Chapitre 85

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« Pas encore »

Kei analysait, réfléchissait consciencieusement sur ce terrain de brutes. Tous sautaient dans tout les sens, se lançaient des piques, hurlaient à tout va. Ça le fatiguait autant que ça l'arrangeait. Les réceptions de Yuu s'amélioraient, les feintes de Shouyou frustraient, les passes de Tobio se précisaient. Autant de points qui jouaient progressivement sur le moral de leurs adversaires. Et même si les plus compétents étaient imperturbables, à l'image de l'armoire à glace qui leur servait de capitaine, il n'en n'était pas de même pour les plus jeunes. Il avait vaguement entendu les conversations entre les autres joueurs et se souvenait parfaitement que l'un d'entre eux avait adressé quelques mots au passeur. Wakaoshi étaient leur champion, le plus grand atout, mais comme l'avait dit Keishin, il était humain. Il ne tiendrait pas tous les sets à frapper tous les ballons, qu'il soit à soixante-dix pourcents de sa force ou moins.

Donc le numéro onze attendait, scrutait avec attention les mouvements adverses. Et si l'espèce de clown rouge avait réussi au début à le déconcentrer, il arrivait maintenant à en faire abstraction. De toute façon leur petit feinteur roux remplissait son rôle, attirant à lui une grande partie de la vigilance du block adverse.

Tandis que lui dirigeait le leur avec application. Un peu surpris la première fois que le roi écoute son décompte, il ne s'en préoccupait plus maintenant. L'ébène écoutait et appliquait, c'est tout ce qui comptait. Et puisque cette méthode portait ces fruits, il n'avait pas à protester.

« Pas encore »

La balle avait encore ricoché sur ses doigts.

- Je la touche, criait-il au fond de court.

Il avait arrêté de compter au bout de la troisième, ce n'était pas important.

Tout ce dont il devait penser était de repérer l'instant, la fraction de seconde, le grain de sable qui allait se glisser. Et s'il se brisait la voix en criant dans l'attente de ce moment, il le ferait. Il n'avait pas passé ces dernières minutes à s'exploser un peu plus les doigts pour que ce qu'il attendait lui file entre. Il avait confiance en son jugement, en ses observations. Le numéro dix avait pu contrer un peu plus tôt en appliquant son conseil, il savait qu'il était dans la bonne voie. Il fallait juste attendre encore un peu, pas grand-chose surement, il le sentait.

La demande de Wakatoshi à Shirabu, il n'en loupa pas une miette. Le tressaillement des sourcils du plus jeune non plus. Il oublia d'ailleurs d'esquisser son habituel sourire en coin, focalisé sur les suite.

« Maintenant »

Et la seule réponse qu'il obtint fut la douleur aïgue qui se propagea de sa paume gauche au reste de son bras. L'impact lui avait coupé le souffle, l'empêchant d'avoir à retenir le grognement d'un inconfort plus que minimisé. Il ne pu même pas voir la surprise dépeinte sur les traits du numéro un, une des rares expressions qui traversaient fugacement son visage. Un spectacle dont il se serait surement délecté. Ça et le silence du gymnase.

Ses oreilles bourdonnaient encore du son de l'impact, il senti plus qu'il n'entendit ses chaussures rejoindre le sol. Ses genoux se plièrent pour amortir le choc et le temps qu'il se redresse, un vieux souvenir remonta à son esprit. Une remarque un peu agaçante de l'un des meilleurs attaquants du Japon, un gars aux airs de hibou qui n'avait rien trouvé de mieux à lui dire qu'il était nul lors de leurs premiers échanges. Mais il avait aussi dit qu'il s'agissait de la raison de sa passivité.

Bien sûr que le volley n'était qu'un club pour lui, une activité parmi tant d'autres. Il avait commencé par admiration pour son frère, qui avait été sa source de motivation. Puis la désillusion l'avait frappé et blessé. Pour autant, elle ne l'avait pas dégouté du sport. Il lui arrivait de se demander pourquoi il n'avait pas laissé tomber à cette époque. Peut-être parce qu'il n'avait pas envie de réinvestir des efforts dans un autre club. Peut-être parce qu'il s'en sortait plutôt bien sans trop s'impliquer avec sa taille. Peut-être parce que Tadashi avait prit goût et que pour une fois quelqu'un supportait son caractère pas toujours facile. Ou alors étais-ce parce qu'il y avait lui-même prit goût ? Il ne se souvenait pas depuis quand alors et ne pouvait pas non plus dire qu'il savait en quoi. Il continuait comme ça, ni vraiment pour les autres, ni vraiment pour lui.

Mais quand deux capitaines un peu casse-pieds lui avaient demandé s'il aimait ça, il ne s'était pas attendu à ce que la justification avancé de son indifférence soit son niveau. Alors oui, il avait participé à des entrainements avec Akiteru, demandé conseil à son coach, discuté avec Tadashi un soir, mais est-ce que son niveau s'était élevé ? Il n'en savait trop rien. La seule chose certaine pour lui était la joie immense qui s'emparait progressivement de lui. Celle qui lui faisait lever le poing, celui dont la main le lançait, pour finalement le ramener à lui dans un cris de rage, un cri d'exultation.

Il l'avait voulu sans trop y croire. Cette envie infondée de s'être dressé au moins une fois sur le chemin de ce champion incontesté. Pas pour le faire enrager, que le chat et le hibou ravalent leurs paroles ou que son frère soit fier de lui. Cette action était la sienne, il l'avait attendu, espéré, guetté. Elle était le résultat de sa fierté un peu blessée, de son entrainement, de son analyse et même si elle avait abouti à un point pour eux, ce n'était rien à côté du plaisir égoïste qu'il en tirait. Maintenant arrivé là, il pouvait dire avoir apprécié jouer au volley.

Il ne percuta pas tout de suite que le silence avait cessé, remplacé par les exclamations choquées de tout un gymnase. Ce n'est qu'en sentant deux corps étrangers sur le sien, dont l'un qui le mordait, qu'il remit pied dans la réalité. Les félicitations des uns, l'admiration des autres, la stupéfaction des derniers, tout ça lui donnait mal au crâne. Ça ne fut même pas arrangé par ceux présents dans les gradins.

- Kei / Tsukki / Tsukishima ! Félicitations !

Il avait bien compris qu'Hatori venait à l'instant de l'appeler par son surnom et il ne se rappelait pas lui en avoir donné l'autorisation. Mais devant le sourire éclatant de son frère et les bribes de plénitude qui étaient encore présentes en lui, il laissa couler pour cette fois. C'était surement provisoire, dû à la présence de son ainé à côté de la brune. De toute façon il leur restait encore deux sets voir trois, ce n'était pas le moment pour penser à ces futilités. Simplement savoir qu'ils étaient là, et qu'il pouvait les entendre.

Et les voix qui les suivaient. Peu importe qu'ils perdent le set suivant, qu'il n'ait pas pu réitérer son exploit encore une fois. Les voix étaient là. Il en oublierait presque les insupportables supporters de Shiratori Zawa. Et pour l'amusement futur qu'il tirerait de se moquer des voix cassées par les cris, il pouvait bien se plonger encore un peu dans le match.

Après tout, ce n'était pas encore fini.


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Hello à vous petits aventuriers!

Je sais pas vous, mais quand on me parle du match Karasuno-Shiratorizawa, je ne peux m'empêcher de penser à ce moment. Il est d'une force et d'une puissance, j'en frissonne a chaque fois ~ Et j'ai depuis longtemps envie d'employer le pdv de Kei, il est très détaché alors c'est un réel défi pour les interactions sociales ^^
Quel est votre moment favori du match à vous?

Samedi aussi ça va impacter alors on se donne rendez-vous ;) Bonne fin de semaine a vous ~

Déploiement |Haikyuu FF|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant