Chapitre 27

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     Quelques jours avaient passés depuis la fuite de Morbius et aucune autre victime n'était à déplorer.

     Ce matin-là, les cornes de brume annoncèrent l'imminence de notre passage du cap de la Mort-Bleue. Tous les passagers furent invités à rejoindre leur cabine et s'y enfermer. J'étais certaine que les prochaines heures seraient longues...

     Au dehors, le vent se leva et l'orage ne mit pas longtemps à éclater. Les vagues se faisaient de plus en plus haute à mesure que nous approchions du cap, faisant tanguer le bateau de plus en plus fort.

     Enfermés dans la cabine de nos parents, mes sœurs et moi attentions. Au dehors, il me semblait entendre autant le hurlement du vent et la tempête que les cris des marins qui faisaient leur possible pour maintenir la Sirène à flot.

     Acanthe, effrayée par la houle, s'était blottit dans les bras de Maman. Cassius et moi lui avions fait promettre de ne rien dire de cet étrange bonhomme qu'elle avait rencontré. En échange, elle était parvenue à nous faire promettre de lui donner nos desserts pour le reste de la traversée. Comme quoi, Acanthe semblait avoir hérité de Zéphyr plus que son don d'invisibilité. De son côté, et malgré sa nausée grandissante, Papa tentait de divertir les jumelles qui ne semblaient pas plus sereine. Rowan en particulier était un peu pâle. Ma cadette n'avait jamais aimé les orages et sursautait presque à chaque coup de tonnerre. Esther ne lui lâcha pas la main, essayant de la rassurer comme elle pouvait.

     Alors que Papa proposait aux filles de jouer aux Douze Cours, je regardai distraitement par la fenêtre. Loin d'être effrayée, je ne cessais de me demander où pouvait bien se cacher Morbius et s'il profiterait du chaos de la tempête pour frapper à nouveau. Mais peut-être que la magie de la tempête l'en empêcherait. Cassius la disait puissante, peut-être ne prendrait-il pas le risque de l'affronter. Je l'espérais...

     – Vous croyez que le bateau va chavirer ? demanda soudain Rowan, frémissant à ses propres paroles.

     – La coque haute du galion a été faite pour palier à ce genre d'évènement, assura Esther d'un ton docte. Mais je dois bien avouer que j'ignore si elle tiendra le coup si Typhon s'énerve vraiment.

     – Typhon n'est pas responsable de cette tempête, expliquai-je calmement en me tournant vers mes sœurs. Nous allons bientôt passer le cap de la Mort-Bleue, il est imprégné du chagrin de l'une de ses filles.

     Mes sœurs se regardèrent avant de me fixer, perplexe.

     – Comment sais-tu ça ? questionna finalement Esther, les sourcils froncés.

     J'eus un sourire et m'éloignai de la fenêtre pour m'asseoir près des jumelles.

     – Et si je vous racontais une histoire pour passer le temps ? J'ai eu l'occasion d'en apprendre beaucoup ces derniers jours.

     Acanthe se redressa dans les bras de Maman, ses yeux brillants d'intérêt. Aussitôt j'eus droit à un concert de « oui » enthousiastes. Il ne nous en fallut pas plus pour nous installer tous les six par terre dans un océan de coussins et de couvertures.

     Sous les lumières vacillantes, je commençai mon récit.


***


     Il faisait nuit quand j'ouvris les yeux. La cabine était plongée dans l'ombre, éclairée par à-coup par les éclairs qui déchiraient le ciel. Autour de moi, mes parents et mes sœurs dormaient à point fermé, étalés tantôt sur le grand lit tantôt sur cette marée d'oreillers qui jonchait le sol.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant