Chapitre 17

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            Louisa et Jafren n'étaient vraiment, mais vraiment pas de bonne compagnie. Si on omettait leur manque total d'humour et leur humeur massacrante, ils ne cessaient d'essayer de me mettre en difficulté, de me piéger même, pour que je leur révèle un maximum d'informations sur la Résistance. lls était sacrément bon à ce petit jeu, je devais bien l'avouer. Sans avoir recours à la menace, juste en posant les bonnes questions au bon moment, ils arrivaient à me faire dire quelque chose que je n'avais pas forcément prévu de leur confier.

Autant vous dire que j'étais à deux doigts de mentir à Vareck en lui disant qu'ils m'avaient violenté, je serai enfin débarrassé de ces deux rapaces aux mots tranchants comme des rasoirs et empoisonnés comme du venin. Comme la traitresse que j'étais irrémédiablement devenue, je leur avais donné les emplacements que je connaissais, je me consolais en me disant que la Résistance ne se rassemblait de toute façon jamais deux fois au même endroit, mais cela ne m'enlevait pas ma culpabilité. Surtout parce que je savais que les hommes de Vareck cherchaient une logique derrière tous ces choix de lieux, si vraiment il y en avait une et qu'ils la découvraient, c'était fini. Mais la Résistance savait qu'avant de tomber entre les mains de Vareck, j'avais été l'une des leurs, s'ils avaient assez de jugeote, et je savais qu'ils en avaient largement assez, ils réfléchiraient à la possibilité que je trahisse les secrets que je connaissais. J'espérais donc qu'ils changeraient certaines de leurs habitudes.

Ce soir, je dinais en compagnie de Vareck et certains de ses hauts dignitaires. (J'avais hâte). C'était la première fois depuis mon arrivée que je mangeais avec d'autres personnes, tous les autres jours, mes repas m'avaient été apportés dans mes appartements. Et cela me convenait très bien, mais visiblement ce soir je n'y échapperai pas. J'avais accepté d'accompagner Vareck où bon lui semblait en échange des informations sur Vivi, je n'avais donc pas trop le choix.

À la différence de mes appartements qui se trouvaient au 3ème étage, la salle à manger se trouvait au deuxième. C'était une grande salle à la décoration très raffinée, très différente des autres parties du bâtiment, plus sobres et dépouillées. Pour l'occasion on m'avait fait porter une robe d'un rouge très foncé. Je devais avouer qu'elle était plutôt bien choisie, elle me correspondait bien ; ni trop voyante ni trop prude. Je n'étais pas de ses filles dans les romans qui refusaient de porter les vêtements qu'on leur imposait. Ce n'était qu'une robe, cela ne changerait rien à ma personne, le plus important était ce qui se passait dans ma tête. Et puis, vêtue ainsi, je doublais ma confiance en moi. La mise en avant de mes atouts et de mon corps avait toujours eu cet effet sur moi, le tout était de savoir le doser. De ne pas en abuser, de ne pas en devenir dépendant. Mes années de cavales m'avaient définitivement vacciné contre cela.

Assise à la droite de Vareck, j'essayais de croiser le moins de regards possible et me concentrai sur mon assiette. Ils étaient une dizaine, et composaient le cercle restreint de Vareck. Aucun Faucheur n'était en vue, et c'était très bien comme ça.

Pour voir sa réaction (et pour le faire sortir de ses gonds aussi, je l'admets) j'avais demandé à Vareck si Valion était convié, le regard qu'il m'avait renvoyé, à mi-chemin entre la haine pure et la suspicion, me coupa le coupa à la fois le souffle et l'envie de l'interroger davantage. Ces deux hommes se vouaient une haine d'une extrême violence.

Vareck parlait peu, ce qui n'était pas le cas des autres, qui discutaient vivement. Pour ma part, j'étais chanceuse, personne ne m'avait encore parlé. Je me demandais même ce que je faisais ici, jusqu'à ce que Refael Veritius, le bras droit de Vareck, décide de s'intéresser à moi, et dévie toute l'attention sur ma personne.

-Vous les avez vus, n'est-ce pas ? Les six ?

Ce Refael était un véritable problème à mes yeux. Il était à la fois charmeur et calculateur. Intelligent et ambitieux. Il était le seul, sans compter Vareck, à ne pas faire preuve de mépris à mon égard, mais je le soupçonnais de ne pas être très franc. Ou de vouloir quelque chose de ma personne...

Vareck se tourna soudain vers moi, visiblement aussi curieux que les autres d'entendre ma réponse.

Je me redressai sur ma chaise.

-En effet, je les ai vus, répondis-je simplement.

Refael me dévisageait avec une lueur étrange au fond des yeux, ses lèvres étaient étirées en un demi-sourire indolent. Avec sa peau bronzée, ses yeux cheveux bruns et ses yeux noisettes, il était beau. Et jeune, sans aucun doute le plus jeune autour de cette table. Sans compter ma personne, évidemment.

-Combien de fois ? insista-t-il.

Je sentais les regards de tous poser sur moi, mais le plus brulant était celui de Vareck.

-Une seule... Le jour où ils ont rassemblé les chefs du groupe pour nous faire part de l'attaque imminente d'Arsersa.

Personne ne faisait plus le moindre bruit, ils étaient tous suspendus à mes lèvres. Et pour la première fois, je ne vis pas de dégout dans leurs yeux. J'avais eu la chance d'apercevoir 6 légendes Vessoryias, et eux, aussi puissants et haut placés qu'ils fussent, n'avaient jamais eu cette occasion.

Je fronçai les sourcils.

-Comment étaient-ils ? continua Refael.

-Physiquement, ils avaient entre 40 et 50 ans. (Je haussai les épaules.) Ils ressemblaient à des gens ordinaires, simples. Ils... je ne sais pas.

Je me sentais mal à l'aise sans savoir pourquoi. C'était comme si j'étais sur le point de mettre le doigt sur quelque chose, mais que l'essentiel m'échappait.

-Qu'as-tu ressenti en les voyant ?

Cette question me désarçonna, et évidemment, elle venait de Vareck.

J'essayais de me replonger dans ce souvenir étrange. J'en oubliais presque tous ces gens qui m'écoutaient attentivement.

-J'ai ressenti la force de leur pouvoir, une force écrasante. Mais... mais j'avais déjà sentie une force bien supérieure à la leur auparavant, donc... je n'étais pas aussi impressionnée que les autres.

Je voulais en dire plus, mais un profond mal être m'envahit.

Vareck m'observait en fronçant les sourcils, je l'avais rarement vu exprimer si clairement une émotion.

-Pardonne-nous notre curiosité, fit Refael, mais vous êtes la seule ici à les avoir vus... À ce propos, Louisa Farink et Jafren Gerin vous demanderont surement, si ce n'est pas déjà faites, de nous en faire des portraits-robots.

Je serrai ma fourchette de toutes mes forces, mais me forçai à hocher la tête avec un sourire crispé.

L'Ombre d'Alyia - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant