🌹Chapitre 14🌹

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Pour tenter d'oublier l'horreur que June m'a raconté, j'ai finalement atteint la bibliothèque et je cherche un bon ouvrage à dévorer. J'ai toujours aimé lire. Et c'est de cette passion que je suis devenue psychologue. Être dans la peau d'un personnage de fiction était plaisant. Mais comment ce serait d'être dans la peau d'une vraie personne? Pendant mes études, j'ai appris à analyser les gens. Et après mes quelques stages, je dois avouer que j'aime bien rentrer dans la tête de mes patients.

Dit comme ça, ça a l'air sordide. Vraiment très sordide.

Mes réflexions me ramènent à ma précédente discussion avec June. Il faut que j'arrête de penser à ça sinon je vais en faire des cauchemars pendant longtemps. Je sillonne les étagères de cette immense salle à la recherche de quelque chose de bien.

Sherlock Holmes? Déjà lu plus d'une fois. À force, ça ne m'intrigue plus. Harry Potter? Lu et relu un milliard de fois. Je le relirai bien, mais je n'ai pas le premier livre sous les yeux. Il n'y a que La Coupe De Feu. Et en passant, la coupe de cheveux de Daniel Radcliffe était vraiment moche à cette époque. Mais peu importe, je ne lis jamais une série de livre en commençant par le quatrième tome!

Et pourquoi pas Roméo et Juliette? Non plus. Cette histoire mêle niaiseries à stupidité. Ma recherche d'un bon livre s'avère plus difficile que prévue. Je fais glisser mes doigts sur les innombrables bouquins tout en lisant le titre. La couleur de la couverture de l'un d'eux m'attire beaucoup. Mais pas le titre malheureusement. Le Cimetière Des Bateaux Sans Noms, écrit pas Arturo-Perez Reverte. Ça ne me donne même pas envie de lire la description de l'histoire.

Une centaine de livre défile devant moi, mais aucun ne me plaît. Remède Mortel (Harlan Coben), Murder Party (Agnès Laroche), Les Misérables (Victor Hugo). Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que cette bibliothèque veut me faire peur? Il vaut mieux changer d'étagère.

Finalement, j'en trouve un qui — je pense — est assez à mon goût. Les Temps De L'amour, écrit par Colleen McCullough. Je prends place sur un fauteuil et commence ma lecture, en espérant ne pas tomber sur des meurtres. Tout commence bien.

Mais au bout d'un moment, l'histoire commence à m'énerver. La jeune fille se doit d'épouser un homme dix fois plus vieux qu'elle. Et quand je dis jeune fille, c'est que c'est une gosse de seize ans! Son mari la trompe et c'est sans crainte ni honte qu'il le lui dit. Il ne la trompe même pas avec une dame de la haute société, mais avec une prostituée-mère-célibataire!

La jeune fille tombe finalement amoureuse de lui et lui donne un enfant, mais il va toujours se réfugier dans les draps de l'autre femme. Plusieurs années plus tard, elle tombe amoureuse du fils de la prostituée, et son mari est jaloux. Mais par pure fierté, il ne quitte pas sa maîtresse.

Je referme le livre d'un coup sec et regarde par la fenêtre. Dehors, le soleil décline et le ciel adopte des nuances orangées et rosées. C'est beau. Pas comme ce livre. Je n'ai pas envie de connaître la fin. À un moment, j'ai même cru que la jeune fille et son mari étaient cousins et qu'ils faisaient de l'inceste! C'est... Je vais brûler ce livre et maudire Colleen McCullough.

— Bel ouvrage, n'est-ce pas?

Quel est le problème des gens à me faire sursauter aujourd'hui? Je me retourne vivement vers Arthur qui vient de couper mes plans pour cet auteur. Il s'assoit sur le fauteuil en face de moi.

— Bel ouvrage? Nous n'avons pas la même définition de bel ouvrage. Je réponds en déposant le livre sur la table entre nous.

— Et pourquoi ça?

— Cet homme traite sa femme comme une machine à faire des gosses, et rien de plus.

— Ruby, il a ses raisons. Argumente-il calmement.

— Des raisons valables, selon toi?

— Plus que valable.

Je lâche un rire choqué. Non mais dites-moi que je rêve.

— Est-ce que tu es en train de prendre son parti?

— Bien sûr.

Ok, il est bien fou. Où est-ce qu'il y a un téléphone que je puisse appeler les services psychiatriques? En voyant mon expression faciale, il ne tarde pas à développer son idée.

— Mets-toi à sa place. Si ton mari ne te satisfaisait pas au lit, tu n'irais pas voir ailleurs?

Alors, c'est ça sa référence? Dans un des chapitres, la jeune fille discute avec son mari. Il se plaint de leurs ébats parce qu'elle ne semble pas ressentir du plaisir et ne lui fait pas plaisir. Ce n'est clairement pas une raison valable pour la tromper!

— Mais c'est complètement ridicule! Cet homme cherche à tout avoir sur un plateau d'argent! Si il veut qu'elle prenne plaisir à coucher lui, il faut qu'il y mettes du sien. C'est ça le fait d'être romantique. Et pour répondre à ta question, non je n'irai pas chercher ailleurs si je n'étais pas satisfaite de mon mari au lit.

— Ça se voit que tu es une femme.

— Et ça se voit que tu es un monstre.

— Un monstre? Demande-t-il en riant. Je suis un homme, Ruby. Tu vas donc considérer les besoins d'un homme comme des choses monstrueuses?

— Exactement.

Je suis en colère contre lui et il sourit. Ok. Tout ça est parfaitement normal. Calme-toi, Ruby. Ne montre pas que tu es mal à l'aise. Sois décontractée.

— Et si on arrêtait de parler de ce livre? Parlons plutôt du pourquoi je ne saute pas encore d'une barque au milieu d'un lac.

Oups. Ce que je viens de dire ne semble pas lui plaire parce qu'il perd son sourire. Espèce d'idiote! Comment as-tu pu dire un truc pareil?

— Pourquoi précisément au milieu d'un lac? Demande-t-il d'une voix grave qui fait peur.

Je ravale ma salive, voulant rester détendue, malgré le fait que je peux sentir sa colère.

— L'expression importe peu. Ne perdons pas de temps sur ça et dis-moi ce que tu veux.

Oui, dévions le sujet de conversation.

— On a un accord, rappelle-toi.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis contente que son sourire de psychopathe revienne.

— Je n'ai pas oublié. Il répond en croisant les genoux. Mais ça fait à peine un après-midi que tu es là. Il faut plus que ça, Ruby.

Il est dur en affaires. J'aurais dû le voir venir. Comment j'ai fait pour rater un détail pareil? Il ne me dira jamais rien en un après-midi à m'asseoir et lire.

— Très bien. Dans ce cas, quand vas-tu m'expliquer la raison de ma présence ici?

Il laisse échapper un léger rire et se lève de son fauteuil. Ses pas sont lents et ils se dirigent vers moi. Je sens mon cœur battre un peu plus fort quand il appuie ses mains sur les accoudoirs de mon fauteuil. Je tente de reculer pour mettre le plus de distance possible entre nous, mais le fauteuil n'aide pas.

Je n'ai pas peur.

Non, en fait, si, j'ai très peur. Surtout quand je sens son souffle contre mon oreille. Je suis pétrifiée. Incapable de faire le moindre mouvement. L'air semble s'être évaporé dans la salle. Je suffoque.

— Tout vient à point pour qui sait attendre, trésor.

Il s'en va. Je respire de nouveau. Comme la dernière fois.

Pour la BêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant