🌹Chapitre 46🌹

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La douleur.

Le désespoir.

Voilà ce que je ressens à cet instant. Voilà ce qui encourage mes larmes à couler encore et encore. On dit souvent que la nuit porte conseil. Mais cette nuit, elle n'a fait que me rappeler que je n'étais rien. Rien du tout. Le monde est grand. L'univers est infini. Qui suis-je dans tout ça? Rien qu'un grain de poussière insignifiant. Un être sans valeur aux yeux de la personne que j'aime.

Je l'aime? Je l'aime encore? Après ce que j'ai entendu et vécu pendant des semaines, je persiste encore à l'aimer? Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi? Pourquoi je ne veux pas sortir de cette forêt de ronces? Je me laisse écorcher par elles sans rien dire, supportant de se faire blesser, juste parce que les roses qu'elles portent sont belles. Arthur est comme ces fleurs. On les veut, mais on doit avoir les ronces avec. Il me fait miroiter une histoire d'amour digne d'un conte de fées avant de me poignarder en plein cœur.

Pourquoi? Pourquoi est-ce que j'ai droit à tant de souffrance? Tout ce que je vis depuis le jour où je suis arrivée ici n'est que souffrance et douleur. J'ai été condamnée à l'instant où j'ai commencé à l'aimer. Je suis condamnée à rester à ses côtés, que je le veuille ou non, parce que je ne peux rien faire d'autre. Je n'ai pas le contrôle. J'ai tout lâché. Je ne suis plus qu'une fine particule qui flotte au gré de la tornade, emplissant ma tête de mes propres cris désespérés. Mais je suis fatiguée, donc je ne ne crie pas.

Je n'ai plus rien. Plus de larmes. Plus de patience. Plus de raison de vivre. Je me demande même si j'ai encore la capacité de marcher. J'essaie. Je me redresse du lit et pose mes pieds nus sur le plancher de ma chambre. C'est étrange, je ne frissonne pas à cause du froid. Alors, je sors de ma chambre et mes jambes me mènent automatiquement dans celle d'Arthur. Les rideaux sont tirés et il règne une atmosphère lugubre comme celui qui dort dans cette salle. Son cœur est aussi froid que cette chambre.

Les photos de ma sœur sont toujours placardées au mur et n'ont pas changé de place. Son portait grandeur nature est toujours là aussi. Comme reine de cette maison, elle est imposante. Il n'y a aucune photo ici, sauf celle-là. Aucune personne n'est encadrée et accrochée au mur à part elle. Aucun souvenir n'a de cadre à bordures dorées comme elle. Les peintures affreuses dans le couloir n'ont pas les mêmes soins qu'elle.

Elle. Elle. Toujours elle.

Qu'est-ce que tu as de plus que moi, Sasha? Qu'est-ce que tu as de si spécial pour qu'il me repousse? Qu'est-ce que tu as bien pu faire pour qu'Arthur soit à tes pieds? Mais le portait ne me répond pas, se contentant de garder la tête fièrement levée, habillée de la belle robe rouge. Rien que de la voir me donne un haut le cœur. Je déteste ce portrait. Je déteste la personne qui l'a fait accroché. Je commence aussi à détester ma sœur. Elle ne mérite pas d'avoir sa photo ici.

Prise d'un accès de colère, je regarde autour de moi, cherchant quelque chose d'assez solide. Près du lit, je retrouve la lampe de chevet. Je me rue vers cette dernière et la saisie pour ensuite la lancer de toutes mes forces vers le portait de Sasha. La lampe en céramique se brise avec le verre dans un bruit fracassant. Peu importe si il est tôt. Peu importe où est Arthur. Je n'en ai rien à faire si il entend ça ou même si il le voyait. Tout ce que je veux, c'est mettre cette pièce en feux. Je veux que tout brûle jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.

Le verre du portrait est brisé, mais le visage de Sasha reste toujours de marbre. Je ne peux plus le supporter. Je n'en peux plus. Je n'ai plus de larmes et mon corps en entier tremble. On peut trouver pire que la torture physique dans ce monde. Et c'est la torture psychologique. Elle entre de force dans votre tête et parasite tout. Au fur et à mesure qu'elle prend de l'ampleur, on a l'impression qu'un étau se resserre de plus en plus sur notre tête. On a le sentiment qu'on va devenir fou. Moi, je ne veux pas devenir folle.

Je sors alors de sa chambre et croise June dans les couloirs. Elle lâche presque son plateau quand elle me voit, les yeux rougis et les cheveux en bataille.

— Vous allez bien?

— Fais-moi couler un bain, s'il-te-plaît.

— Mais vous...

— S'il-te-plaît.

June ne dit plus rien et se dirige vers ma chambre. Quand à moi, je prend les escaliers pour monter. Je sais qu'ils mènent vers le toit, mais je n'y suis jamais allée. Pas à pas, je monte les marches une par une sans me retourner. Plus j'avance, plus il fait sombre. Plus mes jambes bougent, plus il fait froid. Bientôt, je ne ressens plus le bout de mes doigts, glissant sur la rembarde. C'est la même chose pour mes orteils qui rencontrent le plancher qui grince sous mes pas.

J'arrive finalement au bout des escaliers où une trappe fait office de porte. Quand je la pousse, elle emet un grincement affreux, me laissant voir le grenier poussiéreux. Dans ce dernier, la lumière passe à travers la porte-fenêtre aux vitres presque opaques à cause de la saleté. C'est tranquille ici. Il n'y pas un seul meuble et le vent filtre à travers les fentes du toit. Il siffle doucement, annonçant peut-être le début de l'automne. J'aimerais être aussi tranquille que ce vent. Mais c'est sûr, je ne le serais jamais.

Je me rapproche donc de cette porte-fenêtre et baisse la poignée de porte. Quand elle s'ouvre, le vent s'engouffre dans cette salle, faisant monter des nuages de poussière et secouant mes cheveux. Le frisson qu'il me provoque est si agréable. J'aimerais que ça ne se termine jamais. Serait-ce possible de ne sentir qu'un vent doux jusqu'à la fin de mes jours? Je regarde le petit balcon devant moi et m'y avance. Encore un peu. Encore un tout petit peu. Quelques pas de plus et je pourrais avoir une brise de fraîcheur avant de mourir.

Je suis à bout. J'ai besoin de me libérer. C'est une nécessité. Cette souffrance, je ne la supporte plus. J'en ai assez qu'elle ait tant d'emprise sur moi. Cette fois, elle ne pourra plus rien me faire. Je m'assieds sur la rembarde et fait monter mon pied, suivi de l'autre. Puis, je me met debout. Le vent frais de ce matin me pousse légèrement et mes mèches brunes caressent mon visage, m'encourageant à y aller. J'ai l'impression que le vent me siffle des choses à l'oreille. Il me donne un conseil. Il me pousse vers ma destinée.

Vas-y. Tu n'as plus qu'une seule chose à faire: sauter.

Ce murmure est si enchantant. En fermant les yeux, je peux entendre les feuilles se frotter les unes contre les autres, dansant au gré de la brise. Le vent semble ressentir mon hésitation car il se fait plus fort et frappe mon dos. Je suis si pathétique. Même pour mettre fin à mes jours, j'ai besoin du vent. Je suis incapable de le faire moi-même comme je suis incapable de me défaire des chaînes qui me retiennent à Arthur.

Je t'en prie, le vent, pousse-moi. Pourrais-tu avoir ce courage que je n'ai pas? S'il-te-plaît. Renverse-moi que je puisse te sentir m'enlacer et me rassurer avant que la mort ne le fasse. Montre-moi la douceur que j'ai tant recherché et que je n'ai trouvé nulle part.

Je ne savais pas que le vent était aussi puissant. Je me sens poussée en avant, mes pieds vacillant sur la surface de béton.

J'ai peur... mais je ne peux plus vivre. La vie a bien été trop cruelle envers moi. La mort serait-elle plus chaleureuse?

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Salut!

Avez-vous déjà essayé de sauter du haut de quelque chose parce que votre vie vous semblait insupportable? Moi, oui. Du haut d'une fenêtre. Et en-dessous, il y avait la clôture du voisin rempli de barbelés. Je portais une robe blanche ce jour-là.

Ça aurait été vraiment beau le tableau si j'avais sauté 😁🤔! Imaginez: une robe blanche maculée de sang, portée par une jeune fille aux cheveux longs et lisses.

Mais bon, j'étais conne et je savais rien de la vie! C'est vrai qu'à 16 ans, la vie c'est de la merrrrrcredi 😂. Alors, qui a déjà essayé?

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant