Chapitre 30

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     Le lendemain du passage du cap, le ciel était redevenu parfaitement bleu.

     Le capitaine Thaumas en profita pour annoncer la préparation d'une fête pour célébrer le passage du cap sans autre avarie que le somnambulisme quelque peu spectaculaire d'une certaine jeune fille. Et ce disant, il m'avait fixé bien dans les yeux, un sourire amusé aux lèvres. Tous les regards convergèrent vers moi et j'eus la folle envie de retourner me cacher dans la cabine de Cassius. L'embarras colorant mes joues d'un rouge bien trop voyant à mon goût.

     Quand j'avais retrouvé Maman et Papa au petit-déjeuner ce matin-là, mes parents avaient fondu sur moi pour me serrer dans leurs bras. Leur regard brillait d'une inquiétude sincère et d'une culpabilité qui me donna mal au ventre. Tous deux s'en voulaient terriblement de ne pas avoir remarqué mon départ dans la nuit alors même que je leur avais raconté, quelques heures à peine plus tôt, l'histoire du cap et tout ce que Marie-Morgane et Cassius m'avaient eux-mêmes raconté. Mais je ne leur en voulais pas et les serrai fort contre moi, soulagée de les retrouvés, désolée de les avoir inquiétés.

     Avec l'annonce de la fête, la Sirène se retrouva le théâtre d'une agitation enthousiaste bienvenue. Des passagers se portèrent volontaires pour aider à la préparation des festivités et rejoignirent bientôt l'équipage au travail. Banderoles et guirlandes furent étendu un peu partout, formant comme un plafond de bandes colorées sur le pont alors que des centaines de lanternes se balançaient mollement dans les haubans.

     Ma famille se prêta volontiers au jeu, ma petite sœur Acanthe faisant craquer tout le monde à tendre les décorations aux marins, sa peluche serrées dans ses bras. Avec son air candide, elle faisait fondre même le froid docteur Osborne que je remarquai montrer des tours de passe-passe à ma cadette alors que nos parents étaient occupés ailleurs. Un sourire attendri étira mes lèvres. Le médecin de bord était si doux avec elle que j'en vins à me demander s'il n'était pas grand-père.

     Sur une scène improvisée que Miller et Rufus finissait de montait avec les charpentiers de la Sirène, un groupe de passagers et de matelots commencèrent à installer leurs instruments. Assez rapidement, les musiciens entamèrent un concert entraînant. Le pont se transforma alors en piste de danse alors que des tables finissaient d'être installés tout autour contre le bastingage. Là, les cuisiniers terminaient de les garnir de délices en tout genre, du plus grand gâteau au glaçage alléchant au panier de fruits exotiques en passant par cette imposante pièce de viande et de poisson qui se faisaient face, sans parler de cette fontaine de champagne un peu plus loin et sa jumelle de vin tout à côté.

     Emerveillée par ce spectacle, j'admirai les danseurs commencer à envahir la piste, virevoltant avec grâce. Tout le monde s'était bien apprêté pour l'occasion et il me semblait même que quelques membres de la première classe avaient habillés, coiffés et même maquillés certains autres de la troisième, les invitant ne serait-ce que pour un soir à partager leur richesse.

     Ma famille et moi n'avions pas fait exception. Et bien que nous n'ayons rien d'aussi spectaculaire que ces crinolines colorées ou ces vestes de brocard, nous trouvâmes tout de même de jolies tenues à revêtir.

     À peine de retour sur le pont, Marie-Morgane fondit sur moi pour m'entraîner dans la ronde qui s'était formé. Les musiciens tapaient du pied en rythme sur leur estrade et j'éclatais de rire, ravie. Même la célèbre chanteuse Isotta, qu'il ne me semblait plus avoir revu sur scène depuis son tout premier concert des semaines plus tôt, se présenta sur l'estrade, accompagnant cette joyeuse assemblée de sa voix enchanteresse. La noble chanteuse entama même les chants traditionnels et endiablés des marins, sa voix se joignant à celle de Murphy dans un concert entraînant. Ça n'était certes pas le genre de registre dont elle avait l'habitude, mais je voyais à son regard étincelant et au sourire qui illuminait son visage qu'elle se régalait de le découvrir.

De Vague et d'EcumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant