fenyx sort tout à coup de sa poche... une arme ! Il la pointe droit sur un membre du personnel. Ce-dernier lève les mains en l'air, d'une pâleur extrême. Fenyx presse la détente. Gabriel sursaute, s'attendant au pire.

Un jet d'eau se propulse sur le vendeur. Ce pistolet est un jouet. Gabriel est trop abasourdi et surpris pour avoir la moindre réaction. Le vendeur se met à hurler.

- Je vous donnerais tous les bijoux mais laissez-moi ! crie-t-il en agitant les mains d'un air hystérique.

Personne d'autre ne parle dans la pièce, tous les regards sont figés sur Fenyx. Celui-ci braque son pistolet sur chacun des vendeurs qui crient à tour de rôle au fur et à mesure que « l'arme » se pointe sur eux.

- Vos chemises, plus vite que ça ! ordonne Fenyx. Vos cravates ! Dans le sac, dépêchez-vous !

Il décroche son sac à dos tout en parlant. Gabriel se dépêche d'en faire autant. Leurs sacs se remplissent des vêtements du personnel de la bijouterie. Les deux garçons quittent ensuite la boutique en courant. Ils courent sur tout le chemin jusqu'à la maison de Fenyx (sans être suivis par personne), en rigolant et en se tapant dans les mains. Les deux garçons s'écroulent, épuisés, sur le sol du salon. Ils mangent, discutent et plaisantent de cette journée jusqu'à la tombée de la nuit.


Gabriel rentre ensuite chez lui, joyeux, savourant pour la première fois le goût de la vie.

FenyxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant