Chapitre 69 : Les masques tombent

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Le silence qui suivit notre bref échange fut tellement long qu'il me sembla durer une éternité. Mais je n'arrivais pas à parler. Trop de souvenirs se bousculaient dans ma tête pour y avoir une place de choix. Le revoir après tout ce temps, éveille un sentiment indescriptible. Un cocktail de colère, d'amertume, de regret.

Lui aussi a l'air perturbé. Il me regarde avidement, et je peux lire dans son regard une sorte de soulagement, qui me surprend d'ailleurs.

- Je suis soulagé de te voir enfin ma belle Uméïra, me dit-il les yeux en lune.

- Retire tout de suite ce que tu viens de dire. De quel droit tu oses me parler ainsi ?

   — Je sais que tu m'en veux, je peux tout t'expliquer.

   — Ta mère l'a déjà fait, et je peux t'assurer que c'est l'une des raisons les plus stupides du siècle.

   — Stupide ? me demande-t-il avec une voix hypocrite. Ton ancêtre a massacré notre famille et tu trouves cette raison idiote ? Excuse-nous d'avoir voulu faire justice.

   — Tu m'as menti Marek. Tu m'as humiliée, moi et mon peuple. Jamais je ne te pardonnerai cela.

   — Baisse ton arme Uméïra, on va discuter dans la paix. Regarde, je baisse la mienne.

Effectivement, il avait descendu la sienne et semblait attendre que j'en fasse autant. Si c'est ce qu'il pense, il rêve.

   — Jamais plus je ne te ferai confiance, rétorqué-je.

   — Et pourtant tu fais confiance à Adrian. C'est paradoxal.

   — Mais il le mérite amplement, lui.

J'entends des bruissements pas très loin de moi. C'est Adrian qui gigote dans tous les sens pour enlever le bâillon de sa bouche. Il le réussit, mais Marek pointe immédiatement son arme sur lui.

   — Non Marek. Pitié ne fais pas ça.

Marek ? Il l'appelle par son prénom ?

   — C'est bien étrange que n'aie toujours rien dit à ta petite chérie, Rhys Diar, lui répond Marek. Elle n'a pas l'air au courant des nobles services que tu as rendu à ton peuple.

   — Marek, pitié, je t'en supplie !

Noble services ? Son peuple ? Rhys ? Adrian s'appelle Rhys ? Comment Marek sait-il tout cela ?

   — Ça vous dérangerait de m'éclairer sur le sujet ? leur dis-je.

   — Pardonne moi Uméïra, je t'en supplie pardonne-moi, je n'ai jamais eu l'intention de te faire du mal, me supplie Adrian.

Las et abattu, Adrian baisse la tête. Il n'arrive même plus à me regarder. Qu'est-ce qu'il me cache de si grave ? J'ai l'impression que Marek le connait plus que moi, alors qu'ils ne se sont connus que quand je suis arrivée ici au palais.

   — Le vrai traitre ici, c'est Adrian. Le nom sous lequel il est connu à Athéna c'est Rhys. Il n'est pas d'Heldor, mais d'Athéna.

Je reste stoïque. Adrian m'avait menti, quand il m'a dit qu'il était d'Heldor. Mais pourquoi ? Et Marek, pourquoi pense-t-il que ce détail va changer mon opinion sur l'homme qui occupe à nouveau mon cœur ?

   — Admettons qu'il ne m'ait pas dit la vérité sur ses origines. Ce n'est pas un crime que je sache, dis-je.

Marek se tourne vers Adrian et lui adresse un sourire vainqueur.

   — Je lui dis ou tu le fais ? lui demande Marek.

Mais de quoi est-ce qu'ils parlent ? Je veux savoir bon sang. Adrian reste étonnamment silencieux, et ça m'inquiète davantage.

   — Bon puisque tu...

   — Le passé m'importe peu quand mon présent est avec vous. Tu te rappelles de cette phrase Uméïra ? dis Adrian.

Cette phrase me dit quelque chose mais rien ne me vient directement à l'esprit.

   — J'ai l'impression de l'avoir déjà entendue...

   — Ses yeux bleus n'ont d'yeux que pour vous, et il n'est que vanité face à votre beauté. Cette phrase non plus ?

J'hoche légèrement la tête, confuse. Je suis complètement perdue.

   — Arrête de l'agacer avec tes devinettes de pacotilles, se plaint Marek.

   — Regarde la chevalière que tu portes au majeur droit, m'indique Adrian. Et souviens-toi : Gardez-la en signe de mon amour.

C'est comme si une ampoule venait d'être allumée dans ma cervelle. Je reste bouche-bée. Ce n'est pas possible. Non c'est une coïncidence. Il n'a pas pu me faire ça. Ce n'est pas vrai. Pourtant la vérité est pure comme l'eau d'une source. La seule personne qui aurait pu connaitre tous les détails de cette soirée, n'est autre que l'inconnu qui avait chamboulé mon cœur. Lui, en personne.

*

   — Adrian...tu...non...pas toi...

Cette fois-ci, Adrian lève la tête en ma direction. Son visage se décompose, sûrement à la vue des larmes qui font briller mes yeux. Je suis à deux doigts de pleurer. Mais Adrian ne me laisse pas commencer qu'il passe aux aveux.

   — Je suis en réalité Rhys Diar. Je suis né à Athéna dans une province du nord. Quand j'ai eu seize ans, j'avais tellement hâte de travailler dans l'armée que j'ai pris mes fonctions sans attendre. J'aimais l'armée. Peut-être même plus que ma vie. Je voulais servir mon royaume, et comme tout le monde, être dans les bonnes grâce du roi et de la reine. Quand j'ai eu 18 ans, la reine Ellen m'a proposé une grande mission : Devenir l'espion d'Athéna. J'hésitais, mais finalement, j'ai accepté. Il me fallait juste rapporter les faits et gestes de la famille royale d'Heldor, ainsi que du peuple. Une mission simple je me suis dit. Mais plus tard, devenu le bras droit du roi Marek, il m'a demandé autre chose.

   — Accélère tu veux bien ? le presse Marek.

Adrian souffla, puis continua.

   — Afin d'intégrer les soldats, j'avais dû changer de nom : Adrian. Ma nouvelle mission était de gagner la confiance de la famille royale et d'être nommé votre garde personnel. C'est là que je su vraiment pourquoi j'avais été envoyé à Heldor.

   — Moi et Marek avons quelques similitudes : la carrure, les yeux, la voix presque identique, quoi que la mienne est un peu moins grave. Marek ne pouvait venir au mariage de Maya et du roi d'Utopia. Je devais donc me faire passer pour lui et te séduire, afin que tu tombes complètement amoureuse d'une personne qui n'était même pas présente. S'ils t'avaient sous leur coupe, leur plan fonctionnerait et la disparition d'Heldor ne serait plus qu'une question de temps, vu que la princesse au penchant rebelle était conquise. Voici la vérité.

Adrian s'arrête de parler, mais je n'arrive pas à prononcer le moindre mot. Tout est flou, et pourtant, plus je repense à tout cela, plus je comprends que c'est effectivement la vérité. Que ce soir-là, c'était Adrian. Enfin Rhys. Je ne sais même plus comment l'appeler. J'ai l'impression que tout ce en quoi j'ai cru s'écroule autour de moi. Adrian n'était qu'un imposteur, depuis le début...

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M'accorderez-Vous Cette Danse ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant