Dire qu’elle avait hâte était proche de l’euphémisme. La jeune seconde était si impatiente que la pause du midi arrive qu’elle passait son temps à guetter l’horloge suspendue au-dessus du tableau. Le temps s’écoulait avec une effroyable lenteur mais cette lenteur était différente de d’habitude.
Il y a encore une semaine de cela, ses journées se ressemblaient et se succédaient, toutes aussi mornes et grises les unes que les autres. Les heures glissaient sur sa peau, à la fois molles et visqueuses, laissant des traces d’un ennui profond. Elle ne sortait de sa léthargie que pour répondre aux rares sollicitations des professeurs. A côté de cela, un fond sonore se jouait toujours de sa présence, remplissant les pièces mais évitant l’endroit où elle se tenait, composé d’échanges amusés et joyeux.
Ce temps et ces bruits l’enveloppaient sans la pénétrer, restant purement superficiels sur son corps. Son esprit était aussi conscient qu’absent de cet état. Il s’occupait comme il pouvait, révisant, imaginant les futurs tracés de son crayon sur une feuille, les esquisses, observant au dehors, les oiseaux qui semblaient toujours en appeler d’autres. Ses ailes à elle, lorsqu’elle se plaisait à en imaginer, la laissaient clouée au sol, n’ayant plus la force de battre pour partir de cet endroit qui n’était entouré que de murs que les années avaient érigés.Et puis quelqu’un avait fait une fissure. Un accident d’abord, qui semblait unique et clôt. Mais il s’était répété, là aussi fruit du hasard mais il avait permis à la cassure de devenir brèche et de ce trou elle avait pu voir un morceau du monde qu’elle avait un jour rêvé d’atteindre. Une main s’était tendue, paume grande ouverte, lui demandant silencieusement si elle voulait tenter d’en voir plus. Un signe qu’elle avait essayé de se créer il y a des années, que personne n’avait pu lui retourner avant que l’orifice ne soit comblé, et qui maintenant venait à elle sans prévenir. Peut-être qu’elle se brulerait les doigts d’avoir saisi ceux qui lui avaient été présentés mais elle n’avait pas hésité une seconde avant de les serrer et agrandir ce qui s’était brisé.
Depuis une semaine, elle ne sentait plus les heures comme gluantes et suintantes sur elle mais comme un liquide plus sucré au travers duquel elle évoluait et dont la prochaine sonnerie la détacherait. Le mail d’hier soir avait été une confirmation à son dernier souhait : ce midi, dans quelques minutes, elle retrouverait le propriétaire de la main. Ce mélange de chance et de hasard. Celui qui se rappellerait son nom et avec qui elle avait conclu un marché. Celui qui, inconsciemment, avait brisé l’horrible cadrant de son quotidien où les aiguilles parcouraient le même trajet à l’infini, isolées de l’extérieur et à la course trop lente pour être agréable.- Sei ? l’appela une voix dont la personne n’était pas encore dans son champ de vision.
- Par ici Suga-senpai, répondit-elle en regardant l’angle du bâtiment.
- Tu es… ici ! finit-il en apparaissant sur sa gauche. J’espère ne pas t’avoir trop fait attendre, j’ai mis un peu de temps à retrouver Takeda-sensei.
- Non, non, pas de problème, je suis contente que tu sois là, répondit-elle avec un grand sourire. Tu as déjà mangé ?
- Pas encore mais j’ai pris un sandwich, comme ça tu pourras m’expliquer comment tu comptes t’y prendre pour faire deux choses en même temps avant qu’on s’y mette. Et toi ?
- Non plus, je suis arrivée il y a peu, expliqua-t-elle en sortant une boite de son sac.
- D’accord, dans ce cas bon appétit, déclara-t-il en ouvrant son sachet plastique en même temps.
Ils mangèrent rapidement, leurs bouchées entrecoupées des questions de l’un et des réponses de l’autre. Hatori expliqua comment elle pensait organiser ces séances et Koushi commença déjà à l’aiguiller sur certains points. Elle le trouvait d’ailleurs beaucoup plus enjoué que la dernière fois et cette attitude attisa sa curiosité :
- C’est peut-être déplacé mais quelque chose est arrivé hier, ce week-end ou en fin de semaine dernière ? Tu sembles très heureux.
- Vraiment ? Peut-être bien que ces grâce aux bonne nouvelles que nous avons eu récemment.
- De quel genre ?
- Notre équipe a eu un match difficile l’année dernière et cela a éloigner certains de nos camarades mais grâce entre autres à deux de nos secondes, ils sont revenus pleinement dans l’équipe. Retrouver notre champion et notre libéro pour le prochain match amical a remotivé tout le monde. Et nous avons aussi un coach maintenant et c’est en partie grâce à lui mais surtout à Takeda-sensei que nous allons affronter Nekoma dans quelques jours.
- Vous n’aviez pas de coach ? s’exclama-t-elle surprise. Comment auriez-vous fait pour les inter-lycée ?
- On se serait débrouillés je pense. Mais c’est vrai que ça encadre plus nos entrainements et nous permet de rester plus concentrés sur notre jeu. Entre ça et nos joueurs manquants, c’est fou qu’on est gagné contre Seijo.
Un instant d’étonnement se peint sur les traits de la jeune fille avant qu’elle ne reprenne avec le même ton que sa précédente question :
- Vous avez joué contre Aoba Josai ? Quand ?
- La semaine dernière. Ce n’était pas officiel mais ce match a révélé un grand nombre de nos lacunes, bien que leur capitaine ne soit rentré qu’a la fin du troisième set.
- Il est si fort que ça leur capitaine ?
- Très. Oikawa est un passeur exceptionnel et ses services smachés sont d’une précision terrifiante en plus d’être puissants. On reconnait bien là celui que Kageyama avait comme modèle au collège.
- Kageyama… Tobio ? Le roi de Kitagawa Daichi ? demanda-t-elle en manquant d'avaler de travers.
- Oui, tu le connais ?
- J’étais aussi à Kitagawa et on peut dire qu’il trainait ce surnom partout.
Et par partout, c’était dans tout les couloirs. Kitagawa était connue pour son club de volley parmi les meilleurs de la préfecture et certains parlaient encore du titre qu’avait eu Tooru deux ans auparavant. Alors si une rumeur courait sur le club masculin, peu d’oreilles pouvaient y échapper. Et en dehors des murs de l’établissement, elle en entendait aussi parler chez elle.
- Oui, c’est une chose avec laquelle il avait du mal en début d’année mais je pense que l’influence d’Hinata va changer tout ça. C’est deux-là forment un duo sans pareil, il faut le voir pour le croire.
- A ce point ? Ce Hinata doit-être un très bon joueur, rapide pour réussir à toucher les passes de Kageyama.
- Eh bien tu serais surprise de les voir en action. La vitesse d’Hinata y est pour beaucoup mais je serais bien incapable de faire le même genre de passes que Kageyama.
- Peut-être mais je suis sûre que tu as ton propre talent. Ta démonstration de la première fois était à couper le souffle et je suis sûre que c’est encore mieux lors des matchs.
- Merci, c’est gentil mais pour ça il faudrait que je joue. Avec un talent comme Kageyama, le joueur que je suis est plus utile sur le banc à encourager que faire des passes moins bonnes.
Abordant une moue sceptique, elle prit le parti de reprendre ses propos pour changer l’expression faussement désinvolte du gris.
- Mais… tu as l’expérience, ça compte aussi ! Tu connais mieux les joueurs, tu as déjà dû affronter certaines équipes. Ce sont des connaissances que Kageyama n’a pas encore. Et puis vous avez des caractères très différents, tu es beaucoup plus avenant que lui, à l’écoute. Je suis sûre qu’il ne m’aurait jamais proposé son aide, qu’il n’aurait pas autant de recul sur ces mots et qu’il ne sourirait pas comme ça à l’instant.
Elle avait raison, Koushi souriait et ce sourire gêné d’était agrandi au fil de sa tirade. Elle avait dit ce qu’elle pensait vraiment, franchement et avec le peu d’informations qu’elle avait mais ces mots avaient semblé toucher le jeune homme.
VOUS LISEZ
Déploiement |Haikyuu FF|
Fanfiction« On dirait que le petit oiseau a déployé ses ailes » L'adolescence était la période des changements, des découvertes, des questionnements. C'était aussi celle où de simples rencontres bouleversent bien plus qu'une petite journée. Et ça, Hatori ne s...