Chapitre 56 : Indélébiles stigmates

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- Donne-moi la serviette, je vais la lui passer sur le front, ordonne Adrian à Heldra, qui s'exécute immédiatement.

Il presse légèrement la petite serviette mouillée, et la glisse sur le front perlé de sueur d'Uméïra. Elle continue de baver de la bouche, et rien ne semble pouvoir arrêter l'écoulement roseâtre qui ne fait qu'amplifier l'inquiétude d'Adrian.

- Heldra, tu es sûre que ça va s'arrêter ? Il ne faut pas qu'elle soit plus déshydratée qu'elle ne l'est déjà.

- C'est le poison qui sort de son corps Adrian, d'ici ce soir ça s'arrêtera.

- Regardez, elle bouge encore, dit toute heureuse Nikita.

Uméïra toussote, les paupières encore trop lourdes pour les bouger. Elle se sent faible, et ne peut que bouger les doigts pour signaler qu'elle est en vie.

- Ne faites pas de mouvements trop brusques reine, prenez votre temps, nous sommes là, murmure tendrement Adrian.

Uméïra entend ce que cette voix si apaisante lui susurre. C'est la voix d'Adrian, et les deux filles ne sont d'autres que Nikita et Heldra. Uméïra sent une aura de sécurité l'apaiser, et se laisse doucement couler vers un sommeil profond, interrompu de temps à autre par du vomi du poison. Toute la journée, jusqu'à ce que la lune impose sa clarté, Nikita reste près d'elle, recueillant chaque vomi avec un seau. Une tâche bien dégueulasse, mais dont elle ne se plaignait pas, tellement heureuse de voir enfin la reine se réveiller de son long coma.

De son côté, Heldra s'activait en cuisine. Elle était bien consciente que la reine ne devait pas manger trop copieusement parce qu'elle était encore convalescente. Mais elle ne voulait pas faire dans la dentelle. Dès que la reine se rendormit, elle courut en forêt chercher des baies, des feuilles à thé, ainsi que quelques tubercules qui serviront de repas complets pour la reine les jours suivants. Elle ne devait manquer de rien. Ils avaient une victoire à remporter sur le duo machiavélique que formait Ellen et Marek.

Quand il retournait de temps en temps au palais, Adrian quant à lui arrivait difficilement à cacher sa joie. Néanmoins, il s'y obligeait pour conserver un secret dont la découverte pourrait tout faire virer au cauchemar en un rien de temps. Officiellement encore convalescent, il n'était pas tenu d'être constamment à son poste de garde. Surtout que la personne qu'il devait constamment surveiller était censée être morte. Mais au lieu de cela, il la surveillait de la meilleure des façons possibles : en étant à son chevet.

*

Revenu de la comédie journalière qu'il faisait à longueur de journée au palais, à rechercher un garde qu'il avait lui-même tué, il était resté assis dans la chambre d'Uméïra. La grotte de fortune dans laquelle ils se cachaient ne leur permettait pas de placer un voile autour du lit de la reine. Elle reposait simplement sur le tas de feuilles recouvertes d'un drap de satin que Nikita avait apporté avec elle.

Rien ne pouvait détacher le regard d'Adrian d'Uméïra. Il la contemplait sans se lasser. Quand Heldra vint l'informer que c'était l'heure de la toilette de la reine, il insista pour la faire lui-même. Les parties les plus intimes, Heldra s'en chargerait plus tard. La lampe qui se trouvait dans un coin de la pièce dégageait une chaleur légère qui permettait de palier au froid qui frappait cette partie de la grotte. Sa douce lumière caressait la peau diaphane d'Uméïra qu'Adrian adorait voir former des petits boutons de chair de poule quand il glissait la serviette sur certaines parties de son corps.

Son instinct de mâle voulait posséder cette femelle qui n'avait que trop enduré la bêtise et la cruauté des hommes. Sa naïveté n'était pas destinée à être la cause de ses persécutions, mais devait charmer l'homme qui saurait l'apprécier. Il nourrissait l'espoir d'être cet homme, une fois que tous leurs ennemis seraient du passé. Mais faut-il en espérer autant quand l'on est qu'un pauvre serviteur, de surcroît un ex-traitre ?

Adrian expire bruyamment. Il a fini de la nettoyer. Et il n'attirait sûrement pas de bonne ondes avec ses constantes remises en question. Il se lève donc d'un bond, et se dirige lentement vers la sortie.

- Adrian...siffle une petite voix derrière lui.

Uméïra s'est réveillée de son long sommeil. Il se retourne, et découvre avec joie que ses paupières ont enfin laissées une petite ouverture à ses yeux.

- Uméïra, tu es enfin réveillée.

Il rebrousse chemin et s'accroupit tout près de sa couchette.

- Adrian, reste avec moi.

Il espérait tellement qu'elle lui dise cela, qu'il s'assoit instantanément près de sa tête, les jambes étendues de tout leur long, et soulève tendrement sa tête pour l'y déposer.

- Ne t'inquiète pas, je ne bougerai pas d'ici, la rassure-t-elle.

Elle respire doucement, soulagée de se sentir en sécurité, et en vie. Elle qui était pourtant persuadée que s'écrouler au pied de ce grand arbre avait signé son arrêt de mort.

- Uméïra ? avance prudemment Adrian.

- Oui.

- Tu...te souviens de tout ?

Dans son cœur, la réponse est déjà donnée. Mais elle n'arrive pas à le dire. C'est beaucoup trop dur de réanimer tous ces souvenirs sitôt. A peine après avoir hoché la tête, elle se met à couler abondamment des larmes. Adrian s'en veut, à cause de sa question maladroite. Pourquoi diable aborder ce sujet maintenant ? La soif de vengeance primait-elle sur le bien-être immédiat de la jeune reine ? Il fallait rattraper les choses.

- Pardonne-moi Uméïra, ne ressasse pas tout cela, tu es sous ma protection désormais, ils ne te feront plus de mal, je te le promets.

- Protège-moi Adrian, sinon ils nous trouveront et nous tueront, se lamente-elle, toujours en larmes.

- Je ne les laisserai plus te toucher Uméïra, c'est fini maintenant, ils ne gagneront pas, je...

- Ce sont des monstres près à tout Adrian !

À peine réveillée, elle était hantée par tout ce qu'elle avait dû vivre ces derniers mois. Elle s'en souvenait parfaitement : Viols, humiliations, tortures...elle portait encore fraîchement les stigmates morales et physiques de l'enfer que lui avait promis et fait vivre Ellen. Elle était terrifiée à l'idée d'avoir à y retourner un jour. Adrian voulait la protéger, mais il n'était pas de taille à affronter la royauté d'Athéna. Elle aurait préféré mourir, pour leur échapper pour toujours.

Il voulait la sortir de ce traumatisme. La délivrer de la peur que lui inspirait son ex-bourreau. Il passa les mèches encombrantes qu'elle avait sur le visage derrière le lobe de son oreille et nettoya ses larmes avec application à l'aide de son pouce. La peur de la reine déchue s'estompa un tant soit peu. Adrian était tout près.

- Je ne suis pas grand-chose, mais je peux te jurer une chose Uméïra. Ils ne gagneront pas.

- Tu ne sais pas à qui tu as affaire Adrian.

- Si, je le sais très bien. Et ils paieront pour tout ce qu'ils ont faits, je te le promets, murmure Adrian sur un ton péremptoire.

Jusque-là, il avait fait l'inimaginable pour la sortir de cette prison dorée. Mais il était encore loin d'avoir atteint ses limites. Il se vengerait de ceux de qui il était jadis au service. Pour Uméïra, il tournerait le dos à ces insensibles meurtriers. S'il devait y laisser la vie, ce ne serait pas sans avoir versé le sang d'Ellen et de Marek.

Il se le jurait.


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M'accorderez-Vous Cette Danse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant