🌹 Chapitre 53🌹

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Je retrouve enfin ce que j'ai laissé. Tout ce que j'aimais, je le retrouve. June m'a littéralement sauté au cou quand elle m'a vu. Les autres employés étaient tout aussi heureux qu'elle. Même celle vieille sénile de Viviane m'a souri. Je suis contente. Ce matin, après avoir parlé à Arthur, il est parti au travail à contre-cœur. Il ne voulait plus lâcher ma main. Encore un peu et il m'emmenait à son bureau. Mais je l'ai laissé partir, sentant son envie de rentrer au plus vite. Et je sais qu'il rentrera vite.

C'est agréable de sentir cette émotion. Ça fait du bien de savoir que quelqu'un rentre à la maison, rien que parce que vous êtes là. Et que cette personne, c'est votre homme. Celui qui partage votre vie. Bon, Arthur ne partage pas encore ma vie. Mais bientôt, ce sera le cas. Et j'ai la vague impression que ce bientôt ne va pas tarder. J'ai tellement hâte d'avoir ma fin de conte de fées! Ce sera comme dans les histoires dans les telenovelas. À la fin, Arthur et moi auront un beau mariage et tout le tralala qui va avec. Comme quoi, un amour puissant est celui qui a traversé vents et marées.

Notre amour a traversé bien plus que des vents et des marées. Notre amour a été victime d'une folie meurtrière. Une frénésie si intense qu'il était à deux doigts de ne plus se relever. Il a été malmené par tout ce qui se passe. Mais heureusement, tout se termine bien. Arthur a finalement ouvert les yeux, je le sais. Il a finalement compris que je suis toujours à ses côtés, malgré toutes ses imperfections. Parce que c'est tout ce qui compte, non? Si une personne ne nous aime pour ce qu'on est, à quoi ça sert de l'aimer? Il faut aimer cette personne comme elle est. Il faut accepter qu'elle a des défauts. Arthur en a, et beaucoup.

Mais c'est ce qui fait qu'il est lui et pas quelqu'un d'autre. Je l'aime pour tout ce qu'il est, et aussi pour tout ce qu'il n'est pas. Malgré le fait que tout – littéralement tout – ce qu'il est est assez sombre. Bon, ce serait me mentir à moi-même si je dis que je veux pas qu'il change un peu. Mais je n'y peux rien! C'est à lui qu'appartient la décision de changer. Moi, je ne peux que l'aider. Et je ne cesserai de le faire, même si je dois y laisser ma vie. Ou ce qu'il reste d'humain en moi. Pour ce deuxième choix, je crois que l'ai déjà perdu.

À partir ce cette nuit-là, je n'ai plus été la même. Ça a été un changement radical qui a tout chamboulé en moi. Et je n'ai pas été simplement secouée, mais complètement transformée. C'était comme si quelqu'un d'autre avait pris possession de mon corps pour accomplir cette sale besogne qu'était de tuer le docteur Morgan. Mais en même temps, j'avais la sensation que cette autre personne c'était... moi. Moi et personne d'autre. Moi mais différente. C'est toujours moi, mais... je n'ai pas les mots exacts pour le décrire. Cette bête qui s'est réveillée m'a fait arriver à un tournant décisif de ma vie. Elle m'a fait faire des choses que jamais je n'aurais fait en temps normal. Elle m'a fait dériver dans les mêmes ténèbres qu'Arthur.

Et puis, ce n'est pas si mal finalement. Quand on est dans la mouise jusqu'au cou, il vaut mieux être deux qu'être seul. Et si j'étais restée la petite diplômée prête à aider les fous, lui et moi, ça n'aurait jamais été possible. Il fallait que chacun d'entre nous fasse un pas vers le monde de l'autre. Et nous l'avons fait. Lui, surtout. Il a commencé à agir plus gentiment avec moi. Mais moi, je n'ai pas fait un ni deux pas. J'ai carrément plongé dans son monde. Et en ressortir est encore une question existentielle pour moi.

— Ruby?

Mes réflexions sont coupées par June qui me sourit.

— Le gâteau est prêt. On peut faire le glaçage, maintenant.

— Oui, le glaçage.

Un peu plus tard, après mon arrivée, j'ai élu domicile dans la cuisine pour préparer un dîner pour Arthur et moi. J'ai passé un temps fou à chercher des recettes qui seraient parfaites pour l'occasion. Car oui, on doit fêter mon retour et la suppression des indésirables dans ce monde. Ma domestique attitrée m'a aidé depuis le début des préparatifs et de temps à autre, elle me donne quelques tuyaux pour parfaire mon dîner. Pendant que j'étais occupée en cuisine, elle mettait la table. Puis, nous nous sommes affairés à faire un gâteau pas très grand. Ce dernier étant fini, June le sort du four et je me met à étaler le glaçage au chocolat. Il ne reste plus qu'à allumer une petite bougie et on aura fini. Quand Arthur rentrera, je lui ferai la surprise.

Et le soir venu, tout est prêt pour accueillir le maître des lieux. Sauf moi. Avec tout ce que j'ai eu à faire aujourd'hui, je n'ai pas eu le temps de me doucher, ni de choisir une belle tenue. Mais je pense que ce ne sera pas grave. Que je sois bien habillée ou non, Arthur sera content de me voir. Après tout, c'est un peu de sa faute que j'étais à deux doigts de sauter du haut d'un balcon. Et je pense qu'il l'a très bien compris. Me vouloir en tenue de soirée sera le cadet de ses soucis. J'admire une dernière fois mon travail et j'entends la porte du manoir s'ouvrir. Bientôt, ses pas se font entendre et il entre dans la salle à manger.

— Surprise!

D'abord, il se fige. Puis, il me regarde de la tête aux pieds. Ensuite, il regarde la table parfaitement dressée. Il est sérieux? Je suis sur le point de lui lancer une fourchette à la figure quand il relève la tête pour me sourire. Tendrement. Ses yeux ne se décrochent plus des miens. Et je voudrais conserver cette vision de lui à tout jamais dans ma mémoire. C'est tellement différent de ce qu'il était au début. C'est... mieux que ce qu'il était au début. Aucune vision ne pourrait me rendre plus heureuse.

— C'est toi qui a fait tout ça? Il demande.

— Oui, ça te plaît?

— On a des employés pour ça, tu sais?

— Je sais. Mais j'ai voulu faire quelque chose de spécial. Pour toi.

Son sourire s'élargit et il enlève sa veste pour l'accrocher à sa chaise. Ses bras viennent vite entourer ma taille et je me retrouve contre lui, contre son cœur. J'ai l'impression que nous sommes un couple – ce qui ne va pas tarder à arriver. Arthur soupire doucement et me remercie d'un simple petit mot.

— Merci.

— On a du gâteau.

— Pourquoi? Demande-t-il en lâchant un rire.

— Un évènement spécial ne serait pas spécial sans gâteau. Il y a même une bougie.

— Tu n'exagère pas trop?

— Non. On doit fêter mon retour et la mort de ces troubles fête.

Dit comme ça, c'est vraiment morbide. J'ai l'impression d'être une Addams. Fêter la mort que quelqu'un. Brrr. Qui aurait cru que je ferai ça un jour? Mais ça ne semble pas déranger Arthur plus que ça.

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant