Fenyx

Chapitre 41

 Gabriel se détache et se lève, s'attrapant d'une main uniquement à la portière. Il tend l'autre sous le vent puissant et s'époumone. Les agriculteurs le regardent légèrement amusés, mais la voiture va trop vite et cette vision s'efface rapidement.

- Assieds-toi Gab ! lance Fenyx, en riant aux éclats. On n'est pas dans Titanic et tu risques de passer par-dessus le pare-brise.

Gabriel se pose sur son siège en demandant ce qu'est « Titanic ».

- C'est un très vieux film, répond Fenyx.

- Comment ça se fait que tu connaisses les vieux films ?

- Il y a une salle des archives dans les quartiers aristocrates, elle contient des milliers et des milliers de documents, d'œuvres, de films. J'en ai vus pas mal.

Les terres agricoles s'effacent peu à peu et Fenyx est forcé de ralentir car il y a plus de circulation maintenant. Ils traversent des villages et toutes les personnes qu'ils croisent tournent la tête vers eux en écarquillant les yeux. C'est la première fois que Gabriel se retrouve être le centre de l'attention. Il rougit et s'écrase sur son siège.

Ils arrivent devant le lycée. Fenyx s'arrête devant la grande grille d'entrée. S'il y avait du bruit cinq minutes plus tôt, il n'y a maintenant qu'un long silence tendu. Comme si quelqu'un a subitement fermé le robinet. La masse de lycéens tournent la tête vers la luxueuse voiture et son non moins luxueux conducteur. Très vite des chuchotements fusent :

- On dirait Stanislas Dilor...

- C'est lui patate !

- Oui et sa voiture c'est de la marque Dilor.

- C'est la voiture la plus chère de la Ville !

- Qu'est-ce qu'il fait là ? J'ai entendu dire qu'il était en voyage d'affaire au fin fond des quartiers aristocrates.

- Il avait sûrement des choses à régler ici.

- Mais qui est avec lui ?

Les portières de la voiture s'ouvrent. Fenyx en sort, parfaitement à l'aise avec tous ces regards braqués sur lui. Il relève ses lunettes de soleil d'un air charmeur et ses yeux bleus embrassent la foule d'un regard. Même les professeurs ont les yeux rivés sur lui. Les fenêtres du lycée sont pleines à craquer de têtes curieuses qui se penchent pour l'apercevoir.

Gabriel sort à son tour de la voiture. Il est rouge piment et vraiment mal à l'aise. Les regards se posent alors sur lui. Il croise celui de Jaro et de sa bande d'amis qui ont la bouche tellement ouverte qu'on pourrait y fourrer une pastèque.

**

- Monsieur Dilor, non bien sûr que non, il n'y a aucun problème !

Ils se trouvent dans le bureau de la directrice obséquieuse. Fenyx lui a demandé s'il est possible de reprendre Gabriel malgré ses absences. Évidemment, personne n'ose dire non à Stanislas Dilor. Tout est donc réglé et Gabriel retourne en cours après que Fenyx lui ait donné de l'argent pour la cantine.

Le jeune adolescent toque à la porte de la classe, où tous les élèves sont à présent installés (les cours ont commencé avec vingt minutes de retard, le temps que chacun se remette de ses émotions).

- Entrez, dit le professeur de français.

Gabriel pousse la porte et entre dans la salle. Tout le monde tourne en même temps la tête vers lui. Un silence pesant s'installe, puis un brouhaha général l'emporte dans des questions :

- C'est vrai que tu connais Mr. Dilor en personne ?

- C'est vrai que tu t'es absenté car tu étais en affaires avec lui ?

- J'ai toujours su que tu n'étais pas un Galeux, dit l'une des filles du groupe qui le draguait auparavant.

- Ouais, enchérit une seconde fille, c'est Jaro qui raconte n'importe quoi !

- Mais non je le taquinais juste, dit Jaro.

- Il y a une fête chez moi vendredi soir, dit un garçon du groupe de Jaro, tu viendras ?

- Tu viens t'asseoir à côté de moi Gabriel ? roucoule une des filles.

Le professeur élève la voix pour réclamer le silence. Gabriel va s'asseoir au fond de la classe, sentant en lui un sentiment d'allégresse qui lui est rare. Il n'a pourtant aucune envie de devenir l'ami de ces gens. Ce ne sont que des hypocrites. Il soupire en pensant à Mia. Si seulement elle était là avec lui...

Le professeur tousse et reprend son cours. Lui-même regarde Gabriel du coin de l'œil, l'air vaguement intéressé. Le garçon, quant à lui, prend des notes distraitement. Il se remémore des passages de sa vie avec son amie.