Après la belle promenade avec Arthur, il m'a fichu dehors. J'ai passé ma nuit sur la banquette arrière de la voiture, ainsi que toute la journée d'après à pleurer. Pendant la soirée, je suis allée terminer ce que j'avais commencé. Tous ceux qui connaissaient le secret d'Arthur étaient maintenant en train de manger les pissenlits par la racine. Ça fait maintenant deux jours que je déambule dans la ville avec le chauffeur. Je ne suis pas rentrée, je n'ai prévenu personne, et je pense que mon chauffeur en a assez de moi. C'est assez compréhensible puisque j'ai profité de son argent pendant tout ce temps. Il est temps de rentrer à la maison.
Je suis sûre qu'Arthur sera content d'apprendre la mort de ces gens. Il l'a sûrement déjà lu dans les journaux. Et quand je lui dirai que c'était moi, il me reprendra tout de suite, sans aucune hésitation. On forme une bonne équipe tous les deux, et il est hors de question que ça change. J'ai travaillé trop dur pendant des semaines pour en arriver là. Je ne le laisserai pas détruire mes efforts à néant. Alors, je demande au chauffeur de me raccompagner au manoir et il s'étouffe presque avec son sandwich.
— Pardon? Demanda-t-il, complètement désarçonné.
— Allons au manoir. Répétais-je avec plus d'insistance.
— Mais, le maître...
— Maître par-ci, maître par-là, il y en a marre! Faites ce que je vous dis!
— Mademoiselle, je suis chargé de vous ramener chez vous.
— Mais je rentre chez moi. C'est chez moi, là-bas, auprès d'Arthur.
Le chauffeur soupire et commence à me faire une dissertation sur les raisons pour lesquelles je devrais rentrer chez mes parents. Mais est-ce qu'il m'entend ou il le fait exprès? Si il ne veut pas me ramener au manoir, je me ferai un plaisir de conduire à sa place. Le seul petit problème est que je ne sais pas où il se trouve. Génial. Suis-je donc toujours obligée d'utiliser la manière forte?
Sortant mon tout dernier atout, je plaque ma main sur la gorge de mon chauffeur. Quand à lui, il commence à trembler. Il a vu de quoi je suis capable. Si il ne fait pas ce que je dis, il risquerait de rejoindre ses ancêtres un peu plus tôt que prévu. Et j'espère qu'il ne va pas tenter de s'extirper de ma poigne parce que je n'ai pas la force adéquate pour le battre. Alors, pour éviter ça, essayons d'être menaçante.
— Démarrez la voiture, direction le manoir. C'est clair?
Il ne peut que hocher la tête. Je pense que je suis assez menaçante comme ça. Je relâche sa gorge et il reprend la route. Cette fois, je laisse tomber la banquette arrière et me met sur le siège passager. Il est encore tôt et dehors, il n'y a presque personne. Juste les coureurs du matin, les promeneurs de chiens et les lèves-tôt qui doivent ouvrir la boutique. Je peux donc tranquillement admirer la vue, tout en retenant bien les différents virages. Peut-être que j'en aurais besoin plus tard.
Après un moment, nous arrivons enfin à un endroit que je peux reconnaître. Ce sont les bois dans lesquelles j'étais partie avec une voiture pour tenter de fuir. Je me demande si la voiture que j'ai volé est toujours dedans. Puis, j'aperçois bientôt l'arbre que nous avons admiré avec Arthur pendant cette promenade. Il avait une branche voûtée qui rejoignait l'arbre voisin. Je lui ai dit qu'il ressemblait à un passage vers un autre monde. Il avait ri. J'ai ri aussi. Et pendant ces deux jours, ce souvenir m'a semblé si loin. J'avais l'impression que nous avons remarqué cet arbre il y a dix ans.
Mais aujourd'hui, il m'est plus proche que jamais. Nous dépassons l'arbre et j'aperçois les grilles rouillées qui m'ont tant manqué. Enfin, je suis à la maison. Je vais retrouver tout ce que j'ai laissé à contre-cœur. Même si Arthur pensait bien faire – et pour certaines personnes, il aurait sûrement pris la meilleure décision – je ne suis pas d'accord avec ce qu'il a fait. Il ne peut pas me faire sortir de sa vie comme ça. J'y suis, j'y reste.
Aussitôt que le chauffeur éteint le moteur, je sors de la voiture comme si ma vie en dépendait. C'est comme une flèche que je me rue vers le perron et que j'ouvre la grande porte. Mon sourire s'illumine quand je retrouve ce hall plongé dans une ambiance caramel. Le froid qu'il y avait dehors avait été chassé pour de bon. Je ressens enfin la chaleur d'une maison. De ma maison. C'est ici que je me sens bien. C'est ici que j'ai décidé de construire ma vie avec Arthur. Et mon rêve va se réaliser.
Quand à lui, il descend des escaliers, le nez plongé dans sa tablette. Il ne me remarque pas. Mais ça ne dure pas longtemps, parce que quand il lève les yeux, il en manque de tomber des marches. Heureusement qu'il s'est rattrapé à la rembarde, les yeux ronds comme des soucoupes. Il m'a manqué.
— Arthur... je suis revenue.
Toujours sous le choc, il se remet droit et je cours vers lui, mes lèvres retrouvant enfin les siennes. Deux jours, c'est long. Très long. Et Arthur semble aussi heureux que moi parce qu'il prend mon visage en coupe et approfondi le baiser. Ses lèvres sont toujours aussi douces et chaudes. Il me fait toujours le même effet. C'est toujours cette même électricité qui me traverse à chaque fois. Nous nous séparons enfin et il ferme les yeux, sa main caressant mes cheveux.
— Qu'est-ce que tu fais ici? Demande-t-il.
— Je suis revenue.
— Pourquoi? Pourquoi tu es revenue? Ce n'est pas un endroit pour toi ici.
Il réouvre ses yeux et ses iris tremblent. Cette même inquiétude qui l'a poussé à me faire sortir d'ici est toujours là. Mais je ne suis pas en sucre. Il n'est pas un monstre et je n'ai pas besoin de me protéger de lui. Je suis son antidépresseur. Je dois rester près de lui parce qu'il ne pourra pas vivre sans moi. C'est un fait.
— Au contraire, c'est ici qu'est ma place.
— Ruby, pourquoi?
— C'est peut-être ça, l'amour inconditionnel.
Il soupire et me prend dans ses bras, me serrant fort comme regrettant de m'avoir laissé partir. Tu peux être sûr que je ne partirai pas, Arthur.
— Tu n'es pas mauvais, Arthur. Tu es juste incompris. Et je te comprends, de même que je t'aime.
— Merci... Souffle-t-il dans mes cheveux.
— Je t'aime plus que quiconque au monde, si tu savais.
— Je t'ai fait tant de mal. Comment peux-tu...? Je suis un criminel.
— Si tu es un criminel qui mérite une peine de 15 ans de prison, je suis une criminelle qui mérite une peine de mort. J'ai tué des gens. Quatre pour être exact. Devant un juge, je suis une psychopathe qui mérite la mort.
— Ne dis pas ça.
— Je suis comme toi. On est tous les deux en proie aux ténèbres. Elles nous ont englouti sans qu'on ne puisse rien y faire. On a fait ce voyage ensemble. On arrivera au bout, ensemble. On coulera ensemble.
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Pour la Bête
RomanceVous aimez les histoires d'amour impossible? Je suppose que c'est un oui à l'unanimité. Alors, me voilà. Voici mon histoire. J'ai eu la malchance de tomber amoureuse d'un homme qui n'a d'yeux que pour ma sœur. Il pense à elle jours et nuits. À aucu...