De Vague et d'Ecume

Chapitre 14 (2/2)

     Ce soir-là, j'eus également la réponse au désintérêt de Miller pour les dames de la Sirène qui ne cessaient de lui faire les yeux doux. Il s'avéra que le second avait une petite-amie qui l'attendait au port de Belhart, une amoréenne, nous raconta-t-il, rencontré lors d'un précédent voyage pour le capitaine.

     Bien sûr, tout le monde autour du feu en fut très étonné – à part Rufus – et les garçons s'empressèrent de le taquiner.

     – Tu aurais pu nous en parler ! s'exclama Willie, aussi amusé qu'outré.

     – Pour que vous m'asticotiez avec cette histoire pendant des jours ? Même pas en rêve, s'amusa Miller.

     C'était presque étrange de le voir sourire ainsi. Mais aussi attendrissant.

     – Pourtant tu viens de nous le dire, rétorqua Marie-Morgane perplexe. Tu ne crains plus que ces zouaves ne t'embêtent ?

     Les « zouaves » en question s'insurgèrent alors que Miller haussait des épaules. Pour ma part, je dus étouffer un rire.

     – En fait, avoua finalement le second, je comptais vous l'annoncer un peu plus tard mais... je compte quitter l'équipage après notre arrivée à Belhart.

     – Quoi ? s'exclamèrent les garçons et Marie-Morgane d'une même voix.

     Rufus, lui, souriait sereinement en poursuivant son tricot. Je fronçai les sourcils. Quand avait-il sortit ce tricot ?

     – Mais pourquoi ? questionna l'un des jumeaux.

     – Tu vas vraiment nous abandonner ? s'indigna l'autre.

     – Arrêtez un peu de dire des bêtises, les rabroua Rufus avec douceur.

     – Mais tu ne prévoyais pas de devenir capitaine un jour ? demanda Marie-Morgane, perdue.

     – Si, avoua Miller avec un sourire rêveur. Mais même si j'aime beaucoup la mer, passer autant de temps loin d'elle ne me convient plus.

     – Que vas-tu faire alors ? demandai-je, curieuse.

     Il réfléchit un moment.

     – Je ne sais pas encore, confessa-t-il. Peut-être commencer par la demander en mariage.

     Les garçons sifflèrent et applaudirent alors que le rouge montait aux joues de Miller. Il ressemblait à un adolescent énamouré. Adorable, songeai-je avec un sourire. Je ne connaissais pas la demoiselle de son cœur, mais je n'avais aucun doute sur la sincérité du second.

     – Alors tu vas partir ? demanda Marie-Morgane tristement. Tu vas quitter Ysméria ?

     Tous s'arrêtèrent et un épais silence s'abattit sur nous. Miller regarda longuement la jeune fille avant de sourire, attendrit, et de lui ébouriffer les cheveux. On aurait dit un grand frère avec sa petite sœur.

     – Même pas en rêve crevette, tu me verras encore longtemps. Donatella rêve de vivre à Ysméria.

     Cette nouvelle sembla la ravir.

     – Comment elle est ? demanda Marie-Morgane des étoiles plein les yeux. Elle est gentille ?

     – Elle est belle ? demanda Samuel.

     – Elle est riche ?

     Tous les regards se posèrent sur l'un des jumeaux – Viktor il me semblait.

     – Quoi ? fit ce dernier.

     – T'es dingue ou quoi ? le rabroua son frère en lui assénant une tape derrière la tête. Ça se demande par ce genre de chose. Et même si c'était le cas, tu crois vraiment que ça l'intéresse ?