- La Ville a une superficie de douze mille kilomètres carrés et est séparée en deux parties par le mur, continue d'expliquer le prof. D'un côté, ceux qui s'occupent de l'économie et du gouvernement, qu'on appelle couramment les aristocrates, vivent dans des quartiers d'une superficie totale de quatre mille kilomètres carrés. D'un autre côté, vit le reste de la population. On y trouve les gens plus ou moins aisés, appelés bourgeois, qui logent dans des quartiers d'une superficie totale de six mille cinq cents kilomètres carrés. Et enfin, les gens qui n'ont pas réussi à s'intégrer correctement vivent dans les bas quartiers de la Ville, dans une superficie totale de mille cinq cents kilomètres carrés.
Gabriel baisse les yeux et grimace en pensant à son quartier. Il est vrai qu'ils n'ont jamais réussi à s'intégrer. Mais personne ne leur a, un jour, tendu la main pour qu'ils s'intègrent.
« Comme ce monde est injuste », songe-t-il.
- Les lois et les réglementations de la Ville ont été rédigées par le gouvernement aristocrate, dont la principale devise est « comme il faut ». Les fameux in/out sont également décidés par notre gouvernement et varient très fréquemment. Les « in » représentent tout ce qui est toléré et doit être encouragé et les « out » tout ce qui est à exclure. Par exemple, les véhicules à fonctionnement solaire, comme vos cars et, je l'espère, vos voitures personnelles, sont in. Sont out : la délinquance, l'éclairage public après deux heures du matin, l'homosexualité, la pauvreté...
Gabriel écoute sans entendre. Ces in/out ne concernent pas les habitants des bas quartiers. Eux, sont déjà exclus de toute manière. Sa voisine de table dort à moitié, toujours avachie. Son autre voisine fait des bulles avec son chewing-gum d'un air distrait. Le garçon sombre dans la rêverie, sous la voix soporifique du prof. Dire qu'il y a cours d'histoire jusqu'à la pause déjeuner...
La sonnerie retentit enfin. Les élèves mettent un certain temps à se réveiller et à comprendre que c'est l'heure d'aller déjeuner. Gabriel s'aperçoit qu'il s'est réellement endormi sur sa table. Il reprend lentement ses esprits. Sa voisine s'étire bruyamment.
- Tu viens manger avec nous Gaby ? ronronne-t-elle en prenant le bras du garçon.
Le jeune adolescent n'a qu'une envie : s'arracher à ce contact et oublier le ton minaudant avec lequel elle l'a appelé Gaby...
- Non, désolé je dois y aller, répond-t-il.
Avant que la fille ne lui demande où est-ce qu'il doit aller, Gabriel réussit à s'extirper de son emprise, à attraper son sac et à filer vers la sortie. A vrai dire, si le jeune adolescent ne mange jamais avec ses camarades c'est parce qu'il n'a rien pour se payer quelque chose à la cafétéria.
Une fois à l'air libre et le lycée derrière lui, le garçon soupire. A force de fuir comme ça, ils finiront bien par se douter de quelque chose... Gabriel décide de se rendre dans son jardin secret. Il ressent l'envie incandescente de s'isoler pour ravaler son mal être. Il n'a cessé de se repasser en boucle les événements de la nuit dernière, particulièrement violente. Il a aujourd'hui, plus que jamais, l'envie de ne plus rentrer à la maison, de partir, de laisser James derrière lui. Mais il ne peut s'y résoudre. Il ne peut abandonner sa chère mère.
Tentant de calmer ses émotions, il saute dans un bus et se cache comme à son habitude. Il fait chaud aujourd'hui. Une trentaine de degrés. Gabriel transpire.
Dans les transports en commun de la Ville – à part les cars scolaires qui sont gratuits – les contrôleurs passent tout le temps. Comme l'a expliqué le professeur d'histoire, la délinquance est out. Or, ne pas payer son ticket de bus est considéré comme de la délinquance. Le gouvernement a donc recruté énormément de contrôleurs pour pouvoir contrôler chaque bus de la Ville.
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Fenyx
Science FictionLe 22ème siècle, époque étrange et suffocante... Fenyx, fils de la présidente et jeune héritier Aristocrate contraint à un mariage forcé, doit s'opposer à toute sa famille pour renverser le gouvernement en place et restaurer un semblant de justice d...