Chapitre 19

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     Le lendemain matin, j'étais incapable de penser à autre chose que les images de ma nuit. Et plus le temps passait, plus mon mauvais pressentiment grandissait, d'autant que le vent s'était levé, inquiétant. Le ciel n'avait pas retrouvé sa clarté des premiers jours, couvert d'épais nuages. Pas encore menaçant, mais pas vraiment encourageant non plus.

     Sur le pont, je croisai Hadrian, toujours habillé d'un élégant costume beige.

     – Bonjour Meredith, me sourit-il.

     Son regard tomba sur la conque de Cassius dans mes mains. Anxieuse, je ne pouvais m'empêcher de jouer avec, retraçant nerveusement ses arabesques du bout des doigts. En la voyant, le regard du jeune homme parut soudain plus sombre, comme hanté. Mais avant que je ne puisse lui poser la moindre question à ce propos, il fronça les sourcils et braqua un regard ambré sur moi.

     – Vous n'avez pas l'air en forme, tout va bien ?

     J'ouvris la bouche, la refermai, serrai les lèvres. Comment lui répondre ? J'étais tellement fatiguée...

     – La nuit a été un peu mouvementée, prétextai-je mal à l'aise.

     Hadrian m'étudia un moment, visiblement inquiet.

     – Je me rendais à la salle de musique, vous voulez vous joindre à moi ? proposa-t-il avec un sourire timide. Je promets de ne pas jouer quelque chose de trop énervant.

     J'eus un sourire, reconnaissante, mais secouai la tête. Je devais trouver Cassius. La nuit dernière m'avait laissé beaucoup trop de questions, de préoccupations pour penser à autre chose.

     – C'est très gentil, mais non merci, déclinai-je. Ça fait un moment que je n'ai pas passé de temps avec mes sœurs, prétextai-je en indiquant les jumelles qui chahutaient avec Acanthe un peu plus loin. Je voudrais en profiter pour passer un peu de temps avec elles.

     Pendant une seconde, il me sembla voir le sourire d'Hadrian se tordre avant qu'il ne retrouve une expression peinée.

     – Très bien, dans ce cas je vous souhaite une bonne journée. Peut-être nous reverrons-nous plus tard.

     Je lui souris.

     – Oui, à plus tard.

     En le regardant s'en aller pourtant, j'eus une drôle d'impression qui me donna froid dans le dos. Et quand je vis l'ombre d'Hadrian s'allonger à ses pieds, je secouai la tête. Tu débloques ma pauvre fille, pensais-je en me massant les tempes. Le manque de sommeil est en train de te faire perdre la tête.

     Je me détournai.

     Un peu plus loin, je trouvai Marie-Morgane en train de superviser le travail de trois mousses qui récuraient le pont avec énergie.

     – Tu n'aurais pas vu Cassius ? demandai-je à mon amie.

     Le regard de cette dernière s'attarda un instant sur le coquillage dans mes mains, comme mal à l'aise. Je n'y prêtais pas vraiment attention, encore hantée par les images de la nuit dernière. Finalement, Marie-Morgane releva la tête et fouilla le pont du regard avant de m'indiquer le gaillard d'avant.

     – Je crois qu'il rumine quelque part par là.

     – Merci.

     Je traversai la foule et finis par trouver Cassius accoudé au bastingage. Il observait l'horizon avec cette même sévérité que je lui avais découverte au premier jour. Je pris un moment pour l'observer, admirant son profil. S'il arrêtait d'avoir constamment l'air de vouloir vous mordre, il aurait sûrement eu beaucoup plus de succès. Peut-être plus que Miller et Hadrian réuni. Quel dommage qu'il n'y ait qu'un effroyable orage couvant dans ses beaux yeux bleus.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant