Chapitre 67 : Graine d'héroïne

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Elles marchaient sans arrêt dans la forêt depuis bientôt une trentaine de minutes. Jusque-là, personne n'avait encore croisé le chemin des trois fugitives. Elles en étaient bien évidemment soulagées, parce qu'elle n'avait pas eu à essuyer de sang derrière elles.

   — Arrêtez de marcher, il y a quelqu'un qui approche, intime Uméïra.

Les sens en alerte, Nikita et elles se placent de part et d'autre du sentier, à l'abri des grandes touffes d'herbes, pendant qu'Heldra reste sur place comme appât.

   — Toi ! s'exclame le garde en reconnaissant Heldra. Enfin j'ai trouvé l'une des...

Le soldat n'a même pas fini de parler que Nikita et Uméïra l'assomment violemment avec le manche de leur épée. Il tombe, ayant complètement perdu connaissance.

   — Et de un ! s'exclame Heldra.

   — C'est loin d'être finit les filles. Ce soldat est le moins expérimenté que nous aurons à rencontrer. Ce n'est pas le moment de nous réjouir, dit Uméïra.

   — Où est-ce qu'Adrian nous as dit d'aller Heldra ? demande Nikita.

   — Il nous as dit de suivre le chemin allant vers le nord. Il nous devancera.

   — Allons-y alors.

Elles continuent de marcher conformément aux instructions d'Adrian, avec une petite boussole pour guide. Uméïra est inquiète. Adrian aurait volontairement dit à sa sœur de suivre la route menant vers Heldor, pour assurer leur sécurité, sans pour autant lui-même être en sécurité. Ça, Uméïra l'avait compris. Mais une fois les filles en sécurité, elle reviendrait ici à Athéna, le chercher lui, et s'occuper de Marek, son désormais ex-mari.

*

À elles trois, elles étaient presque invincibles. Combien de soldats eurent le malheur de croiser leur chemin ? Ils étaient innombrables. Même si la plupart était déjà tombés sous l'épée d'Adrian, elles eurent quand même du fil à retordre avec ceux qui venaient en renfort. Mais après quatre jours à marcher avec endurance dans cette forêt, elles étaient aguerries. Il ne passait un jour sans que Uméïra ne pense à Adrian. Où était-il en ce moment ? Comment mangeait-il ? Comment dormait-il ? Était-il toujours vivant ? Selon Heldra, il l'était, et allait les attendre à la frontière d'Heldor. Mais le mauvais pressentiment qu'elle allait le perdre pour toujours ne la quittait pas, et la rendait encore plus déterminée et insensible.

   — On doit être à quelques kilomètres de la frontière, remarque Uméïra. Heldra, avance avec Nikita pour voir si Adrian ne nous attend pas dans les parages. Je reste ici surveiller nos affaires.

Elles s'exécutent, mais reviennent juste quelques minutes plus tard.

   — Il n'y a personne, on peut avancer encore un peu.

Uméïra s'assit brusquement, écrasée par une fatigue dont elle ignorait la raison. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle n'en pouvait plus.

   — Asseyons-nous un peu. Le soleil est haut dans le ciel, c'est l'heure de manger.

Pendant que toutes ensemble elles mangeaient les baies cultivées au passage, une fusée colorée dessina une ligne verticale dans le ciel. À sa vue, Heldra laissa tomber toutes les baies qu'elles tenaient dans la main, pourtant si friande de celles-ci.

   — Qu'est-ce que tu as Heldra ? Tu as vu quelqu'un ?

   — C'est Adrian...c'est fini, c'est mort...balbutie-t-elle, anéantie.

   — Comment ça ? S'exclama Uméïra en sursautant.

   — Adrian m'avait dit qu'on devait suivre ses pas, mais que si on voyait une ligne colorée dans le ciel, c'est qu'il s'était fait capturer, et qu'on devrait se débrouiller seules pour survivre...

   — Non, non, non, merde ! Non ! cria Uméïra avec hystérie. Non, Adrian, non, pourquoi, non...

Heldra aussi avait craqué, et Nikita tentait en vain de calmer ses pleurs, elle-même abattue. Uméïra tremblait, complètement perdue.

   — Je vais aller le chercher, quand elle eut repris ses esprits.

   — C'est fini Uméïra, et tu le sais...

   — Non. C'est moi qu'ils veulent. Moi. Marek me veut moi, repète-t-elle. Je vais lui donner ce qu'il veut.

   — Mais non ma reine, ne vous livrez pas ! supplia Nikita en se jetant à ses pieds.

   — Ne t'inquiète pas Nikita, la rassure-t-elle. Avec un peu de chance, Marek acceptera de simplement me jeter en prison. Je reviendrai, je te promets.

   — Avec mon frère ? demande timidement Heldra.

Uméïra resta pensive un moment, puis acquiesça.

   — Oui. Avec ton frère, finit-elle par lâcher.

S'approchant des deux filles, elle les regarda avec douceur, puis leur passa la main sur les épaules.

   — Je vous aime les filles. Vous êtes formidables. Je suis tellement fière de vous, et reconnaissante, commença-t-elle. Si jamais je réussis, je ne vous oublierai pas, et je viendrai vous chercher. Mais pour l'instant, écoutez-moi.

Umeïra afficha un visage grave, et elles se concentrèrent sur les mots qu'Uméïra s'apprêtait à prononcer.

   — Vous allez suivre le chemin que vous as donné Adrian. On va devoir se séparer.

   — Et tu iras où ?

   — Je vais retourner au palais. Je suis sûr que Marek va y emmener Adrian avant de l'exécuter.

   — Mais c'est loin !

   — Je vais marcher jusqu'à un cavalier, et prendre de force son cheval. Grâce à lui, je vais retrouver Mate, et continuer jusqu'au palais. Quant à vous, faites tout pour atteindre Heldor. Si vous réussissez, on se retrouvera bientôt.

Les deux filles la prirent dans leur bras et la câlinèrent longtemps avant de la lâcher avec difficulté.

   — On veut venir avec toi Uméïra.

   — Non, c'est dangereux. Et puis, Heldor aura besoin de vous si jamais il nous arrive quelque chose. Vous pourrez témoigner et défendre votre royaume.

   — Tu vas nous manquer Umeïra. Tu as tout notre soutien, et tu vas réussir ! lui déclare Heldra avec engouement.

   — Nikita, je compte sur toi pour protéger Heldra. Je sais que vous y arriverez.

Sur ces mots, elles se firent un câlin groupé, et se séparèrent en deux groupes, chacune désormais face à son destin.

Uméïra était toute seule. Et elle devait vite regagner le palais, munie seulement de quatre armes : son arc, la dague qu'elle s'était taillée, une cuirasse que lui avait donné Nikita, et de son courage. Tout allait se jouer maintenant. Sa vie et celle d'Adrian étaient entre ses frêles mains déjà couvertes de sang.

Le bout du tunnel était encore loin, et sa mission, digne de celle d'une héroïne qu'elle n'était pas encore.

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M'accorderez-Vous Cette Danse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant