J'ai passé ma journée à déambuler dans la maison comme une âme en peine. Les aveux de la veille qu'il a fait m'ont bien fait réfléchir. Et à force de cogiter, j'ai fini par me ronger totalement l'ongle du pouce. Je devrais probablement arrêter de tourner en rond et trouver une solution à ce problème. Car oui, le docteur Henri Morgan est un gros problème. Il sait quelque chose sur l'affaire de ma disparition. Je ne sais pas qui le lui a dit, mais ce n'est sûrement pas l'un des employés de la maison. Ils ont trop peur d'Arthur pour oser ne dire qu'un seul mot. Arthur est puissant grâce à son argent. Les personnes modestes comme eux ne peuvent rien devant la suprématie de l'argent. D'autant plus qu'ici, ils sont nourris, logés et payés. Ils n'ont aucune raison de le dénoncer. Et puis, si ils en avaient une, pourquoi le dire à un médecin et pas à la police?
Personne ne sais où se trouve cette maison, probablement. Après tout, c'est un endroit paumé au milieu de la forêt. Même un chalet de vacances n'aurait pas été bâti aussi profondément dans les bois. Je suis complètement coupée du monde ici. Personne ne vient jamais. Il est donc impossible que quelqu'un qui ait fureté ait pu parler au docteur Morgan. Dans ce cas, ce docteur avait déjà des doutes sur Arthur et il a commencé à fouiner. Mais comment est-il arrivé à cette conclusion? Arthur est réputé pour être quelqu'un de froid et pas très ouvert à la discussion — sauf quand il est avec moi, ce qui me plaît beaucoup.
Ce docteur à sûrement fait des recherches. Il a peut-être aussi suivi Arthur. Mais jusqu'ici, vraiment? Quand j'ai tenté de fuir, j'ai conduit pendant un certain temps et très rapidement. Mais je ne suis pas arrivée à voir ne serait-ce qu'une borne kilométrique qui puisse m'indiquer à quelle distance de la ville j'étais. Cet endroit est bien trop éloigné de la civilisation. Comment fait Arthur pour aller au travail et revenir ici tous les soirs avec une distance pareille? C'est complètement fou de faire le trajet à l'allé et au retour. Et si il avait été suivi, il l'aurait remarqué non? Ça ne se rate pas une voiture qui nous suit dans cet endroit désert. Ou bien, le docteur Morgan aurait maintenu une certaine distance entre sa voiture et celle d'Arthur. Ça se tient. Ou encore, il aurait mis un traceur dans sa voiture.
Les hypothèses ne sont pas nombreuses et ça me va. De toute façon, je n'ai pas besoin de ça. Il faut juste que je le fasse taire, peu importe comment. Je ne peux pas le soudoyer, étant donné que je suis supposée être la victime. Je ne peux pas non plus lui faire du chantage. Arthur me tuerais si j'osais utiliser son ordinateur pour faire des recherches sur Morgan. Il pourrait penser que je tente de contacter quelqu'un. Et ça ne sera pas dans mon intérêt de le voir se mettre en colère contre moi. Je dois mettre toutes mes chances de mon côté. Est-ce que je peux le menacer de mort?
C'est ridicule.
Je suis enfermée ici et pas du tout en position de menacer qui que ce soit. De plus, je n'ai pas son numéro de téléphone et encore moins de téléphone. Mes options sont très restreintes. Comment faire? J'ai envie de rester à ses côtés pour lui ouvrir les yeux. Je ne veux pas qu'il fasse de la prison. Et je serai prête à tout pour lui. Je lui ai déjà tout donné. Mon cœur. Mon corps. Tout. Une dévotion plus grande que la mienne n'existe pas. Mais ça, il ne peut pas le comprendre. Tout ce qui compte pour lui, c'est Sasha. Elle et encore elle.
Il ne visualise qu'un seul objectif. Et à cause de ça, il ne voit plus rien ni personne autour de lui. Arthur avance vers ce qu'il pense être sa destinée, sans se soucier des gens qui ne veulent que son bien. Des gens qui l'aiment. Des gens comme moi. Et j'ai beau lui jeter la réalité à la figure, il me regarde mais ne me vois pas. Il m'écoute mais il ne m'entends pas. J'ai compris que lui répéter jour après jour que ma sœur n'est pas faite pour lui ne sert à rien. Ne dit-on pas que les actes valent plus que les mots? Il faut que je lui prouve que je serai là pour lui. Mais comment?
Je serai prête à faire n'importe quoi pour lui éviter une peine d'emprisonnement. Je l'aime. Oui, je ne fais que répéter ça tous les jours comme si c'était la seule chose qui me maintenait en vie. Et actuellement, c'est le cas. Arthur est devenu ma seule raison de vivre. C'est la première fois que je ressens une telle chose pour un homme. Mais il faut aussi avouer que j'ai un problème. De tous les hommes de cette terre, pourquoi lui? Pourquoi celui qui m'a faite prisonnière? Est-ce que j'aurais attrapé le syndrome de Stockholm?
Là, je me remet entièrement en question. J'ai étudié la psychologie pendant plusieurs années. J'ai été en contact avec des sujets qui présentaient des troubles psychologiques et qui avaient besoin d'aide. Après tout ça, j'ai pensé que j'étais protégée. Que je n'irais jamais tomber dans une profonde dépression qui me mènerait au suicide. Que jamais je ne serait sujette aux syndromes quels qu'ils soient. Je pensais que mon esprit était fort. Ce qui n'est apparemment pas le cas. Qu'est-ce qui m'a poussé à l'aimer? C'est vrai, quoi! Ce n'est pas un bookboyfriend. Il m'a beaucoup mal parlé. Alors, quoi?
Alors que je cogite dans le noir, assise sur mon lit, ma porte s'ouvre dans son grincement habituel. Quand je tourne la tête, je vois Arthur, plus beau que jamais. Mon cœur rate un battement quand il s'approche, torse nu et cheveux mouillés. Plus bel homme, je crève. Il me fait un tel effet que je n'ose plus bouger. Arthur s'assoit sur mon lit et regarde la lune à travers ma baie vitrée. Lui aussi semble réfléchir. Je me demande si parfois, il pense ne serait-ce qu'un tout petit peu à moi.
Nous restons dans le silence, attendant que l'un d'entre nous se jette à l'eau. Arthur soupire lourdement et je ne sais pas où je trouve la force pour le regarder dans les yeux. Les siens me sondent. Je me laisse totalement pénétrée par son regard. Je veux qu'il sache tout de ce que je ressens pour lui.
— Je... Je ne sais pas quoi faire, Ruby.
C'est agréable qu'il me confie des choses. J'aime être sa confidente.
— À propos de quoi? Je demande.
— Du docteur Morgan. Il arrive comme un cheveu dans la soupe et ça m'empêche de terminer ce que j'ai commencé.
— Tu pourrais peut-être le soudoyer ou quelque chose dans le genre.
Il lâche un rire. Le plus beau de tous. Arthur est tout ce dont j'ai besoin pour être heureuse.
— Ça ne marche pas comme dans les films. Dit-il.
— Dans ce cas, je n'ai rien à te proposer. J'y ai aussi réfléchi, et ça ne mène nulle part.
Il inspire profondément et s'allonge sur mes oreillers. Puis, il sourit.
— Tu crois que je devrais le tuer comme cette fille? Demande-t-il sur un ton plaisantin.
Je souris aussi, malgré le fait que ça ne devrait pas être drôle. Enfin, normalement. J'ai vraiment un sérieux problème! Quelle personne qui a toutes ses facultés mentales se mettrait à rire de ce genre d'humour? Mais en y pensant, quoi de mieux pour faire taire quelqu'un que de le tuer?
Attendez...
Le tuer pour le faire taire?
— Ruby, j'ai la vague impression de t'en demander trop, mais... j'ai vraiment besoin de compagnie ce soir.
Mes pensées se bousculent et je me met immédiatement face à lui. J'espère qu'il viendra vers moi et non l'inverse. Il me regarde avec un air grave, signe que la chance n'a pas été de son côté aujourd'hui.
— J'ai eu une sale journée.
Sa seule phrase allume mon mode antidépresseur. Ce n'était pas vraiment la demande que j'attendais, mais il fait déjà des efforts. Sans attendre autre chose, je retire ma nuisette, faisant apparaître ma lingerie rouge en dentelle. Ses yeux dévorent mon corps, ce qui a pour effet de m'embraser de l'intérieur.
— Même si tu me demandais de coucher avec toi toutes les dix minutes, je ne refuserai jamais.
Aussitôt, il se redresse du lit et plonge sur mes lèvres. Encore une nuit magique pour moi.
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Pour la Bête
RomanceVous aimez les histoires d'amour impossible? Je suppose que c'est un oui à l'unanimité. Alors, me voilà. Voici mon histoire. J'ai eu la malchance de tomber amoureuse d'un homme qui n'a d'yeux que pour ma sœur. Il pense à elle jours et nuits. À aucu...