Chapitre 48 : Vieux démons

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   — Père !

Adrian n'ose esquisser le moindre geste, terrifié par la présence soudaine de son père qui ne devait normalement pas être en ce moment-là à la maison.

   — Qu'est-ce que tu fais ici, réitère le père d'Adrian.

   — Je...ça faisait longtemps que je n'étais pas venu, je passais juste, balbutie-t-il avec une fausse assurance.

Adrian glisse discrètement la clé du laboratoire de sa mère dans l'une des poches de son uniforme, et renforce sa poigne autour des frêles manches du sac qui contenait la potion.

   — Tu es sûr que ce n'est que ça ? Uniquement pour ça que tu remets les pieds dans cette maison que tu as cessé de considérer comme la tienne depuis tes 18 ans ?

   — Vous m'aviez interdit d'y remettre les pieds tant que je serai dans l'armée, père. C'est ce que j'ai fait.

   — Donc tu n'y es plus alors ? lâche son père avec un enthousiasme timide.

Adrian déglutit devant le minime espoir de son père qu'il s'apprête à détruire.

   — Si, j'y suis toujours.

Son père lâche un soupir de dépit et marche lentement jusqu'à la table à manger où il s'assoit sans prendre la peine de considérer davantage son fils.

   — Vous allez m'ignorer comme ça encore longtemps père ?

Son père ne répond rien, et se contente de remonter les manches de son énorme vêtement, la tête entre les mains.

   — Je suis fatigué Adrian. La joaillerie familiale devait être à toi maintenant. J'ai ouvert un nouveau magasin en ville, celui du jour où la reine a eu un malaise. Qui va s'occuper de tout ça maintenant que je suis vieux, dis-moi !

   — Père, je peux arranger tout ça. Laissez-moi juste le temps de faire une dernière chose.

   — Non. Tu avais le choix entre ta famille et l'armée, et tu as choisi l'armée, sachant très bien que ta mère n'avait jamais souhaité cela pour toi. Le pire, c'est qu'à cause de toi, j'ai aussi perdu Heldra.

Adrian baisse la tête, la mine vaincue par les propos de son père. Il n'avait pas tort. Son rêve était d'intégrer l'armée, alors que son père l'en avait formellement interdit. Mais il a désobéi et est parti de la maison dès ses dix-huit ans. La seule fois où il est revenu, c'était pour chercher Heldra, qui à cause de lui et de la mission que la famille royale d'Athéna lui avait confiée, était désormais en danger. Ce jour-là, son père lui avait dit droit dans les yeux qu'il ne voulait plus jamais entendre parler de lui. Couteau dans le cœur, Adrian s'y était résigner, parce qu'il ne pouvait plus faire marche arrière. Il franchit ce jour-là le seuil de la maison, le cœur lourd et plein de chagrin d'y abandonner en toute conscience son père, qui faisait encore le deuil de sa femme.

Ses deux enfants, qu'il avait élevé seul, sans avoir voulu une autre femme, étaient en train de le quitter. Et c'est cette douleur que le père d'Adrian avait ressentie envers l'ingratitude de son propre fils qui ressurgit au moment où il l'aperçut dans la maison.

   — Je suis désolé père, murmure humblement Adrian en venant s'incliner à ses pieds. Je vous ai désobéi, je sais que j'ai été indigne, mais je ne pouvais plus faire machine arrière. Et le seul moyen de protéger ma famille était de partir. Heldra devait me suivre, pour avoir la vie sauve.

   — Je sais Rhys, je sais. C'est pour cela que ta mère et moi étions contre ton désir. Malheureusement, il a été plus fort que tout, même la mémoire de ta mère, dit son père, une larme au coin de son œil autour duquel se dressent de longues pattes, les rides dues à l'âge.

M'accorderez-Vous Cette Danse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant