Chapitre 30 : Caprices et compagnies

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   —N'oublie pas tout ce que je t'ai dit ma tulipe, prend soin de toi, d'accord ?

   — Oui mamie.

Elle m'adresse un sourire, et sur ces derniers mots, elle monte à bord du carrosse, laissant la place dans le creux de mes bras à ma mère.

   — Tu vas me manquer mon cœur, reste sage ici, tu as tout l'honneur du royaume sur tes épaules. Et prend soin de mon bout de chou jusqu'à ce qu'on revienne te voir.

J'opine de la tête et sourit de bonheur pendant que ma mère touche avec délicatesse mon ventre qui commence à durcir petit à petit.

Désormais installées, le carrosse de mamie Rhoda et de maman commence son long voyage vers Heldor. Des larmes commencent à se former dans mes yeux, pendant que j'agite tristement la main en leur direction en guise d'au revoir. Chaque séparation fait naitre en moi une douleur indescriptible, comme si elles m'abandonnaient. Marek passe la main autour de mon épaule et me rapproche de lui.

   — Tu es merveilleuse, comme ta mère. Et je suis sûr que toi aussi, tu seras une excellente mère.

Je lui souris légèrement, soudain hantée par un sentiment de déjà-vu. Je me souviens du jour où mes parents sont partis après mon mariage, comment je me sentais heureuse et comblée, avant de tomber des nues quelques mois plus tard. Ce sentiment d'insécurité perpétuel assombrit davantage mon air déjà triste.

   — Ça va Uméïra ? Tu m'as l'air malade. Encore ces nausées ? s'inquiète ma belle-mère.

Je répond par la négative et rentre au palais. Je me sens moralement faible, comme plongée dans une incompréhensible léthargie. Et j'ai une furieuse envie de m'allonger, de dormir pour oublier mes angoisses. Ce n'est pas parce qu'Ellen me semble méchante, ou que j'ai peur de décevoir mon mari. En fait, ce dont j'ai secrètement peur, c'est de perdre cet enfant qui est mon passeport pour le bonheur, la liberté, la paix.

Dès que j'arrive à ma chambre, je m'étends sur mon lit. Ellen m'emboite les pas, ce qui est loin de me faire le plus grand bien. Elle ne tient décidément pas à me lâcher.

   — Je suis sûre que ça ne va pas, et c'est sûrement les angoisses dues à la grossesse, insiste-t-elle.

   — Ça va belle-maman, j'ai besoin de repos. C'est tout.

Elle baisse la tête, l'air préoccupée. Elle s'approche assez timidement de mon lit et s'assoit sur le bord.

   — Tu sais Uméïra, je ne sais pas comment me faire pardonner tout le mal que je t'ai fait. Tu ne mérites pas cela, tu es une femme incroyable. Tu as accepté de faire des sacrifices énormes pour ton mari, et on ne te remerciera jamais assez pour.

   — Non belle-maman, c'est déjà oublié, feins-je.

   — Tu dois me trouver assez autoritaire, menaçante même. Mais mes parents m'ont appris à être comme ça, pour ne pas être faible quelle que soit la situation. J'ai l'air dure, mais ce n'est pas la véritable personne que je suis.

Touchée, je me redresse, étonnée de la sentir si sincère et si vulnérable.

   — Oh, désolée belle-maman, je ne savais pas tout cela.

   — Tu n'as pas à t'excuser Uméïra, tu ne pouvais pas le savoir.

Je l'entends renifler, cachant son visage avec les manches de son lourd vêtement royal. Je m'approche et lui passe la main dans le dos, confuse de la voir aussi triste. Ça remet tout en question, tout ce que je pensais d'elle. Au fond, elle est peut-être gentille à sa façon. Maladroite mais gentille. Et déçue qu'après plus d'un an je n'arrive pas à faire un enfant à Marek et voir son fils unique à bout l'a forcément fait craquer, et c'est à moi qu'elle a fait payer ce mal-être. Une réaction tout à fait humaine.

   — Je ne supporte pas de savoir que tu me détestes, reprend-t-elle. Je veux que tu me considères comme une mère, mais j'ai tout raté...

   — Mais non, vous êtes déjà comme une mère pour moi. C'est juste que je pensais vous décevoir.

Elle ouvre ses bras et je m'y blotti, pleine d'empathie. Elle me caresse tendrement la tête, et on reste comme ça de nombreuses secondes.

   — Tu es là Uméïra ?

Marek frappe à ma porte et s'arrête juste à l'entrée, attendant que je le fasse entrer.

   — Oui tu peux entrer, lui dis-je.

Ellen et moi nous nous détachons, et elle se lève pour partir.

   — Je vais te laisser avec ton mari Uméïra. A lui aussi, pardonne. N'oublies pas : nous sommes ta nouvelle famille. L'ancienne est loin de toi, désormais.

Je secoue la tête de haut en bas en guise de oui et m'étend sur le lit. Marek m'y rejoint, et tout habillé, il s'étend sur le dos à côté de moi, fixant le plafond tout comme moi.

   — Tu te sens mieux ? demande-t-il.

   — Oui, mais je me sens toujours aussi fatiguée. C'est insupportable.

   — C'est normal, ces derniers temps, tu n'as presque pas dormi pour t'assurer que ta mère et ta mamie aient tout ce dont elles auraient besoin pour leur séjour.

Il pose la main sur mon ventre en le caressant.

   — Alors que tu es enceinte, conclue-t-il. Et tu as besoin de repos.

   — Mais Marek, je vais bien, je veux rester active...

Il s'approche de mon oreille, son souffle chaud ventilant mon cou, y susurrant des mots doux qui emballent mon cœur.

   — Laisse-moi m'occuper de toi chérie, laisse-moi prendre soin de toi, tu as besoin de souffler, ce n'est pas facile d'être reine et je le sais.

Je tourne le visage en sa direction, nos lèvres à juste quelques millimètres d'écart, nos souffles formant un ballet électrique qui me gonfle la poitrine et me couvre de chair de poule.

   — Oui, mais...

   — Pas de mais qui tienne, tu as fait...trop de sacrifices Uméïra, à moi d'en faire, de te dorloter comme tu le mérites.

Sa main glisse jusqu'à la mienne, qui la serre en guise d'approbation.

   — D'accord, comme tu veux.

Il me fait un bisou sur le front, puis dans le cou, me laissant comprendre que ce n'est pas censé s'arrêter là. Après un dernier baiser sur le haut de ma poitrine, je lui prends le visage entre mes mains et force un peu pour qu'il me regarde, et se concentre sur ce que je veux lui dire.

   — Je n'en ai pas l'énergie maintenant Marek, attend un peu.

   — D'accord, je comprends.

Il descend de mon lit, visiblement à contre-coeur. Je le regarde marcher jusqu'au grand miroir qui se trouve dans le coin de ma chambre pour soigner son apparence avant de sortir.

   — Qu'est-ce que tu as envie de manger ? me demande-t-il.

   — Je n'ai pas très faim, je vais manger après.

   — Tu dois manger chérie, n'oublies pas que tu n'es plus la seule à nourrir.

   — Bon, alors...des beignets de pommes de terre frits et une soupe au canard, dis-je avec une voix enjouée.

Il me dévisage d'un air ahuri, puis vient me faire une bise sur le front avant de partir, moqueur.

   — Pour quelqu'un qui disait ne pas avoir faim, c'est étonnant. Je vais demander à ce que ça te soit préparé pour ce midi. Avec des légumes.

   — Non, pitié, pas de légumes !

   — Je ne te laisse pas le choix, ma chérie, rétorque-t-il.

Il rit et s'éclipse rapidement sans me laisser le temps de répondre, me laissant imaginer à quel point j'allais me régaler, une fois tous les légumes mis de côté dans mon assiettes bien sûr. Finalement, je compte profiter de ces 9 mois de bonheur avec ma nouvelle famille, autant que je le pourrai. 

Au fait, et si j'ajoutais à mon plat de la dinde grillée aux olives ?

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M'accorderez-Vous Cette Danse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant