Chapitre 22

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Gabriel serre fort sa tasse de cappuccino. Il observe d'un œil suspicieux sa mère assise en face de lui, dans la cuisine crasseuse de leur minuscule appartement. Elle semble de plus en plus maigre et fatiguée. Pourtant, lorsque leurs regards se croisent, elle trouve la force de lui sourire mécaniquement. Le jeune adolescent serre les dents. Voir sa mère dans cet état le rend hors de lui. N'y tenant plus, il pose brusquement sa tasse de café sur la table. Salomé sursaute.

- Maman je t'en supplie ! crie Gabriel. Dis-moi ce que tu me caches !

Sa mère écarquille les yeux et ressert ses bras autour d'elle.

- Mon chéri ne parle pas si fort, tu vas réveiller ton père...

- C'est le dernier de mes soucis !

Le jeune adolescent se lève.

- Ce nouveau travail te nuit, tu dois arrêter !

Salomé semble sur le point de s'effondrer. Gabriel la regarde puis se calme. Il lui prend la main et reprend d'un ton plus doux.

- Maman... s'il te plaît...

Sa mère semble fournir un effort surhumain pour le regarder. Elle secoue la tête.

- Gabriel... Je ne peux pas arrêter de travailler... ton père...

- Arrête un peu avec mon père veux-tu !

Le jeune adolescent la regarde avec des yeux incandescents. Salomé ne bronche pas, elle rabat une mèche de cheveux derrière son oreille, nerveusement.

- Pourquoi est-ce qu'on ne partirait pas ? poursuit Gabriel. Juste toi et moi. Loin. Tu n'aurais plus besoin de faire ce que James te dit de faire. On serait libre.

Sa mère ouvre de grands yeux. Elle répond d'une voix faible :

- Mon chéri, redescends sur terre... sans ton père, on finirait à la rue. On ne toucherait plus ses CPHED... Grâce à lui nous sommes à l'abri du besoin et...

- Tu appelles ça à l'abri du besoin ? Et je travaillerai. On ne finira pas à la rue.

- Non Gabriel, je ne veux pas que tu travailles. Je veux que tu fasses des études.

- Pour quoi faire ? Maman, tout ce que je veux c'est t'offrir une vie meilleure !

- C'est moi ta mère Gabriel. C'est à moi de me battre pour t'offrir une vie meilleure.

L'adolescent, énervé, attrape son sac et quitte précipitamment l'appartement.

Il donne un coup de pied dans la porte de l'immeuble au verre brisé. Sa mère est en train de s'autodétruire à cause de James et Gabriel se sent très impuissant. Il traverse à grands pas son quartier miteux en scrutant les vieux immeubles couverts de moisissure autour de lui. Il se demande si tous les habitants des bas quartiers vivent un tel cauchemar. Il serre les poings en pensant au confort qu'ont les habitants des quartiers bourgeois. Ou pire, des quartiers aristocrates. Seul le lieu de naissance est déterminant pour être heureux.

Gabriel traverse le tunnel qui sent la pisse. Un homme brun y passe en sens inverse. Il dépose quelque chose sur le carton du SDF endormi avant de passer son chemin. L'adolescent avance jusqu'au SDF et voit trois billets de cinq cents euros sur le carton. Le garçon se retourne précipitamment, mais l'homme a déjà disparu de l'autre côté du tunnel.

« Ça alors ! », songe le garçon en poursuivant son chemin en clignant plusieurs fois des yeux.

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