Chapitre 7 (2/2)

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     – Je peux m'asseoir ? osai-je demander.

     La fille leva enfin les yeux et m'étudia un instant avant d'acquiescer.

     Je pris place à ses côtés, aussi silencieusement que possible. Je la regardai se replonger dans son travail. J'avais l'impression que mon cœur allait éclater dans ma poitrine. C'était tout ? Et maintenant ? Je ne savais pas... Alors je me contentais de l'observer.

     Elle raccommodait ce qui ressemblait à la veste d'un uniforme de marine. Ses doigts, habitués sans doute à faire des nœuds toute la journée, magnaient l'aiguille avec une agilité et une dextérité que je ne connaissais pas. Ça n'était pas pour rien que maman et Esther se chargeaient de recoudre nos vêtements à papa et moi. Tout deux étions aussi doués avec du fil et une aiguille que Rowan à rester sagement assise quelque part plus d'une heure.

     – Qu'est-ce que tu fais ? demandai-je.

     Et aussitôt je me sentis la plus idiote du monde. Ce qu'elle faisait, c'était plus qu'évident ! Pauvre andouille, me fustigeai-je intérieurement. Je sentis mes joues chauffer, m'attendant presque à entendre les quolibets pleuvoir, les gens se moquer et me pointer du doigt. Mais j'étais si peu habituée à aborder les gens que je n'avais rien trouver de mieux...

     – Je raccommode la veste du capitaine, répondit-elle tout de même. Il n'arrête pas de s'accrocher aux poignées de portes, ajouta-t-elle comme pour se justifier.

     J'avais beau y réfléchir, j'étais incapable d'imaginer le capitaine, cet homme qui m'avait semblé si droit et si impressionnant, être assez maladroit pour déchirer sa veste en s'accrochant à une porte ! Mais la minutie et la patience qu'elle employait à recouvre l'habit me fascina tant que je répondis aussi bêtement que simplement :

     – C'est impressionnant.

     Elle eut un sourire sans joie et finit par poser son ouvrage, braquant un regard glacial sur moi. Ses yeux me parurent si bleus que je manquai m'y perdre. On aurait dit deux vastes océans à l'eau agitée par des vents glacés.

     – Alors ? Que veux-tu ?

     Sa voix était si sèche... Un peu déconcertée, je la regardai bouche bée. Quoi ?

     – Ce que je veux ? répétai-je un peu perdue.

     Elle opina.

     – Personne ne vient jamais me voir sans arrière-pensée. Alors que veux-tu, qu'on en finisse ?

     Perplexe, je réfléchis un instant.

     – Tu as raison, je voulais savoir quelque chose, finis-je pas dire.

     – Tu vois ? lança-t-elle en reprenant son ouvrage.

     Mais il n'y avait aucun triomphe dans sa voix, juste de la déception.

     – J'aurai voulu connaître ton nom, dis-je enfin.

     La jeune fille releva soudain la tête, visiblement perdue.

     – Mon nom ?

     – Oui. Le capitaine Thaumas ne t'as pas vraiment présentée, mais vu votre ressemblance, je serai tentée de croire que tu es au moins sa fille. Comment t'appelles-tu ?

     Elle ouvrit la bouche, la referma, déconcertée. On aurait dit que personne ne s'était jamais simplement intéressé à elle.

     – Marie-Morgane Thaumas, finit-elle par répondre du bout des lèvres.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant