🌹Chapitre 16🌹

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Le silence pendant mes courses matinales ne m'a jamais dérangé. Pour la simple et bonne raison que j'étais toujours seule. Mais là, le silence ne me plaît pas du tout. Surtout quand je sais qu'il y a un psychopathe devant moi. Qui sait ce qu'il va me faire quand on sera loin de la maison.

Mais malgré ma peur naissante, je m'étonne à l'observer. Arthur écarte les branches d'arbres avec facilité. Tellement de facilité que ça ne m'étonnerait pas si j'apprenais qu'il fait quelques balades de ce côté de temps en temps. Quand nous arrivons à un arbre où le tronc semble avoir été griffé par un animal sauvage, Arthur vire. Il pose sa main sur la griffure de l'arbre pendant quelques secondes et s'en va.

C'était quoi ça? Il avait beau être de dos, je suis capable de reconnaître une personne nostalgique par ses gestes. La façon dont il a détourné son regard quand nous sommes arrivés à l'arbre. Comment il a touché cette marque étrange. Mais il n'y avait pas que de la nostalgie dans ses mouvements. Après avoir retiré sa main de l'arbre, ses poings s'étaient fermés. De la tristesse? La colère? Ou bien les deux?

Il a sûrement un souvenir relié à cet arbre. Et douloureux à ce que j'ai vu. Je ne dis toujours rien tout en le suivant par derrière. Quand je regarde l'homme devant moi après cette situation, j'ai une nouvelle vision de lui, bizarrement. Son t-shirt moulant me laisse entrevoir ses muscles qui se crispent. Ses larges épaules se meuvent au fur et à mesure qu'il avance. Il resserre et desserre ses poings sans arrêt.

— Tu sais qui a fait ses griffures sur l'arbre? Je demande en pointant l'arbre derrière moi avec mon pouce.

Mais il ne me répond pas et resserre ses poings. J'ai touché un point sensible on dirait.

— Hé, je te parle.

— C'est ma mère qui les a fait.

Soudainement, je me sens un peu mal. Je n'aurai peut-être pas dû poser cette question. Mais mon côté de psy me pousse à aller plus loin.

— Et où est-ce qu'elle est, maintenant?

— Morte.

Il a répondu aussi froidement que possible. C'est comme si il voulait étouffer ses sentiments. La mort de sa mère a sûrement dû être un choc pour lui. Après tout, elle s'est suicidée devant lui. C'est très étrange. Je ressens comme de la peine pour Arthur. Ça me donne presque envie de le prendre dans mes bras. Attention, j'ai bien dit presque.

— On y est. Souffle-t-il.

J'arrête avec mes réflexions de psy et regarde devant moi. Une route qui semble interminable s'étend devant nous. Est-ce que cette route mène en ville? Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions parce que je sens son regard brûlant sur moi. Arthur me regarde avec insistance. C'est dérangeant. 

— Qu'est-ce que tu veux? Je lui demande en le fusillant du regard.

— Après toi.

— Pourquoi?

Il ne répond pas. Et je suis sûre qu'il ne va pas m'expliquer. Je soupire et commence à courir, lui en arrière. Pourquoi il a décidé de se mettre derrière moi? Il veut me surveiller? Ou tenter quelque chose de louche? Peu importe, c'est très gênant de savoir que ses yeux se baladent sur mon corps.

Je n'en peux plus! Il va me rendre folle!

Je m'arrête et me retourne. Mais quand je m'arrête, Arthur aussi s'arrête brusquement. Nos corps sont si proches que je peux sentir son parfum. Sa respiration commence à s'accélérer après notre petit échauffement. Ses yeux sont complètement vide de tout éclat. Mais ses iris tremblent. Comme si il voulait éviter mon regard.

Mes yeux dérivent sans le faire exprès vers sa bouche. Il s'humecte les lèvres et je ravale ma salive. Mais mains sont moites tout à coup.

— On fait une course? Je propose soudainement.

— Tu veux me défier à la course?

— Ouais. Un deux trois go!

Et sans prévenir, je me retourne pour prendre les jambes à mon cou. Si je ne bougeait pas, je crois que je serais restée là à étudier les moindres parties de son visage. Pourquoi je l'ai regardé comme ça? Je n'en peux plus des questions sans réponses! J'accélère ma course en fermant les yeux à certains moments. Mais à chaque fois, son visage s'affiche devant moi. Comme si il était imprimé sur mes paupières.

Arthur me dépasse. Il tourne la tête vers moi et m'offre un demi-sourire avant de reprendre la route. Il m'énerve. J'accélère mais il reste le plus rapide. Je n'arrive pas à le rattraper. Au bout d'un certain temps, je sens mon cœur me faire mal. Dans ma poitrine, je peux l'entendre me dire:"Si tu n'arrête pas, c'est moi qui vais arrêter".

Je l'écoute et ralenti. C'est tellement frustrant de le voir continuer à courir. Si je le pouvais, je lui couperais les jambes. Au bout d'une dizaine de mètres, il s'arrête et s'appuie sur ses genoux. De là où je suis, je crois le voir sourire. Et non, ce n'est pas un de ses demi-sourires énervants. Un vrai sourire qui reste sur ses lèvres quand j'arrive à son niveau.

— Tu pensais quoi quand tu as fait ce faux départ? Demande-t-il, essoufflé.

— À te raboter de soixante centimètres.

— Ne sois pas jalouse de mes jambes. Allez, rentrons.

— Prenons un autre chemin. Ces branches ont failli me rendre borgne.

— Je dois aller au travail et je ne veux pas être en retard.

Ok. Monsieur fait toujours ce qu'il veut sans penser aux autres. Charmant comme attitude. Cette fois, je le suis par derrière. Nous marchons tranquillement jusqu'à atteindre les bois. En pénétrant dans cette étendue d'arbres, je me rappelle de la marque sur ce tronc.

— Dis-moi, pourquoi est-ce que ta mère a griffé cet arbre?

— Elle l'a fait pour que ça me serve de repère.

— Je vois. Alors, tu étais le genre d'enfant à te perdre facilement en forêt.

Silence. Encore. Il n'en a pas marre? Je suis quasiment sûre qu'il ne parle jamais à ses employés. Oui, peut-être un peu à Viviane. Mais ça reste une tombe! Il ne dit rien. Mais après tout, je le comprends un peu. Un traumatisme dans ce genre n'est pas facile à surmonter.

C'est sûrement difficile pour lui de se rappeler que sa mère s'est suicidée sous ses yeux. Et là, j'ai découvert une faille dans l'inébranlable Arthur Shepherd. Sa sensibilité par rapport à son passé. Si il y a bien une chose qui est très forte pour détruire le plus fort des hommes, ce sont ses souvenirs et ses traumatismes. Ça peut s'avérer être utile.

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant