🌹Chapitre 23🌹

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Vous trouvez ça normal de flâner chez son ravisseur, sans ressentir le moindre danger? Moi, non. Enfin, une partie de moi dit non. Alors que l'autre... L'autre se conforme à l'environnement qui m'entoure. C'était comme si elle voulait que je me familiarise avec les lieux. Et cette partie de moi semble gagner la partie.

Ça fait depuis un moment que j'ai arrêté de compter les jours. Je ne sais plus si ça fait une semaine ou deux que je suis enfermée ici. Mon esprit est bien trop occupé à résoudre les mystères entourant Arthur. C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai envie de rester. Je veux mettre un terme à toutes ses cachotteries. Après tout, c'était mon but initial. Mais maintenant... Je ne sais pas comment l'expliquer. Je ne sais pas quels adjectifs donner à ma situation.

Si mon professeur de philosophie avait été là, il m'aurait sorti cette fameuse citation d'Albert Einstein. Vous savez, celle qui dit:"Si tu ne peux pas l'expliquer simplement, c'est que tu ne le comprends pas assez bien"? Eh bien, c'est justement le problème. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien de ce qui se passe. C'est pour ça que je suis incapable de donner une explication logique à mes agissements.

June et les autres employés de maison me font déjà confiance. Arthur m'est redevable. Qu'est-ce que j'attends pour fuir? Je peux très bien esquiver les agents de sécurité et m'en aller. Mais je ne le fais pas. Pourquoi? Je ne sais pas. Tout ça va finir par me rendre folle! Toujours plus de questions et jamais une seule réponse! Maintenant je me pose des questions sur moi-même. C'est sensé être facile parce que je me connais. Je sais qui je suis, ce que je veux et ce que je dois faire. Mais...

— Bel ouvrage, n'est-ce pas?

Je sursaute légèrement en entendant la voix d'Arthur. En parlant de lui, je ne l'ai croisé que très rarement après l'épisode du baiser. Je me suis même demandé si il ne m'avait pas oublié. Nous ne sommes plus allés courir après la dernière fois. Mes journées se résumaient à me promener dans tout le domaine, lire et penser à lui. Surtout penser à lui. Est-ce qu'il allait bien? Que pouvait-il bien ressentir après s'être rappelé d'un moment aussi traumatisant? Est-ce qu'il se laisse aller des fois? Est-ce qu'il pleure dans les bras de quelqu'un quand il faisait ses crises? Étrangement, imaginer cela me mettait mal à l'aise.

Voyant que j'étais encore prise par mes pensées, il s'assit en face de moi, sur le même fauteuil que la dernière fois. Quand je relève les yeux, ce n'est pas lui que je vois. Enfin, ce n'est pas le Arthur de ma remise de diplôme que j'ai en face de moi. C'est quelqu'un d'autre, mais en même temps, toujours le même. Je l'ai vu fragile et désemparé. Mais il reste un psychopathe au fond.

— J'aime beaucoup les œuvres d'Évangelisti.

À son commentaire, je referme le livre que je tiens et regarde le titre. Cherudek, écrit par Évangelisti. Ce livre est un sacré casse-tête. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce que l'auteur raconte. Une armée de mort vivants, des êtres surnaturels, des univers parallèles qui se croisent, j'en perds la tête. Tout se mélange encore plus quand je retrouve le même personnage dans deux endroits différents, deux univers différents au même moment.

— Personnellement, je n'ai rien compris. Je réponds. Tout ce que je sais, c'est qu'un groupe de prêtre tente de mettre la main sur quelque chose. En fait, non ce n'est pas ça. Il y a Eymerich qui chasse les pratiquants de magie et... Non, ce n'est toujours pas ça.

Ça suffit à la fin! Ma tête ne va pas le supporter encore longtemps! Ce livre est aussi atroce que Les temps de l'amour. C'est impossible à comprendre. Voyant que je m'emmêle les pinceaux, Arthur lâche un rire. Et pour la première fois, je ne ressens pas l'envie de lui crever les yeux. C'est bon signe, non? Un bon psy ne doit pas vouloir la mort de ses patients.

— Tu l'as déjà lu? Je demande.

— Oui.

— Tu me racontes la fin?

— Ce serait un peu trop long à raconter. Vue que tu ne comprends pas encore ce qui se passe réellement, tu ne vas pas comprendre la fin.

— Pourquoi ça?

— Il y a beaucoup de nouveaux personnages qui apparaissent dans les prochains chapitres.

Je souffle en entendant sa réponse. Déjà que je ne peux pas m'accomoder avec les personnages que je connais, d'autres personnages n'arrangeront pas mes soucis. Il vaut mieux laisser tomber ce livre comme j'ai laissé tomber celui de McCullough. Je dépose l'ouvrage sur la table et rencontre par accident les yeux d'Arthur. Gênée, je détourne le mien, tout en essayant de rester naturelle.

— Quel genre de livre tu préfères? Il demande.

Et étrangement, je lui réponds comme si on faisait connaissance et comme si il ne m'avait pas enlevée.

— Je suis plutôt histoires d'amour qui se terminent bien.

— Une grande romantique, hein?

— Un peu, oui.

— Tu lis Jennifer Rush?

— Non, pas vraiment. Je n'ai lu qu'une seule de ses œuvres. Si je m'en rappelle bien, c'était Amnesia.

Puis, il se lève et disparait entre les étagères. Qu'est-ce qu'il va faire? Je ne bouge pas et l'attend. Comme une imbécile. Non, plutôt comme une adolescente. Mais contrairement aux jeunes filles, je ne ressens rien pour lui. Entre Arthur et moi, c'est une relation patient-psy. Rien de plus. Oui, c'est ça. Lui, c'est mon patient qui a besoin d'aide et moi, je suis son médecin.

Pourquoi je pense à ça? Pourquoi j'ai l'impression que j'essaie de me convaincre moi-même? Et de quoi j'essaie de me convaincre? Les jours passés dans cette maison m'ont sûrement rendus folle. Je ne pense plus comme il faut. C'est une raison de plus pour déguerpir. Plus tard, Arthur revient avec un livre en main. Il se rasseoit et me tend le bouquin.
Je le prend et examine la couverture.

Un homme assez jeune est dessiné dessus. Il est torse nu. Et en arrière plan, une jeune femme aubrun. En bas de la couverture est écrite en majuscules le titre. Memento. De Jennifer Rush.

— Euh... Merci.

C'est tout ce que je peux répondre.

— C'est la suite d'Amnesia. Répond-il.

La suite d'Amnesia? Je savais que cette histoire avait une suite. Je ne pouvais tout simplement pas accepter que Amnesia se termine comme ça s'est terminé. Finalement, j'ai entre les mains la suite d'un très bel ouvrage. Et il l'avait avec lui.

— Je te souhaite une bonne lecture.

C'est la dernière chose qu'il me dit avant de s'en aller. Pour le travail, je suppose. C'est avec entrain que j'ouvre le livre et dévore chapitre après chapitre.

Dans Amnesia, on a effacé la mémoire des protagonistes pour les transformer en OGM et en faire des super-soldats. Quand ils arrivèrent à s'enfuir du laboratoire où ils étaient retenus, l'agence qui voulait les modifier les ont traqués. Donc, ils ont dû fuir, tout en essayant de recoller les morceaux de souvenirs qu'ils avaient de leur vie passée. J'ai aimé ce livre. Et maintenant que j'ai la suite sous les yeux, je ne compte pas m'arrêter avant d'avoir fini.

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant