Chapitre 42

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     Je restai un instant figé au milieu de la pièce avant de me secouer. La colère me submergea. Comment osait-il me laisser de côté à nouveau ? Il était hors de question que je le laisse affronter Morbius seul, qu'il ne compte pas sur moi ! Alors, remontée à bloc, je me précipitai dans les coursives en direction du pont supérieur.

     Au dehors l'orage commençait à gonder, l'océan était démonté. Rapidement la Sirène se retrouva soulevée par des vagues monumentales. On tanguait tellement que traverser les couloirs devint un véritable parcours du combattant.

     Parvenue sur le pont, je regardai de tout côté, l'angoisse me nouant le ventre. Le chaos régnait, les éléments se déchaînaient. Une pluie torrentielle avait commencé à tomber, un vent violent soufflait. C'était comme si Zéphyr et Typhon s'étaient unis pour submerger le monde sous les eaux et les vents.

     On aurait dit la fin du monde.

     – Meredith !

     Je me retournai d'un bloc, découvrant Cassius debout sur le gaillard d'arrière entouré du capitaine qui tenait la barre et de ses officiers. Il avait l'air ahuri, paniqué. Je me précipitai aussitôt vers lui. Parvenant à sa hauteur, il m'agrippa fermement par les épaules.

     – Qu'est-ce que tu fais là ? cria-t-il par-dessus la tempête. Je t'avais dit de rester à l'abri !

     Je n'eus pas même le temps de répondre. Une cloche sonna, un marin hurla. Je ne compris pas ce qu'il dit mais en nous retournant, nous pûmes découvrir la vague immense qui s'élevait devant la Sirène, prête à s'abattre. Le capitaine hurla à tout le monde de s'accrocher, serrant sa fille dans ses bras tout en s'accrochant à la barre. Les officiers firent de même, s'accrochant à ce qu'ils pouvaient. Cassius me serra dans ses bras, s'agrippant de toute ses forces à la balustrade un instant avant que la vague de l'abatte.

     La lame fut si violente qu'il me sembla recevoir une chape de plomb sur la tête. Nous fûmes secoués de toutes parts, le bateau manquant de chavirer. J'entendis à peine les cris de nos camarades alors que la Sirène tanguait dangereusement. Quand la vague passa enfin, je repris mon souffle, le cœur battant. Mes jambes flageolaient. L'orage tonna encore plus fort, des éclairs déchirant le ciel.

     Un peu déboussolée, il me fallut un moment pour capter le regard de Cassius planté sur moi, ce qu'il me hurlait par-dessus la tempête.

     – Tu ne devrais pas être là !

     – Je ne pouvais pas te laisser !

     Un coup de tonnerre plus puissant que les autres nous fit tourner la tête. Ce que nous vîmes alors nous pétrifia.

     – C'est quoi... ça ? souffla l'un des jumeaux mais je ne sus jamais lequel.

     Car ce qui venait de se dresser devant nous ressemblait plus au plus effroyable cauchemar de la création qu'à la réalité.

     Morbius, dans toute son infamie, se dressait entre les vagues sous la forme d'une créature titanesque à la bouche si grande qu'elle aurait pu engloutir la Sirène tout entière d'une simple bouchée. Il n'avait même plus rien d'humanoïde comme la dernière fois. À cet instant, il ressemblait à l'horreur monstrueuse illustrée sur la fresque de Pélage, un monstre tout d'ombres, de crocs, d'épines et de tentacules.

     Un chant étrange s'éleva alors et toutes les têtes se tournèrent vers le large où des filés d'écumes fondaient dans notre direction, formes vagues sous la surface.

     – Ce sont... bredouilla Marie-Morgane, ébahie.

     – Les Typhéides, compléta le capitaine.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant