Chapitre 18

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            -Tu avais l'air perturbé quand je t'ai demandé ce que tu avais ressenti devant les 6, pourquoi ? me demanda Vareck, lorsque nous fûmes seuls.

Après le repas, qui ne s'était d'ailleurs pas prolongé très longtemps, Vareck m'avait proposé de sortir prendre l'air. Ce que j'avais accepté, de toute façon je n'avais rien de mieux à faire. Il m'avait emmené dans une sorte de petit jardin à l'intérieur du bâtiment. Si mes souvenirs étaient bons, il me semblait que le bureau de Vareck avait vu sur le petit coin de verdure. D'ailleurs, le mot jardin était mal choisie, on aurait plutôt dit une petite forêt, j'oubliais presque que nous étions entourés des murs du bâtiment militaire.

Je ne m'étais pas sentie capable d'exprimer mes émotions devant les conseillers de Vareck, mais là... Jadis, j'avais eu confiance en lui, je lui avais confié mes doutes, mes espoirs et mes craintes. Lui parler était facile, logique. Entre-temps, tout avait changé. Tout. Mais une partie de moi ne ressentait pas de craintes face à lui, une partie de moi se souvenait de ses conseils.

J'essayais de retenir mes larmes. Pendant les deux ans qu'avait duré ma cavale, je n'avais eu personne à qui me confier, personne qui me comprenait. L'unique être sur cette planète à pouvoir comprendre ce que c'était d'avoir un pouvoir comme le mien, c'était lui. J'aimais Vivi et Spencer. J'avais trouvé un pilier en Jarod, une ancre. Mais je n'avais jamais pu lui dire qui j'étais vraiment. Comment me regarderaient-ils, à présent ? Le besoin de le voir, de les voir, se fit de plus en forte dans ma poitrine.

Je soupirai et capitulai, sachant pertinemment que plus je me confiai à lui, plus il gagnait du terrain sur moi.

-J'ai eu une sensation étrange ce jour-là. Une sensation que j'ai repoussée. Je ne sais pas... L'euphorie de tous ces gens autour de moi, leur confiance aveugle... (Je secouai la tête.) J'avais l'impression d'être la seule à trouver cette entreprise suicidaire, et je sentais bien qu'il y avait quelque chose, quelque chose qu'ils ne disaient pas. Je pensais d'abord qu'il y avait une arme ou des individus très puissants emprisonnés à Arsersa, pourquoi attaquer une prison, sinon ? Cela me semblait tellement improbable. Mais tous les autres... ils ne se sont pas posé de question, Vareck ! Rien ! Ils ont foncé, tête baissée...

-N'est-ce pas ce que tu as fait toi aussi ?

-Peut-être, oui, soupirai-je. Mais je l'ai plus fait pour mes amis que pour moi, je voulais les protéger. Et puis, je n'avais pas le choix... c'est difficile d'être sans être, de ne pas pouvoir mettre toute sa personne, et dans mon cas, mon pouvoir, dans quelque chose. Je me sentais comme détachée.

Je pris une profonde inspiration et continuai :

-Cela m'a fait peur. Leur fanatisme. J'avais l'impression de voir tous ces malades qui ne jurent que par ton nom, comme à l'époque, quand la guerre des Vessoryias a commencé, quand ils étaient tous prêts à mourir pour toi... Et ils le sont toujours d'ailleurs. Je m'étais juré de te combattre, toi et le monde que tu voulais construire. Mais je retrouve cette même peur quand je vois les Résistants prêts à mourir sans réfléchir.

Vareck resta silencieux quelques minutes, presque stupéfait, puis il se me dévisagea avec intensité.

-Ce que je comprends, c'est qu'il n'est plus qu'une question de temps avant que tu me rejoignes à nouveau.

-Oh par pitié, Vareck. M'as-tu seulement écouté ?

-Oh que oui, Alyia. Je t'ai écouté. As-tu remarqué comme ton discours a déjà changé en quelques jours à peine. À ton arrivée, tu défendais les six bec et ongles, et à présent, tu as déjà compris qu'ils ne sont pas la solution que tu espérais. Tu as enfin compris qu'il n'y a ni gentils ni méchants.

L'Ombre d'Alyia - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant