Chapitre 20

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     Les jours qui suivirent, je m'arrangeai comme je pouvais pour éviter Cassius à chaque fois qu'il tentait de m'adresser la parole. À force d'esquives et de pirouettes, j'avais fini par connaître tous les coins et recoins de la Sirène. Ses petits couloirs et mêmes quelques-uns de ses passages dérobés me parurent rapidement familiers à force de m'y cacher. À la fin de la traversée, j'étais quasi certaine d'en savoir plus sur les secrets de la Sirène que n'importe lequel de ses membres d'équipage.

     Marie-Morgane trouvait mes fuites amusantes. Et, au bout d'un moment, il parut évident que j'étais championne en la matière. Avais-je bénéficié d'un entrainement à Ventis ? Oui, on pouvait dire ça. Quand vous passez votre vie à éviter les gens, cela devient rapidement une promenade de santé.

     Une personne finissait toujours par m'appeler quelque part ou je me souvenais soudain devoir faire quelque chose à l'autre bout du navire. Et quand on ne m'appelait pas, je décampais simplement, profitant de l'abondance des passagers sur le pont et des jumeaux qui s'amusaient énormément à faire tourner Cassius en bourrique avec moi. Bien qu'ils ne sachent pas exactement pourquoi leur ami tenait tant à me parler, le simple fait de leur avoir avouer ne pas vouloir le voir les avaient convaincus de m'aider. En cela, je leur étais diablement reconnaissante.

     Cassius en revanche, n'appréciait guère ce petit jeu. Et parfois quand je m'esquivais de justesse, je pouvais l'entendre bougonner. Il semblait de plus en plus sur les nerfs, regardant chaque personne à bord avec une méfiance feinte, même moi. Je ne comprenais pas.

     Cet après-midi-là, je m'apprêtais à retrouver ma cabine pour faire une sieste – mes nuits étaient hantées par les grognements et le regard étincelant de quelques choses d'effroyable. Mais, quand j'entrai enfin dans ma cabine, la porte claqua derrière moi. Je sursautai. En me retournant, je découvris Cassius, l'air aussi furieux qu'épuisé.

     – J'en ai vraiment marre de ce petit jeu, fit-il en s'avançant l'air menaçant.

     – Alors fiche-moi la paix et va harceler quelqu'un d'autre ! lui rétorquai-je à la fois furieuse et terrifiée.

     Instinctivement, je reculai, essayant de mettre le plus de distance entre lui et moi.

     – Je ne crois pas que tu comprennes vraiment le danger qui plane sur nos têtes.

     – Évidemment, puisque tu ne m'expliques rien ! Tout ce que tu fais c'est me grogner dessus et me donner des ordres !

     Il s'apprêtait à me coincer dans un coin quand j'esquivai et fonçai vers la porte. Malheureusement, et comme trop souvent dans ma vie, mon corps de fatigue, ne fut pas assez rapide. Je n'eus pas le temps d'atteindre la poignée que Cassius fondit sur moi et plaqua ses mains de part et d'autre de ma tête. Piégée, je capitulai et me retournai, les poings serrés. Cassius était si près que je pouvais voir les variantes de bleus de ses yeux, et les cernes qui y pendaient, à peine plus légère que les miennes. Nous nous fusillâmes du regard de longues secondes avant qu'il n'ouvre enfin la bouche.

     – Dans ce cas, susurra-t-il l'air mauvais, laisse-moi t'expliquer. Et si ce que je te dis ne t'intéresse toujours pas, alors libre à toi de faire ce que bon te semble, je te laisserai tranquille.

     Je réfléchis un instant. De toute façon, je n'avais pas vraiment le choix si je voulais qu'il me fiche la paix. Vaincue, je soupirai.

     – D'accord. Tu peux au moins t'écarter de quelques pas, s'il te plait ? J'ai du mal à respirer là.

     Il eut un rire moqueur et son visage se fendit d'un sourire presque peiné.

     – Pour que tu puisses t'esquiver à nouveau ? Même pas en rêve.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant