🌹Chapitre 17🌹

27 1 0
                                    

Après mon jogging de ce matin, je décide de prendre une douche et d'aller à la bibliothèque, en espérant trouver de bons ouvrages. J'espère ne plus jamais revoir la couverture immonde de ce livre. Ni entendre parler de son auteur.

Cette fois, j'essaie d'élargir mon champ de recherche sur d'autres étagères. Finalement, je tombe sur un recueil de poèmes. Une autre chose que j'ai toujours aimé, la poésie. Je prends place sur la même chaise que la veille et commence à lire. Au bout d'un moment, je retrouve l'un de mes poèmes favoris.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'Aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis:"Nulle part le bonheur ne m'attend'"

Que me font ces valons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé!

Alphonse De Lamartine

C'est un peu triste comme poème. Et je ne sais pas pourquoi, mais j'aime beaucoup. Mon entourage m'a toujours dit que j'étais une fille différente des autres. Toujours à aimer tout ce qui sort du lot. Tandis que les autres adolescentes chantaient les chansons d'amour de Justin Bieber, moi, j'étais là avec mes poèmes tristes. Mais ça n'a jamais fait de moi une paria.

Et en y pensant, je trouve ça étrange. Bizarrement, je ne me sens pas du tout captive ou emprisonnée contre mon gré. Je me sens... Je ne sais même pas comment décrire ce que je ressens. C'est comme si mon esprit se résignait à se familiariser avec les lieux. Mon corps n'est pas en alerte aux moindres bruits dans cette maison. C'était comme si tout ce qui m'arrivait était normal. Tellement normal que ça en devient effrayant.

Qu'est-ce qui m'arrive? Est-ce qu'il aurait encore mit de la drogue dans ma nourriture pour que je me sente comme ça? Il est vrai que je suis une personne avec des goûts étranges, mais au point d'accepter sans problème de rester enfermée ici, ce n'est vraiment pas normal. Ou peut-être est-ce l'envie d'en savoir plus sur Arthur? Après tout, il me doit encore des explications. Et l'histoire de sa mère m'a beaucoup intrigué. J'aimerai en savoir plus.

Je soupire en déposant le livre sur la table. Et en l'observant attentivement, je remarque qu'elle est brisée. Non, ce n'est pas une table en verre, mais en bois. Tiens, ça c'est nouveau. Ce meuble a, certes, l'air vieux, mais pas à ce point. Les termites auraient-ils fait cela? Je ne pense pas. Cette marque a l'air d'avoir été faite par un humain.

Je me lève de mon fauteuil et pousse légèrement le livre pour examiner la brèche sur le bois. Maintenant que je la vois de plus près, c'est sûr que les termites n'y sont pour rien. Ce truc est apparu après une chute, je pense. Que s'est-il passé?

Il y a tellement de choses que j'aimerais connaître dans cette maison. À commencer par l'aile Ouest. Pourquoi je n'ai pas le droit d'y aller? Qu'est-ce qu'il y a là-bas? Toutes ces questions vont finir par me tuer. 

— Que faites-vous?

Je me redresse vite en entendant la voix de Viviane. Quand est-ce qu'elle est entrée, cette vielle peau? Madame la gouvernante a toujours cet air sévère sur le visage. C'est sûr qu'avant de travailler ici, elle n'était pas institutrice.

— En quoi ça vous regarde?

-Sachez mademoiselle, que je suis la gouvernante des lieux. Tout ce qui sa passe ici doit être contrôlé par moi.

— Allez contrôler là où je ne suis pas.

Elle prend un air offusqué. Qu'elle commence à s'y habituer parce que je ne vais pas être tendre avec elle.

— Cessez vos commentaires désobligeants et répondez.

Je soupire d'agacement.

—-J'étais en train d'enseigner l'alphabet aux termites. Que pourrait-on faire d'autre dans une bibliothèque?

Viviane fronce les sourcils et me lance un regard méprisant. À mon plus grand bonheur, elle tourne les talons sans manquer de m'insulter.

— Vous n'êtes qu'une femme sans éducation et sans aucune class. Je me demande bien pourquoi Arthur s'est encombré d'une telle abomination.

Sympa la vieille. C'est exactement de cette manière que l'on doit traiter les invités. Vraiment, je la félicite. Viviane quitte la bibliothèque et me laisse seule. Je n'ai plus envie de lire. Cette bonne femme a contaminé l'air dans la salle. Ça m'a ôté toute envie de me remettre à la lecture.

Que pourrais-je faire d'autre? J'ai passé la matinée ici et de voir que les prochains jours de ma vie vont se résumer à ça me donne envie de mettre cette maison en feu. Il faut vraiment que je découvre les motivations de ce psychopathe. Il n'ira jamais me le dire de son plein gré. Comme on dit: on est jamais mieux servi que par soi-même.

Je sors de la bibliothèque — au plus grand bonheur de mes pauvres jambes engourdies — et me dirige vers les escaliers. À cette heure, tous les employés sont sûrement en train de préparer le déjeuner ou de prendre une pause. C'est ma chance, en espérant ne pas tomber sur cette vipère de Viviane.

Comme je l'avais pensé, il n'y a personne dans les couloirs. Les seules bruits que j'entends sont ceux de mes baskets contre le plancher parfaitement ciré. On m'a interdit d'aller dans l'aile Ouest? Soit, je ne vais pas obéir à cette restriction. Si il a des secrets à cacher, je vais les découvrir.

Le seul problème, c'est que je ne sais pas où commencer. Il y a tellement d'étages dans ce manoir. Et je dois avouer que ça me fait un peu peur. Tout est plongé dans une atmosphère sombre et lugubre. Partout où je passe, il y a toujours un tableau effrayant. C'est trop calme. Je commence même à regretter.

Au bout d'un couloir, j'aperçois une porte. Qu'est-ce qu'il pourrait bien y avoir derrière? Pour le savoir, je dois l'ouvrir. Un pas après l'autre, je me dirige vers cette porte. Mon cœur n'arrête pas de battre encore un peu plus fort à chaque nouveau pas. Je ne sais pas ce qui m'attend après ça. Peut-être que je découvrais quelque chose que je ne devrais pas découvrir, mais peu importe. Je pose une main sur la poignée et la pousse. Un grincement épouvantable se fait entendre.

J'ai envie de vomir. Arthur est fou. Complètement fou. C'est un malade. J'ouvre grand les yeux devant ce spectacle sordide qui s'offre à moi. Je suis dégoutée. Des photos de ma sœur sont placardées partout dans cette chambre. Il y en a de toutes les tailles. Pas une seule parcelle de mur n'est épargnée.

Je vois le visage de Sasha partout où mon regard ose se poser. Il y en a tellement que j'en ai le tournis. Sur l'une d'elles, Sasha est représentée à moitié nue. Elle venait de sortir de la douche et s'apprêtait à s'habiller. Mon Dieu. C'est absolument affreux. Comment peut-on être obsédé par quelqu'un à ce point?

Je sens que ma respiration s'accélère. Devant moi se trouve un portait grandeur nature de Sasha. Elle porte une robe de soirée rouge vif et ses longs cheveux ondulent sur ses épaules laiteuses (en média. La robe, pas la personne). Ses lèvres sont aussi rouges que le sang. Je ne me sens pas bien du tout.

Pour l'amour du ciel, qu'est-ce qui se passe?!

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant