🌹Chapitre 19🌹

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Le jeune homme freina brusquement quand il vit Ruby descendre cette pente raide en faisant des roulades. Le sol l'aimait beaucoup. Elle ne pourrait pas aller bien loin sur ses deux petites jambes. Arthur quitta sa voiture pour aller la rejoindre en courant. Mais quand il vit qu'elle se dirigeait tout droit vers une falaise, il s'arrêta. L'élan qu'avait pris le corps en tombant le propulsa vers le lac.

Le lac.

Rien qu'à la vue de cet endroit, les poings d'Arthur se serrèrent. Ce lac n'était pas un facteur de beaux souvenirs pour lui. Un plouf se fit entendre et des flashs passèrent devant ses yeux.

Maman?

Adieu mon chéri.

Maman!

Plouf.

Maman!!

Il l'appela encore et encore, mais elle ne répondait pas. Elle ne remonta jamais à la surface. Les larmes coulaient sans jamais s'arrêter sur le visage de l'enfant. Sa mère l'avait quitté.

Arthur chassa ses mauvais souvenirs et se rua vers le lac. Il prit un chemin moins dangereux pour s'y rendre. En arrivant au bord de l'eau mouvante, ses mains tremblèrent. Les cercles que formait le lac étaient les mêmes qu'il y a des années.

Maman!! Cria le petit garçon, en larmes.

Les poings serrés, il baissa le regard pour voir son reflet dans l'eau. Mais il ne se vit pas. Il ne vit pas sur la surface de l'eau l'homme qu'il était devenu. Non. Il y vit le petit garçon. Ce faible petit garçon qui n'a rien pu faire pour sauver sa mère. Arthur serra les dents.

Si seulement il avait plongé pour la sauver. Si seulement il l'avait retenu. Ou mieux encore. Si seulement il était mort avec elle. Le garçonnet avait espéré voir sa mère émerger de l'eau. Mais elle ne vint jamais. Arthur espéra voir Ruby sortir du lac, mais elle ne remonta pas non plus.

Ses tremblements s'intensifièrent. Il n'avait pas pu sauver sa mère. Il ne referait pas la même erreur. Sans se déshabiller, il plongea dans le lac. Si il y avait bien un sport qu'Arthur haïssait, c'était la natation. Il avait été obligé d'apprendre au lycée, mais après, il ne mit plus un pied dans une piscine.

Ses muscles se crispèrent à la sensation de l'eau qui tentait de le ballotter. Son corps tenta de se figer, mais il lutta. Il fallait qu'il sauve Ruby. Il fallait qu'il fasse ce qu'il n'a pas pu faire pour sa mère. L'eau continuait le remuer, ce qui fit venir un autre souvenir. C'était la même sensation que ressentait le petit garçon. Il était seul dans cette barque, secoué par les vagues.

Arthur força son esprit à arrêter d'y penser. Ce n'était pas ça qui allait sauver Ruby. Un peu plus loin devant lui, il vit un corps. Il aurait préféré que ça soit celui de sa mère pour qu'il puisse la sauver. Mais sa mère avait de longs cheveux blonds, alors que Ruby avait les cheveux noirs. Ces derniers formaient un halo sombre autour de son visage.

Aussitôt, il arriva à son niveau et passa un bras derrière son dos pour la remonter. Elle n'était pas particulièrement lourde, mais ses bras menaçaient de la lâcher. Arthur fit encore un dernier effort avant de sortir de l'eau, une demoiselle inconsciente dans les bras.

Il mit son dos contre le sol et dégagea quelques mèches de son visage. En regardant sa main, il vit qu'elle n'arrêtait pas de trembler. Et ce n'était pas à cause du froid. Arthur se jura de ne plus jamais replonger dans un lac, demoiselle en détresse ou pas. Il serra et desserra le poing pour faire disparaître les tremblements, mais rien à faire. Son esprit avait trop d'emprise sur lui.

Sans perdre plus de temps, il pressa le ventre de Ruby, qui recracha toute l'eau qu'elle avait ingurgité. La jeune femme ouvrit les yeux et c'est un visage aux contours flous qu'elle vit. Elle pouvait l'entendre haleter, mais ne vit rien d'autre. Le précédent coup qu'elle avait reçu sur la tête la fit perdre connaissance encore une fois.

Le jeune homme souffla de soulagement. Elle était bien vivante. Mais ça n'allait pas faire disparaitre ses traumatismes du jour au lendemain. Après cette petite baignade, tous les mauvais souvenirs du passés revinrent le hanter. Le silence avait beau régner dans la forêt, Arthur entendait en boucle une petite voix qui réclamait sa mère.

Les ploufs ne cessaient de raisonner dans son esprit. La voix de sa mère n'arrêtait pas de lui dire adieu. Encore et encore, il se souvenait des larmes versées ce jour-là. Ne pouvant plus le supporter, Arthur ferma le poing contre la poussière. Ses jointures étaient blanches. Le regard perdu vers un point quelconque, il tentait de contrôler ses souvenirs. Mais rien à faire. Il était au bord de la crise.

Usant des dernières forces qu'il avait, il se leva et porta Ruby dans ses bras. La tête de la jeune femme se colla contre son torse, laissant des traces des sang sur sa chemise. Il fallait aussi avouer qu'elle n'avait pas reçu un gentil coup. Arthur tituba jusqu'à sa voiture et posa délicatement le corps sur la banquette arrière, puis il se mit au volant. Par il ne savait quel miracle, il réussit à conduire jusqu'à chez lui.

En arrivant, quelques employés étaient en train de remonter les grilles que Ruby avait détruit. Arthur se gara devant la maison et sortit de la voiture. C'est tout tremblant qu'il referma la portière. Il s'accrocha à la voiture, respirant fort pour se calmer.

— Monsieur, vous allez bien? Demanda l'un de ses employés.

— Viviane.

—Comment?

— Appelle Viviane.

Aussitôt dit aussitôt fait. L'employé couru prévenir la gouvernante. Quand cette dernière arriva dehors, elle lâcha un cri en voyant l'état de son petit protégé. Le pauvre homme était pâle comme un un linge, trempé et tremblant. La dernière fois qu'il s'était accroché à la première chose qu'il voyait, c'était quand il était adolescent.

Il avait vu une petite fille se noyer à la piscine. L'enfant appela sa mère, qui ne vint que quelques minutes plus tard. Ce jour-là, Arthur n'a pas pu se séparer de la chaise, tellement il était pétrifié. Viviane avait eut du mal avec lui.

— Arthur! Que s'est-il passé?

Mais il avait les mains collées au capot de sa voiture. Tout son corps tremblait, comme si il était pris de faibles convulsions. Viviane s'approcha et lui caressa le visage, inquiète.

— Tout va bien?

— Elle est dans la voiture.

— Qui ça? Ah oui! Roger, vite!

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant