Fenyx

Chapitre 37

L'héritier Dilor se met à rire. Tant d'honnêteté, c'est impressionnant. Salomé n'a même pas cillé. Elle le regarde comme si elle voulait le passer aux rayons X. Fenyx est légèrement troublé par l'intensité de ce regard. Il s'assoit près d'elle.

- Je pense que je me suis légèrement trompée, reprend-elle.

Fenyx sourit et lui raconte ses projets. Il lui raconte le temps passé avec Gabriel, leurs braquages. Quant à elle, elle lui raconte qu'elle voudrait que son fils fasse des études, qu'il reparte au lycée. Fenyx lui expose la phase B de son plan et alors Salomé pose une main sur son épaule et déclare :

- Je serais fière que mon fils participe à une action pareille.

A ce moment, la porte s'ouvre en trombe.

Gabriel apparaît dans l'encadrement. Il voit sa mère dans cette tenue, dans cette chambre, sur ce lit, touchant l'épaule de l'homme qu'il a considéré comme son frère. Son visage se décompose. Il tourne les talons et se met à courir.

Salomé hurle son prénom, puis fond en larmes. Fenyx comprend soudain que son jeune ami n'était pas au courant des activités de sa mère. Et maintenant il pense probablement qu'il est l'un de ses clients.

L'héritier Dilor se lève et se met à courir à la suite de Gabriel. Ce-dernier quitte le bar, court dans les ruelles. Fenyx le talonne, l'appelle. Le garçon entre dans un immeuble, grimpe les marches quatre à quatre jusqu'au toit.

L'aristocrate arrive à son tour à la porte qui donne sur le toit. Il la pousse doucement. Il marche sur les graviers dans le silence de la nuit jusqu'à atteindre le rebord, où Gabriel se tient, penché sur la balustrade. Il se tient le visage de ses mains, respirant bruyamment.

- C'était donc ça son fameux travail ! gémit-il.

Sa voix est comme brisée, détruite par l'émotion.

- Tout ça à cause de... lui.

Fenyx n'a aucune idée de qui est ce « lui » mais il estime préférable de laisser Gabriel vider son sac avant de lui dire quoi que ce soit.

- Je n'arrive pas à y croire... il y a quelques jours tout était si bien...

Le garçon baisse les mains de son visage. Il a les yeux rougis et fixe Fenyx avec une haine sans précédent.

- Alors, tu t'amuses bien avec ma mère ? dit-il.

Ce n'est plus du tout la voix de l'adolescent mal dans sa peau.

- Écoute Gabriel, tu dois m'écouter... J'allais faire mon discours dans ce bar et le patron m'a poussé dans cette chambre où il ne s'est absolument rien passé !

- MENTEUR ! rugit Gabriel. Tu mens encore ! Tu n'as fait que mentir depuis le premier jour où je t'ai vu !

Sans prévenir, il se jette sur Fenyx, poings levés et assène le jeune Dilor de coups. Ce-dernier n'a aucun mal à le maîtriser. Gabriel se retrouve immobilisé à terre, pleurant et hurlant à la fois.

- Je sais qui tu es ! tonne-t-il. Tu es Stanislas Dilor ! Le grand Dilor ! Dis-moi alors, qu'est-ce que ça te fait de manipuler des Galeux ? Tu t'es bien amusé j'espère !

Fenyx comprend alors tout. Il maintient Gabriel au sol et dit d'une voix ferme. La voix glaciale de l'homme d'affaire.

- Ecoute-moi maintenant Gabriel. Oui je suis Stanislas Dilor. C'est un nom que je déteste et que j'ai méprisé chaque jour de ma misérable vie. J'ai donc coutume d'utiliser mon second prénom qui est Fenyx. Prénom qui a été supprimé par mon aristocrate de mère car c'était celui d'un homme déchu. A part mes origines, peux-tu me dire en quoi je t'ai menti ? Je ne voulais pas te les révéler car je savais que tu réagirais exactement comme ça ! Tu n'aurais cru à aucune de mes paroles et tu n'aurais jamais cru en mon désir de changement.

Le garçon cesse de se débattre. Fenyx desserre un peu son emprise.

- Je te croyais mon ami, dit Gabriel d'une petite voix.

- Mais je le suis, Gabriel ! Tout ce que j'ai dit je le pensais vraiment ! Le fait que je sois un aristocrate ne change rien ! C'est toujours moi, Fenyx, l'homme maboule qui espère un peu plus de justice dans cette ville de malheur.

Il lâche l'adolescent qui se redresse en position assise. Il semble abattu.

- Mais pourquoi ? Je ne comprends pas... Pourquoi un aristocrate voudrait ça ? C'est tellement plus facile de penser que tout ça n'est qu'un mensonge...

Fenyx soupire et s'assoit à côté de lui. La pleine lune les éclaire.