Afin de fêter l'imminence de notre arrivée au port de Belhart, certains passagers demandèrent l'autorisation de monter une pièce de théâtre sur la scène du restaurant. Le capitaine Thaumas, enthousiasmé par l'idée, accepta avec grand plaisir. Et pendant les jours qui suivirent, passagers et matelots se mirent au travail.
Un premier groupe s'occupa du scénario, un second des décors et un dernier des costumes. Rapidement, il fut convenu que l'histoire qu'ils adapteraient bientôt sur scène serait une légende de la mer. Murphy fut tout de suite désigné comme narrateur et semblait aux anges, lui qui adorait autant les contes de marins que de les raconter. Pour ma part, j'en avais entendu bien assez pour mon grade, et m'étais donc un peu assombrit à cette annonce. Mais Sam m'expliqua bientôt que le conte choisi n'avait encore jamais été abordé lors de nos soirées sur le pont. Soirée auxquels je n'assistais d'ailleurs plus que très rarement, peu désireuse d'y croiser Cassius qui ne cessait d'errer sur le bateau comme une âme en peine.
Pendant les préparatifs, il m'arrivait souvent de le croiser dans les couloirs. Maman et moi nous étions portées volontaires pour aider à la fabrication des costumes – bien que, personnellement, je ne m'occupais que des accessoires, bien plus à ma portée – alors que le demi-dieu aidait à l'installation des décors.
À de nombreuses reprises je l'avais surpris à m'épier. Mais dès que je posais franchement les yeux sur lui, il se détournait en vitesse, parfois même en trébuchant dans sa hâte de s'éloigner ou laissant échapper son chargement. Combien de caisses de matériel lui glissèrent des mains ? On le gronda si souvent ces derniers jours qu'il me semblait impossible de le savoir.
Et cette soudaine maladresse n'échappa à personne. On lui lançait autant de regards interrogateurs qu'à moi, nos plus proches amis ayant bien remarqué que nous nous évitions sans toutefois le faire remarquer. Ce fut Murphy, comme souvent, qui finit par venir me questionner à ce sujet. Et, à sa mine soucieuse, je comprenais qu'il s'inquiétait sincèrement pour son ami.
– Qu'est-ce qu'il se passe avec Cassius ? demanda-t-il en début d'après-midi le troisième jour.
Les costumes étaient presque tous prêts et des tests d'installation des décors se mettaient en place sous la directive de Miller. Dans les coulisses improvisées à gauche de la scène, Oliver et Viktor s'occupaient de faire répéter les apprentis acteurs qui s'étaient portés volontaire.
Occupée à fignoler une couronne de coquillage avec Marie-Morgane, je jetai un coup d'œil à Cassius un peu plus loin. En suivant mon regard, mes amis eurent le temps de voir le demi-dieu se prendre les pieds dans un énième tas de cordes avant de voir voler la caisse de costumes qu'on lui avait demandé de déplacer. Tous les habits fraîchement cousus par nos couturières et couturiers improvisés s'envolèrent avant de retomber avec légèreté sur les décors. Tout au contraire Cassius s'étala de tout son long comme jamais je ne l'avais vu faire.
Même de loin je pouvais voir les cernes sous ses yeux alors qu'il se relevait et se dépêchait de tout ramasser sous les injonctions du producteur de la scène – un passager de la troisième classe il me semblait.
Marie-Morgane, Murphy et moi grimaçâmes de concert. La scène était on ne peut plus pitoyable et le voir s'enfoncer rapidement dans les coulisses improvisées, la tête rentrée dans les épaules, ne rendait ce spectacle que plus pénible à regarder encore.
Le demi-dieu disparu, Murphy se tourna vers moi.
– Il n'est clairement plus lui-même depuis le lendemain de la fête, argua-t-il comme si je ne l'avais pas remarqué. Il s'est passé quelque chose entre vous ?
VOUS LISEZ
De Vague et d'Ecume
FantasyAvec sa famille, Meredith embarque à bord de la Sirène, un ancien galion rénové en navire de croisière pour une traversée de l'océan de Typhon jusqu'aux Terres d'Amore. Mais ce qui devait être de simples vacances en famille vire bientôt au cauchemar...