Chapitre 24

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- Je vais vous dire moi pourquoi il s'en va ! reprend Jaro sous les ricanements du groupe de garçons. Il n'a pas d'argent pour se payer un repas avec nous, voilà pourquoi !

Les garçons se tapent dans la main en dévisageant Gabriel de la tête aux pieds. Ce-dernier se sent extrêmement mal.

- Et il n'a pas d'argent parce qu'il vient des BAS QUARTIERS ! poursuit Jaro méchamment.

Gabriel sent le sol s'ouvrir à ses pieds pour l'entraîner vers une longue chute mortelle. Les filles mettent leur main devant leur bouche d'un air choqué. Plus personne ne parle, tout le monde fixe le jeune adolescent d'un air dégoûté.

- Je... ce n'est pas vrai, murmure Gabriel d'une voix tremblante.

Les garçons se mettent à rire tous ensemble.

- Oh que si c'est vrai, dit Jaro avec un air victorieux. Et je suis sûr que ta maison est pleine de cafards ! Enfin, si on peut appeler ça une maison ! C'est plutôt un débarras oui !

Gabriel sent ses joues brûler, un flot de bile brûlante remonte à travers sa gorge. Il n'entend plus que le battement furieux de son cœur. Le temps semble s'être arrêté. Il devine les regards de ses camarades braqués sur lui. Il essaye de répondre, mais sa gorge ne produit aucun son.

Heureusement, à ce moment-là, un surveillant passe devant leur classe et leur ordonne de quitter le bâtiment car il est interdit de rester dans les couloirs pendant la pause déjeuner. Le jeune adolescent s'enfuit alors le plus rapidement possible.

Il saute dans un bus, se cache sous un siège et, même après le passage des contrôleurs, ne sort pas de sa cachette. Une vielle dame s'assoit sur le siège au-dessus de lui. Gabriel voit ses jambes qui se balancent devant son visage. Une chaînette en or est nouée à l'une de ses chevilles. C'est tentant. Très tentant. Après tout, cette femme doit être aisée. Lui, il est pauvre. Son acte serait entièrement justifiable. Puis tout le monde considère que les habitants des bas quartiers sont des délinquants. Alors autant l'être.

Gabriel tend les mains vers la cheville de la vieille dame. Il dénoue un peu maladroitement la chaînette et la fourre dans sa poche. Tremblant d'une furieuse excitation, mais se sentant honteux, il se dévisse le cou pour voir s'il doit bientôt descendre : c'est le prochain arrêt. Le garçon s'extirpe de sa cachette. La vieille dame le toise avec de gros yeux surpris. Il quitte en toute hâte le bus.

Gabriel respire un bon coup et marche tranquillement à travers le village bourgeois, en direction de la forêt. Il grimpe les rochers, le cœur battant à tout rompre.

« Peut-être qu'aujourd'hui il sera là... », ne cesse-t-il de penser durant son escalade.

Une fois au sommet, il n'aperçoit que la grande montgolfière. Le garçon se penche par-dessus la nacelle et... soupire. Il n'est pas là. Gabriel hésite un instant, puis se glisse dedans. Il se recroqueville en position fœtale à l'intérieur de la nacelle. D'ici, il n'aperçoit que le ciel.

« Il a dormi là, l'inconnu... c'est pourtant très étroit », se dit-il.

Gabriel serre ses genoux contre sa poitrine, songeur. Au moins, penser au blond lui permet d'oublier un peu ce qui s'est passé en classe tout à l'heure. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'ira pas au lycée cet après-midi. Il ferme les yeux, se concentrant sur l'image de l'inconnu, sur le son du cri qu'ils ont poussé ensemble contre la Ville... Peu à peu, il s'endort.

Le garçon ouvre les yeux. Une belle lune ronde brille dans le ciel sombre. Quelle heure est-il donc ? Il se lève précipitamment de son petit nid et saute sur les durs rochers. Il doit absolument rentrer chez lui, sinon sa mère va s'inquiéter !

Il dévale prudemment les rochers, court sur la pente et quitte la forêt. Le village est désert. Il se rend à l'arrêt de bus le plus proche et découvre l'heure : vingt-trois heures cinq. Il espère de tout cœur que sa mère n'est pas encore rentrée... Heureusement, les bus circulent jusqu'à deux heures du matin et bientôt, des phares sont visibles au loin et se dirigent jusqu'à lui. Gabriel monte sous le regard suspect du chauffeur. Il est seul.

Lorsqu'il arrive à la gare des bas quartiers, l'horloge affiche une heure cinquante du matin. Gabriel se met à courir à travers les rues désertes. Il fonce dans le tunnel crasseux, remarquant au passage que le SDF n'est plus là. Il a certainement du se payer un confortable hôtel...

Arrivant enfin dans son quartier à lui, Gabriel remarque que ce n'est pas silencieux. Des bruits percent le calme nocturne. Poussé par la curiosité, le jeune adolescent en cherche la source. Il voit au loin le bar miteux, allumé et en pleine animation. Gabriel décide d'aller y jeter un œil.

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