Chapitre 22

42 9 16
                                    

     Le lendemain, l'équipage annonça que nous allions bientôt passer à proximité de la Tour d'Espérance. Et, malgré les derniers évènements, j'avais hâte d'y être. En fait, la perspective de voir enfin cette tour de légende apaisait un peu mon fardeau. Nous avions grand besoin d'un peu de divertissement, surtout alors que le passage de la Mort-Bleue se rapprochait.

     Immense colonne de marbre planté au milieu de l'océan pointant le ciel, la Tour d'Espérance était la source de nombreuses légendes marines. Et, avant que nous n'arrivions enfin à proximité, Esther se fit une joie de toutes nous les raconter. J'ignorais comment elle avait fait, mais elle était parvenue à dénicher dans la bibliothèque de la Sirène un recueil de contes et de légendes de marin. Marie-Morgane elle-même fut surprise de découvrir le tome entre les mains de ma sœur. Ce qui me poussa à m'interroger sur sa provenance. Et, au vu des œillades complices que n'arrêtaient pas de se jeter le capitaine Thaumas et ma cadette, j'en vins à me demander si ce dernier n'avait pas fini par lui ouvrir les portes de sa collection privée.

     Quand la Sirène s'arrêta à quelques mètres de la Tour, beaucoup se demandèrent ce qu'il se passait. Le capitaine, un immense sourire aux lèvres, nous annonça alors une halte improvisée afin de profiter de la vue. Dans peu de temps, disait-il, nous aurions à affronter les tempêtes du cap de la Mort-Bleue et, avant que le ciel ne se couvre complètement de nuages – et pour alléger un peu l'atmosphère pesante qui s'était abattu sur le navire – une plateforme fut installée sur l'eau, permettant à tous ceux qui le désiraient de se baigner.

     D'abord hésitants, ce furent les passagers de la troisième classe qui donnèrent le ton. En un rien de temps, ils se précipitèrent sur l'échelle pour sauter sur la plateforme et plonger dans l'eau. Certains sautèrent directement du garde-corps, d'autres ne perdirent même pas un instant à aller se changer, trop heureux de pouvoir nager dans cette eau si bleue. Et, assez rapidement, les rires et les cris fusèrent.

     En un rien de temps, tout le monde fut changé et profita de l'occasion pour s'amuser. Poussée par mes sœurs, je finis même par aller me changer, revêtant ce vieux maillot de bain couleur de nuit caché au fin fond de ma valise.

     Les jumelles et moi courûmes sur le pont, prête à rejoindre Acanthe et Maman qui étaient déjà descendues sur la plateforme quand nous remarquâmes Papa assit par terre au pied du grand mât. Il souriait comme un enfant, jouant avec les feuilles de la multitude de plantes en pots qui l'entourait, les faisant grandir et pousser. Nous le rejoignîmes.

     – Tu ne viens pas te baigner ? demandai-je curieuse.

     À côté de moi, Rowan tirait sur mon bras pour m'emporter, pressée de plonger dans l'eau. Papa leva les yeux vers nous et secoua la tête, serrant contre lui un plant de guimauve.

     – Très peu pour moi, je n'aime pas l'eau salée. Mais allez-y donc, sourit-il les mains remplies de jeunes pousses. Pour ma part, je pense passer un moment dans cette superbe serre que nous avons visité à notre arrivée. Je n'ai pas encore eu l'occasion de m'y rendre et il me semble avoir vu quelques plantes malades.

     Je souris et l'embrassai avant de courir après Rowan qui nous avait abandonné pour rejoindre un groupe de son âge. Sans surprise, je vis ma sœur sauter depuis le garde-corps pour plonger dans l'eau. Esther secoua la tête. Sans ses lunettes, elle était encore plus jolie et attirait de nombreux regards alors qu'elle descendait patiemment l'échelle menant à la plateforme.

     – Vous allez vous baigner ? demanda une voix derrière moi.

     En me retournant, je découvris Hadrian, engoncé dans un énième costume guindé. Je lui souris.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant